Présentation par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, du programme de la Présidence française de l'Union européenne devant le Parlement européen.

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Strasbourg, Bas-Rhin le mardi 4 juillet 2000

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires européens,

Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. Depuis le 1er juillet, la France préside le Conseil de l'Union européenne et j'aurai moi-même la responsabilité de présider, à deux reprises, les travaux du Conseil européen. Aussi ai-je tenu à me rendre devant votre Assemblée pour exposer les priorités qui sont celles de la Présidence française.

Cet hiver, invité à inaugurer avec vous votre nouvel hémicycle, je m'étais engagé à associer pleinement votre Assemblée aux travaux de notre Présidence. Il me paraît naturel et nécessaire de mener les discussions et les réflexions au sein de l'Union en liaison étroite avec celles et ceux qui représentent les citoyens. Celles et ceux qui ont été élus par les Européens et dont la mission est de faire entendre leurs voix dans le débat sur l'avenir de l'Europe.

Voilà pourquoi la Présidence française, en la personne notamment de Monsieur Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères, et en celle de Monsieur Pierre Moscovici, Ministre délégué chargé des Affaires européennes, entend mener avec votre Assemblée un dialogue confiant et permanent.

Les Européens veulent plus de transparence dans le fonctionnement des institutions européennes. Le temps est révolu où les décisions pouvaient se prendre dans le secret des chancelleries. Désormais, c'est en pleine lumière que doit se poursuivre la discussion au sein de l'Union. Et naturellement, ici, au Parlement européen !

Nous travaillerons également la main dans la main avec la Commission européenne. Aujourd'hui, je veux dire ma confiance et mon soutien à Monsieur Romano Prodi, aux Commissaires européens et à l'ensemble des collaborateurs de la Commission. Entrés en fonction dans des circonstances particulières, ils ont su mettre en chantier une réforme en profondeur qui portera tous ses fruits dans la durée.

Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs, il y a tout juste cinquante ans, la "déclaration Schuman" jetait les bases de la construction européenne et entreprenait d'abord de réconcilier l'Allemagne et la France. Ici, je veux saluer la mémoire de l'un de ces grands et fervents Européens qui ont ouvert le chemin de l'Europe : Pierre Pflimlin. Il a consacré sa vie à la France, bien sûr, et à l'Europe. A une idée généreuse et audacieuse de l'Europe. Son engagement, votre Assemblée l'avait consacré en le portant à sa présidence. C'est une grande et belle figure de notre aventure commune qui s'est éteinte.

Mesdames, Messieurs, un demi-siècle de construction européenne a donné naissance à une Union profondément originale, fondée sur une volonté partagée des Nations qui la composent. Et aujourd'hui, nous le sentons bien, nous abordons une nouvelle étape de l'histoire de cette construction européenne qui nous a apporté la paix, le succès économique et le progrès social. Le beau et nécessaire projet de l'élargissement va changer l'Union, ses modalités de fonctionnement et peut-être même sa nature, au moment où elle approfondit sa dimension politique. Parallèlement, et à mesure que s'étendent les domaines d'intervention de l'Union, les citoyens exigent, à bon droit, qu'elle soit plus démocratique, plus transparente, plus efficace et qu'elle respecte mieux le principe de subsidiarité.

Le débat sur l'avenir de l'Europe a ainsi été relancé et il y a tout lieu de s'en réjouir, tant il est nécessaire, dans les périodes décisives, de regarder un peu plus loin que les échéances ou les préoccupations immédiates, de fixer le cap. J'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet la semaine dernière. Mes réflexions visaient à éclairer l'avenir et à dire ce que pouvait et devait être l'Europe de demain. Elles se situaient, au-delà, naturellement de la Présidence française de l'Union. Mais une chose est claire et je l'ai souligné à Berlin : la réussite de la réforme institutionnelle conditionne toutes les avancées ultérieures de l'Union. Sans succès de la CIG, il serait vain de songer aux étapes suivantes.

Les autorités françaises sont conscientes de la responsabilité qui leur incombe à ce titre et elles abordent cette présidence avec l'ambition de faire progresser ou aboutir tous les dossiers qui engagent l'avenir. Elles le feront en s'attachant à préserver et enrichir ce qui donne son sens à notre projet : la défense des valeurs fondamentales et le respect des identités nationales et culturelles ; la volonté de concilier sans cesse performance économique et progrès social et de répondre aux attentes les plus concrètes des citoyens ; l'affirmation de l'Europe comme acteur majeur sur la scène internationale.

Voilà dans quel esprit la France entend agir, dans le prolongement du travail remarquable accompli par la Présidence portugaise et en concertation étroite avec la Suède qui nous succédera le 1er janvier prochain. Pour ce semestre, nous avons donc défini quatre objectifs :

- D'abord, préparer l'Union à son élargissement.

- Ensuite, mettre davantage l'Europe au service de la croissance, de l'emploi et du progrès social.

- Rapprocher aussi l'Union des citoyens, pour faire vivre notre projet commun dans les coeurs.

- Enfin, affirmer la place de l'Europe dans le monde.

Premier axe de la Présidence : préparer l'avenir de l'Europe élargie. La réforme des institutions européennes constitue, je l'ai dit, l'un des tout premiers enjeux de notre Présidence. Ne commettons pas l'erreur de sous-estimer l'importance des thèmes qui figurent à son ordre du jour. La composition de la Commission, la repondération des voix et l'extension du vote à la majorité qualifiée présentent un caractère crucial dans la perspective d'une Europe élargie. Si nous ne parvenions pas à les régler, l'Union serait condamnée à la paralysie à très brève échéance. Je suis convaincu que tous les Etats membres en sont conscients et favoriseront la recherche de solutions.

La Présidence française est aussi résolue à obtenir des progrès sur la question des coopérations renforcées, qui a été ajoutée à l'ordre du jour de la CIG lors du Conseil européen de Feira. L'objectif n'est pas de figer des divisions entre Européens. Il est d'introduire une plus grande souplesse dans le fonctionnement de l'Union élargie, en permettant à ceux qui le souhaitent d'aller plus vite sur le chemin commun. Soyez assurés que nous nous donnons tous les moyens pour réussir cette négociation, à laquelle le Parlement européen continuera naturellement d'être étroitement associé.

Le Conseil européen de Biarritz, deux mois avant celui de Nice, sera un Sommet informel essentiellement consacré à la réforme institutionnelle. Il devra donner l'élan nécessaire pour qu'un accord soit conclu en décembre et qu'il soit à la hauteur des enjeux. Car ni vous ni nous ne pourrions nous satisfaire d'un accord a minima. La réforme des institutions ouvrira la voie à l'élargissement de l'Union. J'en suis, vous le savez un partisan résolu. L'élargissement sera un accomplissement, pour la paix, pour la démocratie sur notre continent, et pour l'Union, qui en sera plus forte. Aussi, la Présidence française est-elle déterminée à faire vraiment progresser les négociations d'adhésion avec tous les pays candidats, sur la base de leurs mérites propres et en faisant jouer le principe de différenciation.

Notre objectif est de parvenir, au Conseil européen de Nice, à une vision aussi complète que possible de l'état des négociations, afin d'orienter efficacement les travaux des présidences suivantes et de baliser le chemin qui conduit vers l'adhésion.

Le dialogue avec les pays candidats sera par ailleurs approfondi sur le plan bilatéral et aussi dans le cadre de la Conférence européenne que je réunirai à Nice, au niveau des Chefs d'Etat et de Gouvernement, avant le Conseil européen.

Deuxième axe de la Présidence française : une Europe au service de la croissance, de l'emploi et du progrès social. L'euro c'est le choix de la croissance et de l'emploi. C'est un succès.

Nous en percevons déjà les effets positifs dans tous les pays de l'Union. Mais la mise en commun de nos politiques monétaires doit impérativement s'accompagner d'une grande ambition sociale et d'une meilleure coordination de nos politiques économiques.

Depuis de longues années, la France plaide pour que l'emploi soit au coeur des préoccupations de l'Union et devienne l'objectif central de ses politiques. Bien des progrès ont été accomplis, grâce aux présidences successives, notamment à Amsterdam, Luxembourg, Cardiff et Cologne.

Le Conseil européen de Lisbonne, en mars dernier, a marqué une étape décisive. Nous y avons affirmé notre objectif stratégique de reconquête du plein emploi et de l'activité pour tous en portant le taux d'activité des Européens à 70 % de la population en âge de travailler. Et nous nous sommes fixés comme référence une croissance annuelle moyenne de 3%.

La Présidence française inscrira son action dans le prolongement de ce Conseil européen de Lisbonne. J'ai tenu à recevoir la Confédération européenne des syndicats au premier jour de la Présidence de la France. Je suis, vous le savez, très attaché à l'affirmation d'un modèle social européen fondé sur le dialogue social, sur une protection sociale adaptée aux exigences de notre temps, et sur la reconnaissance du rôle de l'Etat comme garant de la cohésion sociale.

La Charte des droits fondamentaux devra conforter ce modèle. Notre priorité sera donc l'adoption d'un "agenda social européen". La croissance économique et la modernisation de nos sociétés n'ont de sens que si elles se traduisent par un recul rapide du chômage qui, malgré les bons résultats enregistrés partout en Europe au cours des dernières années, demeure beaucoup plus élevé qu'aux Etats-Unis ou au Japon.

L'Europe au service des peuples, c'est aussi la volonté d'un effort accru de justice sociale, une meilleure protection de l'enfance et un engagement plus vigoureux dans la lutte contre toutes les formes d'exclusion, notamment face aux nouveaux défis de l'économie de la connaissance. L'agenda social permettra, sur la base de la communication que vient de soumettre la Commission, de définir un programme de travail pour cinq ans avec tous les acteurs concernés : Etats membres, Parlement européen, Commission et partenaires sociaux.

Dans des domaines aussi importants que la protection sociale, l'association des travailleurs aux décisions de l'entreprise, la conciliation entre vie familiale et activité professionnelle ou encore la formation tout au long de la vie, nous souhaitons que son contenu soit ambitieux.

C'est d'abord ainsi, en avançant concrètement sur les projets, forts de notre volonté politique, que nous conforterons notre modèle social européen. Nous devons, dans le même temps, renforcer la coordination et la cohérence de nos politiques économiques.

Ce renforcement est nécessaire pour consolider l'euro et inscrire la croissance européenne actuelle dans la durée. Aujourd'hui, la Présidence française propose d'améliorer le fonctionnement de "l'Euro 11", appelé à devenir "l'Euro 12", en donnant à ses travaux plus de visibilité et plus d'autorité. De renforcer la coordination de nos politiques budgétaires en rendant plus efficaces nos procédures d'examen communautaire. De progresser dans l'harmonisation de nos politiques fiscales dans la suite du Conseil Européen de Feira. Et enfin de préparer activement nos populations à l'arrivée prochaine de l'euro.

L'appropriation de l'euro par les citoyens est vitale. Tout doit être fait pour réussir cette étape majeure sur le plan pratique et sur le plan humain. Enfin, il faut placer l'Europe à la pointe de la société de l'information, bâtir la croissance dans l'Union en prenant appui sur notre outil de formation, l'un des meilleurs du monde, sur notre formidable potentiel scientifique et intellectuel et sur notre industrie qui est l'une des plus performantes.

La France s'attachera à donner toute leur ampleur aux décisions prises sous Présidence portugaise : soutien aux entreprises innovantes, grâce aux nouveaux développements du capital-risque ; mise en place d'un brevet communautaire ; élaboration d'un tableau de bord européen de l'innovation ; création d'un réseau à très haut débit pour les scientifiques et développement des contenus européens ; lutte contre la cyber-criminalité. Nous devons aussi faire en sorte que les bénéfices de ces nouvelles technologies soient accessibles à tous, éviter que se creuse un "fossé numérique" en favorisant notamment le raccordement de toutes les écoles européennes à l'internet d'ici la fin 2001, comme nous l'avons décidé. Nous serons évidemment très attentifs au renforcement de la place de l'Europe dans le secteur hautement stratégique des biotechnologies, en veillant naturellement au respect des règles éthiques qui doivent s'appliquer à toute démarche scientifique, inventive ou industrielle, à partir du vivant.

La croissance et la solidarité doivent bénéficier à toutes les régions de l'Union, et en particulier à ses régions insulaires qu'il faut aider à surmonter leurs handicaps. La Présidence veillera aussi à la consolidation et à l'approfondissement des liens avec les régions ultrapériphériques. Il faut maintenant mettre en application les nouvelles dispositions du Traité d'Amsterdam pour que les Açores, Madère, les Canaries et les départements français d'outre-mer bénéficient des droits, des avantages et des politiques communautaires particulières découlant de leurs caractéristiques et contraintes spécifiques.

Le troisième axe de la Présidence française sera de rendre l'Europe plus proche des citoyens. C'est désormais la préoccupation légitime de toutes les présidences qui se succèdent à la tête de l'Union. L'Europe apparaît encore trop lointaine à beaucoup de nos compatriotes qui mesurent mal ce qu'elle leur apporte et peut leur apporter dans leur vie de tous les jours. Il est temps que l'Union s'occupe davantage des questions qui les intéressent le plus directement. Faisons l'Europe des hommes.

L'adoption d'une Charte des droits fondamentaux de l'Union, en cours d'élaboration avec la participation active de membres de votre Assemblée, permettra de consacrer, dans un même texte, les valeurs, les principes et les droits qui fondent notre Union, droits civils et politiques, droits économiques et sociaux. Il est essentiel que la Convention qui rédige le projet de texte ait terminé ses travaux suffisamment tôt pour permettre l'avènement de la Charte avant la fin de cette année.

L'Europe des hommes, nous la faisons aussi progresser en construisant l'Europe de la mobilité, de la connaissance et des jeunes. Tout en respectant les compétences des Etats membres en matière d'éducation, nous devons résolument promouvoir les échanges humains et notamment universitaires.

Dans la perspective du Conseil européen de Nice, la Présidence française va s'attacher à recenser les obstacles à la mobilité des chercheurs, des étudiants, des enseignants et à rechercher les moyens de les surmonter. Nous devons être ambitieux et viser un accroissement substantiel des échanges dans l'Union. Ce qui est en jeu, c'est la synergie entre laboratoires et entreprises européennes, c'est le renforcement des pôles de recherche et d'innovation et ils sont nombreux et importants en Europe.

C'est aussi une certaine vision du dialogue des cultures et de la diversité culturelle. C'est enfin la citoyenneté européenne, le sentiment d'appartenir à un même ensemble politique et humain. Plus concrètement encore, la Présidence française fera progresser les initiatives de nature à améliorer la vie quotidienne des Européens.

D'abord en matière de santé publique et de protection des consommateurs. Le traumatisme issu de l'épidémie de la "vache folle" et d'autres menaces du même ordre nous obligent à mettre en place une Autorité alimentaire européenne indépendante. Je sais pouvoir compter, dans cette entreprise, sur le soutien de votre Assemblée. Nous devrons aussi faire reconnaître, sur le plan européen et international, le principe de précaution, et progresser en matière d'étiquetage et de traçabilité des organismes génétiquement modifiés. N'oublions jamais que l'agriculture est la première de nos politiques communes.

La Présidence française y sera particulièrement attentive à l'OMC, dans le cadre des négociations d'élargissement et dans la prise en compte des difficultés que rencontrent certaines filières telles que la production porcine, celle des fruits et légumes ou la banane. Dans le domaine de l'environnement, l'accent sera mis d'abord sur la sécurité des transports maritimes, transports de matières dangereuses ou transports de produits pétroliers.

La catastrophe écologique du naufrage de l'Erika est d'autant plus inacceptable qu'elle est due à la négligence des hommes. Les autorités françaises sont résolues à ce que, sur la base de leurs propositions et de celle de la Commission, celles qui ont déjà été présentées ou celles qui vont l'être, et avec l'appui du Parlement européen, des progrès concrets soient enregistrés dans les mois qui viennent pour épargner à nos côtes la répétition de tels drames.

Au-delà, l'Europe continuera d'être à l'avant-garde du combat pour la sauvegarde de notre environnement. Elle doit toujours mieux l'intégrer dans ses politiques. Nous connaissons certains des dangers que présente à cet égard la mondialisation de l'économie. Ils peuvent compromettre de façon peut-être irréversible les conditions de vie des générations futures.

Dans cet esprit, la Présidence française s'attachera, en novembre prochain, à obtenir un bon accord, aussi bien que possible, lors de la Conférence de La Haye sur l'émission des gaz à effet de serre et le changement climatique et elle veillera à la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Dans le secteur de la justice et des affaires intérieures, la Présidence française assurera un suivi ambitieux des décisions prises à Tampere, en octobre 1999. Des progrès devront être accomplis pour mettre en place une politique européenne d'asile et d'immigration sur des points très concrets : délivrance des titres de séjour de longue durée, harmonisation des conditions d'accueil, lutte contre l'immigration clandestine et ses filières.

La tragédie de Douvres est dans tous nos esprits. Conformément aux conclusions du Conseil européen de Feira, la Présidence préparera des mesures précises sur les sanctions contre les responsables de trafics. L'accent sera mis aussi sur la lutte contre la drogue, et la criminalité financière qui lui est si souvent associée.

L'Europe devra en particulier contribuer à l'adoption de mesures permettant de combattre efficacement le blanchiment de capitaux, en soutien à l'action menée dans le cadre du G7. J'aurai l'occasion d'insister sur ce point au Sommet d'Okinawa au Japon. Nous sommes enfin résolus à avancer dans la réalisation d'un espace judiciaire européen, fondé sur la reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions judiciaires.

Vous me permettrez, pour clore ce chapitre de l'Europe des citoyens, de dire un mot du sport. Alors que vient de s'achever l'Euro 2000 de football, qui a donné tant de plaisir et d'émotion aux Européens, nous devons veiller à ce que l'Union européenne prenne mieux en compte la spécificité du sport et sa fonction sociale. Il y a là un vrai problème qui doit être étudié et résolu. La Présidence française s'y emploiera.

Quatrième et dernier axe de notre présidence : une Europe forte sur la scène internationale.En matière de politique étrangère et de sécurité commune, la Présidence française aura à coeur d'affirmer l'identité européenne, avec le soutien du Haut Représentant et de la Commission. L'une de ses priorités sera de consolider l'Europe de la défense et de la sécurité qui a connu, ces derniers mois, des progrès spectaculaires. Il nous faudra concrétiser et développer ces acquis.

Dans le domaine opérationnel, il s'agira de tenir la Conférence d'engagement des capacités afin de donner toute leur crédibilité aux objectifs fixés à Helsinki. Nous souhaitons également que les instances intérimaires, installées à Bruxelles depuis le 1er mars dernier, jouent leur rôle en vue du passage à la phase définitive. Il faut en particulier que le Comité politique et de sécurité, destiné à remplacer le Comité politique, devienne peu à peu la cheville ouvrière de la PESC, en soutien et avec l'appui de M. Javier SOLANA. Enfin, les industries de l'armement doivent confirmer, par leurs rapprochements et par leurs programmes de coopération, les ambitions politiques de l'Europe de la Défense.

Les derniers mois ont été très positifs à cet égard, en matière d'hélicoptères, en matière de missiles ou pour ce qui concerne l'avion de transport futur. Dans tous ces domaines, la Présidence française ne ménagera aucun effort pour que l'Europe se donne pleinement les moyens de sa politique étrangère, dans un esprit d'amitié et de coopération bien entendu avec ses alliés.

Sur le plan géographique, à côté des sommets prévus avec les partenaires majeurs que sont les Etats-Unis et le Canada, la Russie et l'Ukraine, trois grandes priorités se dégagent dans le domaine de la PESC : - les Balkans, avec la poursuite du processus de stabilisation engagé sur le plan militaire comme dans le domaine économique. L'Union doit donner aux pays de la région une claire perspective européenne afin de les encourager à se réformer et à coopérer sur le plan régional.

Tel est l'objet du Sommet que le Conseil européen de Feira a proposé de tenir entre l'Union européenne et les pays des Balkans occidentaux ; - la Méditerranée, avec la réunion ministérielle de Barcelone IV et, si les circonstances le permettent, l'organisation à Marseille du premier sommet euro-méditerranéen. Ce sera l'occasion de donner au processus de Barcelone un nouvel élan, grâce à l'adoption d'une Charte de paix et de stabilité et au renforcement des liens économiques et culturels entre les deux rives de notre mer commune. - l'Asie, avec le troisième Sommet de l'ASEM et les sommets bilatéraux qui réuniront l'Europe et la Chine, l'Europe et le Japon.

Là aussi, la Présidence française veut donner toute sa dimension à des relations qu'elle juge essentielles pour bâtir le monde multipolaire et équilibré de demain. La Présidence française s'attachera aussi à mettre en oeuvre avec efficacité la nouvelle Convention entre l'Union et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

L'Europe doit être forte et ouverte sur le monde. Ainsi elle devra jouer tout son rôle, de façon cohérente et solidaire, pour qu'un nouveau cycle de négociation, global et équilibré, puisse démarrer dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

Vous le voyez, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, la feuille de route que s'est fixée la France pour sa Présidence de l'Union est ambitieuse et concrète. Il s'agit d'abord d'assurer le bon fonctionnement des institutions de l'Union alors même que celle-ci s'apprête à changer de visage.

Demain, le nombre d'Etats membres aura plus que doublé et nous devons trouver les procédures qui permettront la prise de décision et les progrès de l'Europe en renforçant son efficacité et sa légitimité. Et c'est bien de cela qu'il s'agit. Notre Union gardera sa dynamique et sa force si nous savons aussi la faire aimer de ceux qu'elle sert, c'est-à-dire les Européens eux-mêmes. Ces préoccupations sont également partagées par votre Assemblée.

En travaillant la main dans la main, en confiance, sur chacun de ces dossiers, nous parviendrons ensemble à faire franchir à l'Europe des étapes essentielles pour l'avenir. Et j'ai la conviction que, dans six mois, lorsque je reviendrai devant vous dresser le bilan, l'Europe ne sera plus tout à fait la même. Nous aurons consolidé l'édifice tout en le rendant plus accueillant à ceux qui l'occupent et à ceux qui souhaitent y entrer.

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, je vous remercie.