Extrait de la conférence de presse du Président de la République

Niamey (Niger) - 23 novembre 2003

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez qualifié, d'ardente obligation la création d'une chaîne française d'information. Pourquoi ardente obligation et où en est le projet ? Monsieur Boutros BOUTROS GHALI a soumis au Sénat français l'idée d'une francophonie sans visa, un espace francophone dans lequel les gens qui, par leurs activités, portent quotidiennement la francophonie, les écrivains, journalistes, artistes, étudiants, chercheurs, circuleraient librement. Quelle appréciation faites-vous personnellement d'une telle idée et quelles sont les contraintes du côté de la France quant à la réalisation d'un tel projet ? Enfin, Monsieur le Président, vous êtes auteur d'un écrit sur la lueur de l'espérance, réflexion du soir pour le matin. Alors, au petit matin de cette nouvelle ère. Très sincèrement, Monsieur le Président, quelle lueur d'espérance voyez-vous pour le continent africain ? Je vous remercie.

LE PRESIDENT - Sur la première question, le gouvernement travaille en effet, et je crois que c'est une heureuse initiative, à la mise en uvre d'une chaîne francophone qui serait un peu de la même nature que CNN et qui permettrait à la francophonie d'avoir une expression mondiale. Je suis très favorable à ce projet. Les réflexions ont déjà beaucoup avancé et j'espère, sans pouvoir le garantir, que les décisions pourront être prises à ce sujet avant la fin de l'année. Je l'espère, parce que tous les problèmes ne sont pas encore réglés.

Sur les idées de notre ami Boutros BOUTROS GHALI, sur en quelque sorte la francophonie sans visa, c'est-à-dire qu'un certain nombre de gens ayant une vocation particulière à voyager dans l'ensemble de l'univers francophone, vous avez cité des cas et il y en a quelques autres. Ce sont des gens qui ont une vocation particulière à se déplacer et qui, par conséquent, sont handicapés par la nécessité de demander ou de faire renouveler les visas. J'y suis très favorable et nous l'étudions. Quand Boutros BOUTROS GHALI avait lancé cette idée, il m'en avait parlé. Nous l'avions évoquée, je lui avais dit qu'il me semblait qu'il était dans la nature de l'Organisation de la francophonie de lancer une réflexion, une étude d'un projet de cette nature.

Vous me demandez, ensuite, quelle est la lueur de l'espérance que l'on peut avoir. C'est une lueur qui peut indiquer, je l'évoquais tout à l'heure devant le Parlement, à la fois une grande espérance et un grand danger, comme cela arrive souvent dans les actions humaines. Cette lueur d'espérance, je l'ai vue hier. Je l'ai vue très précisément entre l'aérodrome et la ville, lorsque, dans cette démarche d'accueil si africaine, je regardais et je saluais tous ces Nigériens. Et je notais le nombre de jeunes considérable, les enfants, les jeunes enfants et c'est surtout eux que je regardais. Je voyais leurs yeux, leur regard, leur sourire, leurs réactions, leur dynamisme, leur joie, que peut-être il se passait quelque chose. Je ne devais pas très exactement comprendre ce qu'il se passait mais ils exprimaient spontanément leur joie qu'il se passe quelque chose. Ils avaient de beaux regards, de beaux sourires et je me disais qu'ils donnaient une belle image de l'Afrique. Je me disais aussi que ces jeunes, si nombreux, c'était une chance fantastique, c'était l'espérance de l'Afrique.

L'Afrique a été si longtemps traumatisée par des chocs extérieurs ou intérieurs, des chocs, curieusement, qui n'étaient absolument pas conformes à sa culture mais qui se sont développés, notamment en raison d'interventions extérieures depuis des siècles. Et ces chocs ne lui ont pas permis d'assumer réellement un développement harmonieux à l'instar des autres civilisations et continents. Je me disais, en voyant ces jeunes et leur sourire que là, était pour la première fois peut-être, dans l'histoire de l'Afrique, la chance, l'espérance. Mais naturellement, cela représente aussi un extraordinaire, un dramatique défi car si ces jeunes si nombreux et enthousiastes, à l'évidence, sont déçus, alors ils représentent un danger considérable pour l'Afrique et pour le monde. Car si ces jeunes qui attendent quelque chose, ne reçoivent rien, s'ils ont l'impression de rester en quelque sorte exclus du monde moderne, un monde dont on voit tous les jours les progrès à la télévision, à la radio etc dont plus personne n'ignore rien, si ces jeunes sont exclus, alors ils représentent un danger considérable pour l'Afrique de demain et pour le monde de demain.

Ce qui veut dire en clair que nous sommes tout à fait au moment historique, pour des raisons notamment démographiques, économiques et aussi médiatiques. Nous sommes tout à fait au moment où il faut prendre conscience que le monde est une grande famille. Et que si l'on veut une harmonie dans la famille, si l'on ne veut pas se déchirer, ce qui n'est pas dans la nature d'une famille, alors il faut qu'on se tende la main. Il faut qu'on se tende la main pour que ceux qui ont besoin de quelque chose, puissent recevoir de ceux qui ont les moyens de le faire, la solidarité qu'ils sont en droit d'attendre de leur famille.

Avec la mondialisation, le monde, de plus en plus, est une grande famille. C'est pourquoi je dis souvent qu'il n'y a pas de mondialisation de l'économie, même si elle est inéluctable, si elle n'est pas accompagnée d'une mondialisation de la solidarité.

Alors on pourrait développer ce point mais je conclus simplement en vous disant que l'espérance, la lueur d'espérance, oui, je l'ai vue. Elle m'a enthousiasmé et elle m'a fait peur. Il nous appartiendra de la maîtriser, d'en tirer le meilleur et d'éviter le pire. )





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