Hommage de M. Jacques CHIRAC Président de la République aux sapeurs-pompiers décédés à Loriol-sur-Drôme


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Loriol-sur-Drôme – Drôme le mercredi 4 décembre 2002

Mesdames, Messieurs,

La mort est toujours une souffrance, un arrachement. Mais quand la mort frappe le dévouement, le don de soi, l'héroïsme au quotidien de femmes et d'hommes qui ont choisi de servir les autres, elle est une tragédie nationale.

Si nous sommes ici rassemblés, c'est pour rendre l'hommage solennel de la France aux sapeurs-pompiers du centre d'incendie et de secours de Loriol qui ont perdu la vie alors qu'ils remplissaient leur mission exemplaire.

Cet hommage, j'ai voulu qu'il soit celui de la République aux soldats du feu.

Être pompier volontaire, c'est ne plus s'appartenir tout à fait. C'est accepter qu'à n'importe quel moment, que l'on soit en famille ou au travail, le devoir consenti vous appelle ailleurs, là où règnent souvent le danger, le risque, l'urgence. C'est se vouloir à la disposition de tous ceux qui ont besoin de vous. C'est un engagement de chaque jour.

Ce choix de solidarité, de fraternité, de dévouement au bien public. Ce choix si éloigné de l'égoïsme, de l'individualisme qui menacent nos sociétés modernes, les hommes d'exception dont nous saluons aujourd'hui la mémoire l'avaient fait dans leur coeur, dans leur vie.

Chacun d'eux avait une histoire. Des parents dont ils étaient la fierté. Une femme, des enfants qu'ils aimaient, et qui devront continuer à vivre sans eux. Des amis. Un métier. Chacun se sentait partie prenante d'une collectivité, qu'il voulait aider, secourir. Chacun était connu et apprécié à Loriol, comme en témoigne l'intense émotion qui a saisi la ville à l'annonce de la tragédie. Chacun avait des projets, un avenir.

Tout cela a été brisé, il y a cinq jours, par l'imprudence, l'inconscience qui tuent si souvent sur les routes.

Le sergent-chef Eric DUVEAU, 40 ans, était marié et avait deux enfants de dix et seize ans. Employé des services techniques de la commune, il savait réagir à l'urgence, apportant des réponses techniques et humaines.

Le sergent-chef José GARRIDO, 53 ans, marié et père de quatre enfants adultes, était employé au Centre nucléaire de CRUAS. Instructeur chevronné en secourisme, il était un exemple pour les plus jeunes.

Le sapeur Patrick DUC, 44 ans, marié, père de deux enfants de quatorze et dix-huit ans, également employé de la commune, était toujours aux avant-postes dès que retentissait l'alerte.

Le sapeur Didier BOURGEAT, 31 ans, était marié et avait un petit enfant de neuf mois. Engagé récemment comme volontaire, il était particulièrement actif dans la vie du centre et savait faire partager sa passion.

Agé de vingt-six ans, remarquable secouriste à la Croix Rouge, le caporal Laurent BROQUET a mis son expérience et sa compétence au service des sapeurs-pompiers de Loriol. Il n'a toujours pas été retrouvé, et je mesure l'immense douleur de ses proches.

Au nom de tous les Français, je salue ces sauveteurs, ces veilleurs du bien public.

Je veux saluer aussi les trois sapeurs-pompiers volontaires qui ont été blessés et douloureusement éprouvés par la disparition de leurs cinq compagnons, le sapeur Anthony DUC, qui a perdu son père, le caporal Xavier CHAMBAUD, et l'adjudant Salvatore SCIFO, grièvement touché, qui attend la naissance prochaine de son enfant.

Je sais qu'ils ont décidé, par fidélité à la mémoire des disparus, de continuer à porter l'uniforme de sapeur-pompier. Je m'incline devant leur courage, leur détermination, dont font preuve tous leurs compagnons de Loriol.

Je veux enfin saluer la grande famille des sapeurs-pompiers dans son ensemble, et tout particulièrement les vingt-quatre militaires, civils et volontaires qui, depuis le début de l'année, sont tombés dans l'exercice de leur mission.

Tous sont des héros.

Mais les héros que nous pleurons aujourd'hui sont aussi les victimes d'un scandale national. Un scandale qui doit cesser.

Une société civilisée ne peut tolérer sur ses routes des comportements barbares.

Il est révoltant que l'incivisme, et l'irresponsabilité au volant interrompent des vies, brisent des familles, sèment blessures et handicaps.

Ces morts, ces blessés, ces familles meurtries nous interpellent et nous obligent.

Il s'agit aujourd'hui pour les pouvoirs publics d'assumer toutes leurs responsabilités, en matière de prévention et de sévère répression.

Il s'agit aussi, pour chacune et chacun d'entre nous, de mesurer les enjeux et les conséquences de nos actes.

En ces heures de peine, de recueillement, de méditation, j'appelle chacun à prendre toute sa part de ce combat civique.

Ces hommes sont morts, d'autres ont été blessés. Ils donnent à ce message toute sa force.

Ce message sera entendu. Nous le devons au souvenir des disparus.

Mesdames et Messieurs,

Dans les grandes épreuves, chacun est seul avec sa peine. Je veux dire cependant aux familles si durement éprouvées, aux amis, aux compagnons de ceux qui ont tragiquement disparu, que tous les Français ressentent et partagent leur deuil.

Je veux leur dire, à titre personnel, ma compassion et ma profonde sympathie.

Je veux leur dire, au nom de la France, le respect, la reconnaissance et la solidarité de la nation.

Je vous remercie.