L’action de Jacques Chirac par Philippe Bas

Philippe BasPhilippe Bas, né le 20 juillet 1958 à Paris, est Conseiller d’État. Il préside le conseil d’administration de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations. Ancien élève de l’Institut d’Etudes politiques de Paris et de l’ENA, il a été conseiller du Président Chirac, puis Secrétaire général de la présidence de la République de 2002 à 2005. Il avait auparavant été directeur adjoint du cabinet de Simone Veil au ministère des Affaires sociales (1993-1995), puis directeur de cabinet de Jacques Barrot, alors ministre du Travail (1995-1997). En juin 2005, il est nommé ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille au sein du Gouvernement de Dominique de Villepin. Puis, en mars 2007, ministre de la Santé et des Solidarités. Depuis 2008, il est Conseiller général de Saint Pois dans le Sud-Manche, et Vice-président du conseil général. Philippe Bas est chevalier de la Légion d’honneur.

L’action de Jacques Chirac a été portée par une conception de l’homme et une vision du monde qu’il n’aura cessé d’approfondir et d’enrichir. Sa politique, éclairée par les événements de l’Histoire, étayée par une vaste culture, ouverte à la connaissance du monde, des civilisations et des langues, s’est enracinée dans un humanisme profond, ancré dans nos traditions républicaines, fidèle aux valeurs universelles de la France. Cette politique aura puisé sa force, sa modernité et son efficacité dans la compréhension des transformations du monde d’aujourd’hui, économiques, sociales, environnementales, scientifiques, politiques, religieuses… Jacques Chirac aura véritablement été le premier Président d’une « France mondiale », c’est-à-dire d’une France déterminée à relever les défis de la mondialisation, parce que c’est la question cruciale de notre temps et que tout s’y rapporte.

Le premier, il a perçu à quel point la mondialisation conditionne la vie de chacun d’entre nous, le destin de notre pays et l’avenir de l’humanité. C’est ainsi qu’il aura véritablement été pour la France l’homme en charge de l’essentiel, un essentiel pour le XXIème siècle.

On a parfois reproché à Jacques Chirac de trop s’occuper de l’international et pas assez des questions intérieures. Ce n’est pas seulement inexact, c’est également absurde. Pas un seul des problèmes auxquels sont confrontés les Français ne peut se résoudre sans une coopération européenne et internationale forte, qu’il s’agisse de l’emploi, de la croissance, des risques environnementaux, de la sécurité intérieure et extérieure, de la cohésion de la société, de l’immigration, et de bien d’autres choses encore ! Chacun en convient plus aisément depuis que la crise financière internationale a ouvert les yeux de ceux qui n’avaient pas encore compris.Jacques Chirac
En pesant de tout le poids de la France pour la création d’un nouvel ordre mondial, c’est d’abord des Français que Jacques Chirac s’est occupé! Il n’y a pas pour lui une politique internationale et une politique intérieure, pensées comme des politiques indépendantes et séparées. Il n’y a que la politique de la France, une, globale et cohérente, inséparable dans chacun de ses éléments, dont le Chef de l’Etat assume la charge intégrale. Cette exigence d’unité de la politique française s’imposera désormais à chacun de ses successeurs.
Aux yeux de Jacques Chirac, nous vivons des temps marqués par l’instabilité politique, les guerres, les migrations de la faim ou de la peur, le terrorisme de masse, le fanatisme religieux, les crises économiques et financières, les catastrophes naturelles liées à la modification du climat. Ces drames nous touchent de près. D’une manière ou d’une autre, nous en subissons les contrecoups, jusque dans notre vie quotidienne. La conviction de Jacques Chirac, c’est que nous ne pourrions rester spectateurs sans faillir à notre devoir et nous exposer à des risques majeurs.


Déclaration faite par M. Jacques CHIRAC, élu Président de la République, depuis l’Hôtel de Ville de Paris

Hôtel de Ville – Paris le 7 mai 1995 – 21 heures.

Mes chers compatriotes, à l’heure où je parle, les résultats connus montrent que vous avez décidé de me confier la plus haute charge de l’Etat. J’exprime ma profonde gratitude à toutes celles et à tous ceux qui m’ont accordé leur confiance, et je salue tous les autres avec respect.
Mes chers compatriotes, je serai le Président de tous les Français. Je mesure la gravité des responsabilités qui vont être les miennes. Je mesure la difficulté de la tâche qui nous attend. Comme vous, je veux un Etat vigoureux, impartial, exigeant pour lui-même et soucieux de la bonne utilisation des deniers publics, un Etat qui n’isole pas ceux qui gouvernent du peuple qui les a choisis. Notre bataille principale a un nom : la lutte contre le chômage. Les remèdes classiques ont fait long feu. Il faut une nouvelle approche, de nouvelles méthodes. Il faut, avant de prendre toute décision, se poser la question : est-ce que c’est bon pour l’emploi ?

Toutes les initiatives seront soutenues. Toutes les énergies seront mobilisées. Toutes les réussites seront encouragées. Il en sera de même pour la lutte contre l’exclusion. Lorsque nous aurons fait reculer ces fléaux, alors la France redeviendra elle-même, terre de liberté, de fraternité, d’égalité des chances, terre de solidarité. De nouveau, naîtra dans notre pays l’espoir de l’ascension sociale, de nouveau le progrès sera attendu et l’avenir désiré. De nouveau, la patrie des droits de l’homme rayonnera dans le monde, de nouveau la France sera le moteur de l’Union européenne, gage de paix et de prospérité pour notre continent.

Ce soir, je pense à mes parents. Je pense aux patriotes simples et droits dont nous sommes tous issus. J’aurai accompli mon devoir si je suis digne de leur mémoire. Soyons unis, mes chers compatriotes, soyons tolérants et fraternels. Mais soyons aussi inventifs, audacieux, conquérants. Alors la France redeviendra un phare pour tous les peuples du monde et c’est sa vocation.

Vive la République. Vive la France.

Jacques Chirac


En même temps, de nouvelles chances sont offertes à nos générations. La construction européenne. Une croissance mondiale forte sur longue période, malgré les crises. L’essor des nouvelles technologies de l’information. L’avènement de la démocratie à l’est de l’Europe, en Amérique latine, en Afrique. Les progrès de la médecine et de l’espérance de vie. La prise de conscience de l’urgence écologique.
La conviction de Jacques Chirac, c’est que le progrès humain va se poursuivre, qu’il faut saisir les formidables opportunités de notre temps, que les convulsions du monde et les fractures profondes de notre société peuvent être maîtrisées.
Face à ces défis, l’action de Jacques Chirac aura reposé sur des constatations simples et fortes. Le développement des échanges n’enrichit pas spontanément les plus pauvres. La loi des marchés ne suffit pas à généraliser la prospérité. L’ultralibéralisme conduit à des catastrophes autant économiques que sociales. La protection de la planète ne peut plus s’accommoder de nos modes de consommation des matières premières et de l’énergie. La volonté d’imposer uniformément, parfois par la force des armes, le modèle politique et économique occidental n’est pas facteur d’unité et de progrès. Elle crée d’irréductibles fractures et d’immenses frustrations au sein des Peuples et entre eux.
Jacques Chirac aura largement contribué à forger une nouvelle grille de lecture et de nouveaux repères pour agir dans le nouveau siècle. Il aura donné à la France et aux Français les outils nécessaires pour appréhender les réalités planétaires d’aujourd’hui, prendre la mesure des risques de déchirure de notre société, identifier les défis auxquels nous sommes confrontés, trouver les réponses qui nous permettront de prendre place individuellement et collectivement dans un nouveau monde, nous mettre au premier rang dans la compétition des nations.

Avec Jacques Chirac, la politique européenne et étrangère de la France est devenue beaucoup plus qu’une géopolitique des intérêts français. Elle est devenue beaucoup plus qu’un jeu de puissances et d’alliances inspiré par la seule réalité des rapports de force internationaux. Elle s’est affirmée comme une politique de conscience et de responsabilité au service d’un nouvel ordre mondial à façonner.
Grâce à lui, la France n’a pas seulement forgé des concepts nouveaux pour maîtriser la mondialisation. Elle a aussi poursuivi inlassablement, et avec succès, une politique européenne et internationale destinée à ordonner l’évolution chaotique du monde contemporain.
Au cours de ses deux mandats ont en effet émergé, pour la première fois dans la politique française, des thématiques aussi importantes que l’humanisation de la mondialisation, la justice dans la répartition des richesses de la planète, le développement durable, la lutte contre le réchauffement climatique, la protection de la biodiversité, la coexistence des religions, le respect des cultures et des langues dans leur diversité, l’organisation politique de la francophonie, l’affirmation de la multipolarité.
Avec en parallèle, sur le plan intérieur, la même conviction, parfaitement symétrique, fortement assumée, que l’économique et le social doivent être conjugués, qu’une société n’avance que si elle est solidaire, que l’écologie humaniste est un devoir vis-à-vis des générations futures, et que la laïcité doit devenir un formidable instrument d’intégration républicaine et de cohésion de notre société face aux tentations communautaristes…
Et, sur tous les sujets essentiels, même quand il n’a pas pu aller aussi loin qu’il l’espérait, Jacques Chirac a eu raison !

Le respect des institutions de la République :

Le Général de Gaulle a voulu que la France puisse en toutes circonstances être gouvernée. Cela n’avait pas toujours été le cas dans notre histoire, marquée par tant de divisions et de conflits.
La Constitution de la Vème République a l’immense mérite d’inscrire l’action de réforme dans la durée. C’est pourquoi Jacques Chirac a constamment veillé au respect et au bon fonctionnement des institutions, tout en les faisant évoluer (par l’élargissement du champ du référendum, par l’amélioration du travail parlementaire, par la mise en œuvre du quinquennat, par la création de la loi annuelle de financement de la sécurité sociale, par la constitutionnalisation des garanties offertes aux femmes pour l’accès aux mandats politiques, par l’adoption de la Charte de l’Environnement, ou encore pour l’adoption de traités européens).
Refusant les effets de mode, il a toujours évité de compromettre l’avenir en privant l’Exécutif d’armes constitutionnelles qui, pour être inutiles quand une majorité soutient fermement le Gouvernement, peuvent se révéler irremplaçables dans les périodes de crise politique dont la France a si souvent fait l’expérience. Il a entendu assumer sa responsabilité historique en transmettant à ses successeurs une Constitution intacte dans tous ses éléments fondamentaux.
De la même façon, il a eu le souci de faire fonctionner les institutions en respectant les pouvoirs propres du Gouvernement et du Parlement.
Jacques Chirac a toujours considéré qu’en France, un Président fort a besoin d’un Premier ministre fort pour mettre en œuvre ses directives, orchestrer l’action gouvernementale et faire approuver par le Parlement les réformes voulues par les Français. Il a toujours activement soutenu ses premiers ministres dans l’exercice de leur autorité sur le Gouvernement et dans la conduite de la majorité parlementaire. Il a durablement reculé les risques de cohabitation en faisant approuver par les Français la réforme du quinquennat.
A la suite de l’élection présidentielle de 2002, contre les conservatismes d’intérêts qui ne manquèrent pas de s’exprimer, il a créé l’UMP, le grand parti de la droite et du centre dont la France avait besoin. Il a également voulu l’élection de son président au suffrage universel des militants et il a constamment respecté l’autonomie de cette formation dans l’animation du débat politique.
Soucieux de l’adaptation de notre système politique à la modernité, il n’a pas voulu ressusciter le parti de godillots des années soixante, épargnant à la nouvelle formation le risque de se scléroser et de se voir disqualifiée dans l’opinion.

La fracture sociale :

Jacques Chirac, avant tous les autres, a pris la mesure des souffrances que génère notre société déchirée et il a imaginé de nouveaux remèdes. Dès 1995, coup d’arrêt donné aux plans sociaux abusifs, mise en chantier de la première loi de cohésion sociale, création du contrat initiative emploi, lancement du prêt à taux zéro pour le logement social, relance de la lutte contre l’illettrisme… A partir de 2002, mobilisation de moyens sans précédent pour la lutte contre l’insécurité, loi de cohésion sociale, réduction très forte du chômage français (passé de 11% en 2001 à 8% en 2007), grande loi de 2005 pour la citoyenneté des personnes handicapées, augmentation de 150% du rythme annuel de construction de logements sociaux, réforme du RMI pour encourager la reprise d’activité par le versement d’un revenu complémentaire…
Ses mandats auront aussi été marqués par la volonté de Jacques Chirac d’actualiser le modèle social français en préservant la retraite par répartition, en sauvegardant la sécurité sociale et en relançant notre politique familiale, aujourd’hui devenue une référence en Europe.
Chacun sait enfin ce que la lutte contre le cancer, avec la création de l’Institut national du cancer et l’interdiction de fumer dans les bureaux et les lieux publics, doit à l’action personnelle de Jacques Chirac. C’est aussi à lui que les Français doivent la réduction de moitié du nombre de morts sur les routes.

L’actualité de la laïcité :

Au-delà des tensions liées aux difficultés sociales, Jacques Chirac a une vive conscience des forces centrifuges qui sont à l’œuvre dans la société française, marquée par les ratés de l’intégration, par le communautarisme et par le multiculturalisme. MosquéeLa laïcité est une invention française destinée à définir la place des catholiques dans la République, dans le cadre de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Dans l’esprit de Jacques Chirac, elle doit désormais devenir aussi l’instrument de la coexistence respectueuse de citoyens différents par leurs origines ou leurs convictions mais unis par la loi de la nation, la même pour tous, dans la neutralité du creuset républicain. C’est tout le sens de l’interdiction du port de signes religieux ostensibles à l’école de la République, de la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et de la création du contrat d’accueil et d’intégration.

La remise en marche de l’ascenseur social :

St CyrJacques Chirac a lancé la rénovation de l’école de la République par une nouvelle loi d’orientation de l’éducation votée en 2005, la première depuis 1992. Il a voulu que le Parlement définisse un socle commun de connaissances dont l’acquisition par tout écolier constitue désormais l’engagement de l’Education Nationale à l’égard des familles.
Jacques Chirac a donné la priorité à la lutte contre l’échec scolaire. Alors qu’un cinquième des enfants entre en sixième sans maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul, il n’a pas voulu que ces enfants se voient interdire l’accès au collège, ce qui aurait été un terrible facteur d’exclusion. Il a donc décidé la mise en œuvre dès l’école primaire d’un soutien adapté aux enfants en difficulté et demandé que le collège leur tende la main et assure leur mise à niveau. Il a également fixé l’objectif de la pratique d’au moins deux langues étrangères par chaque Français. Enfin, il a réhabilité l’apprentissage.

L’affirmation du rôle de l’Etat :

Jacques Chirac DreuxFace aux zélateurs de la liberté des marchés, aujourd’hui repentis, Jacques Chirac a mobilisé l’Etat au service d’une politique économique ambitieuse.
Pour réduire la pesée du secteur public sur le financement de l’économie et libérer les énergies, il a obtenu la baisse des déficits publics (6% du PIB en 1995, 3% en 1997 ; 4% du PIB en 2002, 2% en 2007). Il a réformé les retraites de la fonction publique pour assurer leur financement sans recourir à de nouveaux prélèvements. Il a diminué l’impôt sur le revenu de plus de 10% en cinq ans et réformé la taxe professionnelle en vue d’encourager l’investissement des entreprises. Il a par ailleurs vidé les 35 heures de leur venin par deux grandes lois d’assouplissement.
Il a affirmé sa conception d’un Etat actif dans l’économie, dans un temps où ce n’était pas à la mode ! C’est ainsi qu’il a renouvelé notre ambition industrielle en dotant la France d’un nouvel outil d’investissement public-privé pour le financement de projets innovants. Il a également su protéger nos grandes entreprises, par exemple à l’été 2003 quand il a décidé que l’Etat devait voler au secours d’Alsthom malgré l’opposition de Bruxelles, qui invoquait les règles de la libre concurrence.
Enfin, sous son impulsion, de grands investissements publics ont été réalisés ou lancés au service de notre développement: TGV-Méditerranée, Viaduc de Millau, EPR de Flamanville et, sur la base d’un accord mondial obtenu à l’arraché par la France, le réacteur ITER, à Cadarache.

Une ambition économique européenne:

Parce qu’il n’y a pas de développement possible pour un grand pays comme le nôtre dans l’autarcie, Jacques Chirac a donné la priorité à l’intégration de l’économie française dans l’Europe. Mais il a aussi veillé à ce que l’Europe reconnaisse nos choix en matière de services publics, de dialogue social ou de protection sociale.
Par l’euro, monnaie forte et stable, il a diminué le coût de nos importations, facilité les investissements étranger, et mis l’économie française à l’abri des dévaluations compétitives internes à l’Europe, jusque là coupables de la destruction de centaines de milliers d’emplois ouvriers.
Mais pour Jacques Chirac, l’Europe économique, c’est aussi la capacité de négocier en position de force avec les grandes économies du monde, pour nous ouvrir de nouveaux marchés tout en évitant d’être submergés par les exportations à bas prix en provenance des économies émergentes. Il l’a particulièrement montré lors du conflit textile avec la Chine puis des négociations commerciales internationales.
Enfin, grâce aux accords de Berlin, Jacques Chirac a réussi à consolider notre économie agricole jusqu’en 2013 en obtenant de nos partenaires le maintien des financements nécessaires.

L’Indépendance nationale :

Jacques Chirac a veillé de toute son autorité à la modernisation de nos armées. Dès 1995, en décidant la professionnalisation de la fonction militaire et la fin du service national. A partir de 2002, en relançant l’effort de défense de la France, compromis par cinq années de coupes budgétaires. Cet effort exceptionnel, il l’a imposé au prix de lourdes contraintes pour le budget de l’Etat, dictant ses vues aux ministres des finances successifs, tout en réussissant à diminuer les déficits publics. Il s’agissait d’une priorité présidentielle non négociable. Pas d’indépendance sans autonomie militaire ! Pas de diplomatie mondiale qui ne soit adossée à une capacité militaire crédible!
Et pas d’Europe-puissance sans un outil de défense européen garantissant sa liberté et sa sécurité ! Grâce à des accords conclus d’abord avec les Anglais, puis avec les Allemands, Jacques Chirac a réussi à poser les bases d’une politique européenne de défense, sujet tabou depuis cinquante ans. Celle-ci s’est traduite par la création d’un état-major permanent de l’Union européenne et d’une force de projection de 60 000 soldats européens. Cette politique européenne volontariste doit permettre à l’Europe de parler un jour d’égale à égale avec les autres puissances et de mieux défendre ses vues dans les crises internationales.

Le monde multipolaire :

JCAvec la fin du conflit est-ouest, la tentation était grande de concevoir l’avenir en ordonnant le monde autour d’un pôle unique dans le sillage des Etats-Unis. Cette tentation, Jacques Chirac a refusé d’y céder. Très vite, il affirme en effet sa conception d’un monde trouvant son équilibre dans la coexistence pacifique de nouveaux pôles correspondant aux grands ensembles régionaux, sans qu’aucun ne puisse imposer sa domination aux autres. La nécessité de l’Europe s’inscrit dans cette vision d’un monde nouveau en gestation depuis la chute du mur de Berlin.
Né de la victoire contre la barbarie nazie, l’atlantisme s’est constitué en organisation pour juguler le péril soviétique. S’il lui survit aujourd’hui, c’est pour faire face à des menaces indéterminées dont les Etats-Unis ne cessent de vouloir élargir le champ. Jacques Chirac a toujours réaffirmé la pertinence de l’Alliance atlantique, mais il a également veillé à faire respecter au sein de l’Alliance un équilibre politique garantissant l’indépendance de chacun de ses membres. Pour lui, l’Alliance, instrument de sécurité collective, ne doit pas être un vecteur d’alignement sur la politique étrangère américaine.

L’Europe politique :

D’abord Européen de raison, Jacques Chirac est progressivement devenu Européen de conviction.
Pour peser davantage sur le cours de la mondialisation, Jacques Chirac a en effet très vite considéré que la France avait besoin d’une Europe plus forte et plus unie, ancrée dans le couple franco-allemand, capable de peser face aux Etats-Unis, au Japon et aux puissances économiques émergentes que sont la Chine, la Russie ou l’Inde.
Il a voulu et assumé l’entrée dans l’Union européenne des nouvelles démocraties de l’est de l’Europe après l’effondrement du bloc soviétique. Ce choix historique, il ne l’a jamais regretté, quelles que furent les difficultés rencontrées ensuite pour constituer un bloc européen homogène. Pour lui, l’Europe, c’est la paix. Et si cette paix doit avoir un prix, nous devons l’assumer plutôt que de payer celui, beaucoup plus élevé, d’une nouvelle fracture entre nations européennes.
Jacques Chirac n’a pas hésité à assumer des risques politiques importants pour impliquer les Français dans la construction européenne. Par-delà les vicissitudes, son action, grâce à l’assainissement à marche forcée de nos finances publiques, aura permis la naissance de l’euro. Elle aura aussi conduit à la création d’institutions adaptées à l’Europe élargie. C’est en effet Jacques Chirac qui a lancé en juin 2000 dans un discours au Bundestag le projet de Constitution européenne. Rejeté par référendum, ce projet sera intégralement repris dans ses aspects institutionnels par le « mini-traité » dont Jacques Chirac a engagé l’élaboration et que son successeur réussira à conclure en juin 2007, aussitôt après l’élection présidentielle.
Sans euro, sans unité, sans volonté politique, l’Europe serait aujourd’hui incapable de relever les défis de la crise financière et économique mondiale.

L’humanisation de la mondialisation :

jc-theresaN’en déplaise aux idéologues du libre-échange, le développement des échanges internationaux n’apporte pas spontanément de remède au sous-développement ! Plus conscient des réalités de la pauvreté qu’aucun autre chef d’Etat, tout particulièrement en ce qui concerne l’Afrique, Jacques Chirac a augmenté année après année l’aide au développement et il l’a faite inscrire au niveau mondial dans les « objectifs du millénaire ». Dès 1997, il est à l’origine de la création du fonds mondial pour le sida, doté d’un milliard de dollars. C’est lui qui a créé la taxe sur les billets d’avion pour rendre aux pays pauvres une partie des richesses générées par la croissance des échanges internationaux. Et il a ouvert le directoire du G8 aux pays en développement ou émergents.

Le développement durable :

Jacques Chirac est le premier Président à avoir engagé toute son autorité, au plan national comme au plan international, dans une politique écologique.
Sous son impulsion, la France a joué un rôle majeur dans la négociation du Protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre, et elle a convaincu de nombreux pays de l’appliquer, y compris la Russie. Les Etats-Unis sont désormais seuls parmi les grands pays à ne pas l’avoir ratifié. Notre diplomatie s’est aussi engagée dans l’adoption de nouveaux traités, par exemple pour la protection de la biodiversité.
Par ailleurs, c’est à la demande pressante de la France, pour prévenir les marées noires, que l’Europe a renforcé ses normes et ses contrôles sur le transport d’hydrocarbures et de produits dangereux par bateau.
Et la France s’est également voulue exemplaire en inscrivant dans sa Constitution la Charte de l’Environnement, et notamment le principe de précaution, ouvrant la voie au Grenelle de l’Environnement qui en dessine les prolongements nécessaires. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs accru le niveau d’exigence du Grenelle de l’Environnement en invoquant le respect de la Charte contre les souplesses excessives voulues par le Législateur, poussant le Gouvernement à se montrer fidèle à ses intentions.

La politique de paix au Proche-Orient :

Avec Jacques Chirac, la France a été un facteur de paix et de stabilité au Proche-Orient.
En effet, grâce à sa politique d’équilibre entre les parties au conflit israëlo-palestinien, Jacques Chirac a pu faire de la France un interlocuteur incontournable pour le dialogue. Ainsi, notre pays aura pesé en faveur d’une solution diplomatique, que la crise irakienne a malheureusement retardée.
Ferme dans la dénonciation du terrorisme palestinien, mais refusant la politique du fait accompli par Israël, il a voulu que la politique française au Proche-Orient ne se réduise pas à la protection de la sécurité des approvisionnements pétroliers de l’Occident. Ainsi, il a beaucoup fortifié le crédit de la France dans la Région. Ce capital diplomatique nous donne aujourd’hui la capacité d’agir avec le nouveau Président américain pour faire progresser une solution diplomatique qui redevient possible.
Depuis 1995, la France a également fait son devoir au Liban en défendant efficacement l’indépendance de ce malheureux pays ami. Après avoir été longtemps le modèle de la coexistence harmonieuse entre chrétiens et musulmans, le Liban a été la principale victime du conflit israëlo-palestinien à partir de 1976, avant de devenir la proie des ambitions hégémoniques de la Syrie.
Avec Jacques Chirac, la garantie française, politique, militaire et financière, a permis au Liban d’accélérer sa reconstruction et de recouvrer progressivement son indépendance, malgré le coup de force syrien qui s’est manifesté par l’assassinat du Premier ministre Hariri en février 2005.
En contribuant ainsi à lever l’hypothèque lourde que l’abcès de fixation libanais fait depuis si longtemps peser sur la stabilité du Proche-Orient, Jacques Chirac, par son engagement personnel, aura incontestablement apporté une pierre décisive, bien qu’encore fragile, à la paix.

La dénonciation de l’aventure irakienne :

Jacques Chirac a assumé le risque d’une position ferme contre la guerre en Irak. Ses arguments étaient simples et puissants. L’intervention américaine allait rendre le monde plus dangereux. L’Irak n’était pas un foyer de terrorisme international et ne disposait d’aucune arme de destruction massive. Le terrorisme se nourrit toujours du chaos. Le fanatisme religieux s’exalte dans le refus de l’invasion impérialiste. Les pays musulmans font toujours bloc contre l’occident quand un pays islamique est frappé. L’élimination d’une dictature ne suffit pas à permettre la naissance d’une démocratie, surtout quand un pays est en guerre contre lui-même, aux prises avec des forces sécessionnistes armées, divisé par des querelles religieuses inextinguibles. Ainsi, la France a témoigné pour le droit et démontré sa capacité à parler au nom de tous les Peuples silencieux. Elle a posé pour l’avenir les jalons d’une autre politique que celle de la force. Et il n’est pas besoin de souligner aujourd’hui combien elle a eu raison.

* * *

La politique doit bien sûr être action. Mais ce n’est pas assez ! Pour ne pas être asservie à l’instant présent ni flotter au gré des événements, elle doit fondamentalement être aussi et d’abord réflexion et pensée en action. C’est alors qu’elle peut s’inscrire dans la continuité d’un projet et compter pour la vie des hommes.
Bien loin des conception réductrices de la politique qui veulent que l’action gouvernementale doive surtout précéder l’événement ou à défaut le suivre immédiatement, Jacques Chirac aura conduit dans la durée une politique qui a transformé la France dans tous les domaines de la vie nationale et renforcé son image et son poids en Europe et dans le monde.
Cette politique devra naturellement être adaptée aux grandes évolutions économiques, sociales, culturelles ou internationales de demain. C’est une nécessité. Mais pour l’essentiel, elle fournit un cadre d’action répondant aux exigences de notre époque. Elle demeure donc aujourd’hui une référence incontournable pour les grands combats de notre avenir.


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