Extraits de l'interview télévisée de M. Jacques CHIRAC, Président de la République,à l'occasion de la fête nationale.


Interrogé par Patrick POIVRE D'ARVOR et Arlette CHABOT

Palais de l'Elysée - Paris le 14 juillet 2005


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LE PRESIDENT - C'est quoi, aller plus vite et plus loin dans la bonne direction ? C'est d'abord croire en nos atouts et ils sont importants. Quand le monde entier s'interroge sur ce que sera, pour nos petits-enfants, l'énergie, ce n'est pas en Asie, ce n'est en Amérique, ce n'est pas ailleurs qu'en France qu'il se situe avec ITER. On a des atouts considérables. (···). Et enfin, il faut préparer l'avenir, nous projeter dans l'avenir. Et là aussi, cela veut dire renouer avec une vieille tradition qui a fait notre force, qui est celle de la recherche, de l'innovation, de l'industrialisation dans notre pays, naturellement dans les domaines hautement sophistiqués, un peu comme le fait le Japon actuellement.
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LE PRESIDENT - Quand on voit la recherche, la recherche scientifique et technique, ce qui est la clé de demain, nous y reviendrons probablement, les Anglais y consacrent 1,8% de leur richesse nationale, nous, 2,2%, et nous avons comme objectifs 3% très rapidement.
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LE PRESIDENT - Mais, et c'est le point sur lequel je voudrais également dire un mot, on y reviendra peut-être, ce n'est pas seulement en gérant le quotidien et en l'améliorant sensiblement, ce qui est un impératif et une possibilité, mais il faut également penser à l'avenir. Cela fait penser aux emplois de demain. Et dans ce domaine, il faut impérativement que la France renoue avec une grande tradition, je l'évoquais tout à l'heure, dans le domaine de la recherche, de l'innovation, et de l'industrialisation. Dans les technologies de demain, c'est une nécessité absolue. La France est un grand pays. Nous sommes actuellement le quatrième exportateur du monde, et le deuxième pour les produits agricoles. Nous avons des moyens considérables, mais il faut prévoir ce que sera demain. Quand nous nous donnons du mal, avec nos amis européens, alors nous faisons Ariane, nous faisons des Airbus, nous faisons ITER, nous faisons Galiléo, nous faisons des choses qui sont la projection dans l'avenir, et qui créent les emplois, et des emplois qui ne se délocalisent pas. Dès demain, il faut donner une forte et nouvelle impulsion à cela. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé un certain nombre de mesures et d'initiatives dans ce domaine.
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LE PRESIDENT - Et puis, il faut surtout continuer à faire avancer l'Europe et notamment l'Europe des projets, ils sont très importants. La France, sur le plan de l'avenir, a pris les devants avec l'Agence d'innovation industrielle. Avec son accord, l'accord franco-allemand et les quatre premiers projets qui ont été décidés dans des domaines de très haute technologie, concernant la santé ou l'informatique. Nous sommes ouverts naturellement à le faire sur le plan européen. C'est un point tout à fait capital et qui doit faire l'objet d'avancées rapides (···) Vous avez pu voir que les Américains avec Google ont lancé une grande initiative très importante puisqu'il s'agit d'un projet de bibliothèque numérique qui va diffuser la totalité de la culture américaine...
QUESTION - Et qui inquiètent les Français, la Bibliothèque nationale de France...

LE PRESIDENT - ... Pas seulement, à juste titre. Et donc, j'ai proposé que nous lancions immédiatement une bibliothèque numérique. Nous avons nous-mêmes commencé, nous sommes là aussi en flèche, si j'ose dire, en exemple, et nous avons obtenu l'accord de principe de tous nos partenaires pour faire une grande bibliothèque numérique européenne qui permettra de diffuser dans le monde entier la culture européenne. Cela c'est également très important sur le plan de la diversité culturelle. Donc si vous voulez, il y a beaucoup de projets.
(···)

LE PRESIDENT - Écoutez, la France est aujourd'hui le quatrième exportateur mondial. Nous avons dans presque tous les grands domaines industriels et commerciaux des champions mondiaux. Nous sommes directement associés, ou même à l'origine, de grands chantiers que j'évoquais tout à l'heure, comme Ariane ou Airbus, etc.
(···)


LE PRESIDENT - (···) Mais nous avons deux faiblesses, et c'est pour cela qu'il faut se concentrer sur ces points. C'est, d'une part, le chômage, et cela suppose un changement de mentalité, d'accepter une évolution qui permette de donner une priorité au travail par rapport à l'aide pure et simple, au chômage. Et deuxièmement, si nous n'y prenons pas garde, nous n'investirons pas assez sur le plan des technologies.


QUESTION - L'innovation et la recherche.


LE PRESIDENT - On parle beaucoup des délocalisations, à juste titre, c'est inquiétant : il faut réagir et on ne peut réagir qu'unis sur le plan européen. Mais regardons les pays qui évoluent, je prends l'exemple du Japon qui, depuis quelques années, fait des efforts considérables en matière d'innovation industrielle et de recherche, parce que l'innovation industrielle, c'est le résultat de la recherche, d'une façon ou d'une autre. Le Japon commence à relocaliser, parce que ses avantages en matière d'investissements et de technicité compensent -et largement- ses handicaps en termes de salaires et de coûts de revient. Il y a donc là une grande politique qui doit impérativement être mise en oeuvre. Je vais la mettre en oeuvre, et je veux vous dire comment, après que vous ayez posé votre question.


QUESTION - Non, non, allez-y, car nous devons terminer.


LE PRESIDENT - Je terminerai là -dessus parce que c'est peut-être ce qu'il y a de plus important : nous avons en France une recherche qui est traditionnellement très bonne, mais qui doit être maintenant encouragée. Et la recherche, ce n'est pas l'innovation industrielle. Elle obéit à une autre logique : la recherche, c'est en réalité la maîtrise de la connaissance et non pas de l'innovation industrielle. L'industrie, c'est l'innovation, et tout notre problème c'est d'avoir une cohérence entre ces deux efforts qui ne doivent pas être soumis l'un à l'autre, mais qui doivent être rendus cohérents : la recherche et l'industrie. Alors, comment ? J'ai décidé d'un grand plan, que je commence à mettre en oeuvre, et qui va d'abord créer, avec la loi sur la recherche, un Haut comité scientifique qui, comme dans tous les grands pays, sera placé auprès du Président de la République et devra définir les grands axes de la recherche. Deuxièmement, une Agence nationale de la recherche, qui sera dotée de moyens -elle vient d'être créée et des moyens lui ont été donnés- pour la mise en oeuvre de ces grands projets d'avenir. Ces projets émaneront soit des entreprises -tous les Airbus de demain par exemple- soit des chercheurs eux-mêmes. L'un ou l'autre, car souvent les chercheurs ont des trouvailles, des intuitions qui doivent être utilisées. C'est ensuite l'Agence de l'innovation industrielle, qui va être dotée de deux milliards et va probablement être présidée par M. BEFFA, qui en a eu lui-même la conception. Cette agence va encourager les entreprises, en liaison avec les chercheurs, à mettre en oeuvre des grands projets, en étant incité financièrement par l'Etat ou par l'Europe. Et enfin, il y a des pôles de compétitivité que le gouvernement a annoncés, il y a deux ou trois jours, qui consistent à prendre des régions et des sujets donnés, à les rendre cohérents, à mettre ensemble les chercheurs, les entreprises -grandes, petites ou moyennes-, les laboratoires, et à chercher l'excellence dans une discipline ou une industrie donnée. Il y aura des moyens. Nous allons, avec la loi sur la recherche, prévoir six milliards d'euros pour cela. On a créé 3 000 emplois de chercheurs nouveaux cette année, 3 000 l'année prochaine. Il y a donc les moyens nécessaires. Dans ce contexte, je souhaite que l'on soit très, très attentif à la politique énergétique, que l'on ait une vraie réflexion sur notre politique énergétique. On a fait des résultats brillants, brillants au plan mondial. Le choix d'ITER en est un. La troisième génération de réacteurs lancée sur le plan de l'énergie nucléaire en est un autre avec les débouchés considérables que l'on peut prévoir dans l'avenir pour l'industrie française. Mais il y a une cohérence d'ensemble de notre politique énergétique avec tous les moyens à mettre en oeuvre, de Gaz de France, d'EDF, d'Areva, plus un effort particulier sur les énergies renouvelables, notamment le solaire et les biocarburants. Nous devons faire un grand effort. Si nous faisons cet effort, et c'est ce que j'ai défini, et c'est l'une des feuilles de route que j'ai donnée au gouvernement et que je me suis donné à moi-même, alors nous créerons les moyens pour demain de l'emploi et de l'emploi non délocalisable et même probablement de la relocalisation.





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