Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors du XIème sommet des chefs d'État et de gouvernement de la Francophonie.

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Bucarest - Roumanie, le jeudi 28 septembre 2006

Monsieur le Président de la République de Roumanie,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Secrétaire Général de l'Organisation Internationale de la Francophonie, Cher Président A DIOUF,
Monsieur le Doyen,
Monsieur le Président de l'Union Africaine,
Monsieur le Président de la Commission européenne,
Mesdames et Messieurs les chefs d'État, de gouvernement et de délégation,
Mesdames et Messieurs,
Mes Chers amis,

Merci, Monsieur le Président de la République, merci pour votre accueil et pour les mots chaleureux que vous avez prononcés à notre endroit. Merci aussi Monsieur le Premier ministre de votre réception. La France se réjouit que ce XIe Sommet se tienne en Roumanie, grande et vieille nation, qui a entretenu au fil des siècles des liens intenses avec la langue française. Au moment où votre pays rejoint l'Union européenne, il s'agit d'un symbole important. Pour la première fois, un sommet de la Francophonie se tient dans cette partie du continent européen enfin réconcilié.

Cette réunion de Bucarest témoigne de la vitalité et de la diversité du mouvement francophone. Cette diversité constitue le cœur même de son projet, sa raison d'être et son avenir.

Nos sociétés modernes sont traversées par des forces contradictoires : au risque d'uniformité, à la peur de la dilution des identités, répond la menace du repli sur soi et de la crispation, avec tout ce qu'elle peut engendrer.

Du dialogue des cultures dépendront, pour une large part, la paix et l'avenir du monde.

Dans ce dessein, la Francophonie montre la voie. En moins d'un demi-siècle, elle a su tirer de sa propre diversité une dynamique originale de dialogue. En participant au grand mouvement du monde, elle s'affirme comme une démarche pleinement moderne.

On l'a vu avec le foisonnement et le succès du Festival francophone accueilli par la France au long de cette année. On l'a vu avec le rôle déterminant joué par notre Organisation pour l'adoption à l'Unesco, en octobre dernier, de la convention sur la diversité culturelle.

J'appelle tous les États francophones signataires à donner sa pleine portée à cette convention en la ratifiant le plus vite possible et sans délai : elle est notre outil commun pour développer nos politiques et nos entreprises culturelles, pour créer de nouveaux métiers, pour offrir à notre jeunesse l'espoir d'un monde d'ouverture et de liberté.

Monsieur le Président,

En décidant de consacrer le thème de nos travaux à l'éducation et à la jeunesse, vous avez voulu parler de l'avenir.

La jeunesse de tous nos pays attend que nous répondions à ses aspirations. Je salue le programme des "Volontaires de la Francophonie" que met en place notre Secrétaire général, notre cher ami le Président Abdou DIOUF. Il contribuera, ce programme, à forger de nouveaux réseaux de solidarité.

L'éducation, besoin primordial des populations et mission essentielle des gouvernements, conditionne la capacité à promouvoir une société plus juste. La Francophonie doit accompagner toujours plus efficacement les projets de ses États membres en faveur de l'éducation primaire, de l'éducation secondaire, de la formation professionnelle et de l'éducation supérieure.

C'est pourquoi, je suis heureux de vous annoncer qu'est signée en ce moment même, à la Sorbonne, à Paris, une Charte de qualité totalement novatrice pour l'accueil des étudiants étrangers boursiers en France. Cette charte, qui pourrait constituer un modèle à l'échelon de notre Organisation, engage désormais l'ensemble des universités et des grandes écoles françaises. Elle est le socle sur lequel pourra s'élaborer un véritable parcours de réussite pour les étudiants.

Elle complète les dispositions en matière de circulation des étudiants que j'avais souhaité qui soient en œuvre au sommet de Bamako. Désormais, les étudiants engagés dans un projet sérieux et validé par les "Centres pour les études en France", pourront disposer d'un visa de long séjour renouvelable automatiquement.

Les jeunes de nos pays aspirent au vent du large. Les technologies de l'information leur donnent un moyen supplémentaire de faire vivre cette aspiration à l'universel, de l'ancrer dans leur vie quotidienne. Grâce à elles, nos collégiens, nos lycéens, nos étudiants deviennent, en réalité, des citoyens du monde.

La France, avec l'Agence universitaire de la francophonie, propose aux membres de notre Organisation de s'associer à une nouvelle initiative de formation de personnels médicaux par les nouvelles technologies, en Afrique et pour l'Afrique. Des expériences pilotes, à l'image de l'Université numérique francophone, ont montré la voie et ce que l'on peut faire.

Toutes ces initiatives servent une francophonie solidaire, sereine et offensive. Nous devons en faire un instrument au service de nos jeunes, au service de la diversité et au service, surtout, de la paix.

Mes chers amis,

Il n'est pas d'horizon possible pour notre monde et pour la francophonie sans la paix. La tragédie qui vient, hélas, une nouvelle fois, d'ensanglanter le Liban, vous le rappelle, nous le rappelle, fortement. Nous ne pouvons pas tolérer qu'au sein de notre famille, la discorde propage des incendies. Partout, nous devons privilégier le dialogue et la négociation.

Des exemples nous montrent que c'est possible. En Haïti, en Mauritanie, au Togo, de nombreuses initiatives sont prises pour retrouver les bases d'une vie politique apaisée. Le Congo démocratique s'est engagé dans la voie de la paix et de la stabilité. Ce processus doit aller à son terme. Le respect du choix des électeurs, ouvrira, j'en suis sûr, une ère de réconciliation et donc de prospérité.

C'est une réconciliation comparable que j'appelle de mes vœux pour la Côte-d'Ivoire. Ce superbe pays que le Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY avait porté au sommet du développement et de la démocratie et qui, aujourd'hui, connait les affres que nous savons. Seules des élections ouvertes et fiables, c'est-à-dire fondées sur des listes électorales renouvelées et rigoureuses, peuvent permettre une sortie de crise. Pour ma part, je fais toute confiance à l'Union Africaine, au Président de l'Union africaine, en charge de la paix et de la stabilité sur l'ensemble du continent, pour reprendre l'ensemble des initiatives, dans la concertation, dans le respect des traditions, qui s'imposent.

Dans toutes ces situations difficiles, l'Organisation internationale de la francophonie est active aux côtés des Nations unies et des organisations régionales.

Je voudrais en rendre très chaleureusement hommage à notre Secrétaire général, le Président Abdou DIOUF qui, jour après jour, s'emploie à dissiper les malentendus et à désamorcer les crises. C'est un homme de grande sagesse et de grande expérience. Il a su donner toute sa portée au mandat en faveur de la paix, de la démocratie et des Droits de l'homme que nous lui avons confié. Grâce à lui, la vocation politique de notre Organisation est entrée dans les faits et se perpétuera.

Grâce à lui également, notre Organisation a pu parachever sa réforme vers plus de cohérence et plus d'efficacité. Désormais, la mise en commun des ressources et l'échange d'expériences sont devenus la règle.

L'installation, en 2008, de toutes nos institutions dans la Maison de la francophonie, à Paris, face à l'UNESCO, facilitera encore cette collaboration. J'aurai le plaisir d'assister à la signature de la convention d'occupation entre notre Secrétaire général et le ministre français des Affaires étrangères.

Mes chers amis,

Alors que le monde est en proie à des bouleversements intenses, le projet francophone est plus que jamais d'actualité. Léopold Sédar SENGHOR aurait eu cent ans le 9 octobre prochain : son rêve, la Francophonie, est une réalité. Il reste une aventure, un pari et un défi. L'aventure d'une langue, le pari du développement, le défi de la paix.

Je vous remercie.