Allocution à l'occasion du bicentenaire de la Cour des comptes

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du bicentenaire de la Cour des comptes

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Cour des Comptes - Paris, le lundi 22 janvier 2007




Monsieur le Premier Président,

Avec votre accord, je voudrais d'abord, et chacun le comprendra, rendre hommage à l'Abbé Pierre qui nous a quittés au petit matin. C'est en fait la nation tout entière qui est en deuil.

Avec lui, la France perd une immense conscience, l'incarnation même de la solidarité, l'homme de tous les combats contre la misère, la souffrance, les injustices.

L'Abbé Pierre nous a montré la voie du cœur, de la générosité, de l'esprit de révolte au service des plus vulnérables. Son message doit rester présent en chacun de nous. C'est à nous tous de le faire vivre. C'est à nous tous de nous rassembler pour donner tout leur sens aux valeurs de justice et de fraternité qui sont en fait le ciment même de notre patrie.

Monsieur le Premier Président, Cher Philippe Séguin,
Monsieur le Procureur général,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Magistrats,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,

Vous me permettrez d'abord d'exprimer mon émotion, en retrouvant une nouvelle fois cette maison où je suis entré, comme jeune auditeur, il y a plus de quarante ans. J'ai pour la Cour des comptes un profond respect et un profond attachement. Dans l'exercice de mes responsabilités, j'ai toujours pu constater à quel point elle est véritablement une institution essentielle et irremplaçable de la République.

C'est pourquoi je suis particulièrement heureux d'être parmi vous pour célébrer son bicentenaire, dans des lieux que je retrouve tout à la fois fidèles à mon souvenir et étonnamment modernes. Je veux saluer votre talent, Monsieur Venet, car votre œuvre donne à cette manifestation un éclat tout particulier. Que toutes celles et tous ceux qui ont permis à cette oeuvre de voir le jour en soient également remerciés.

La Cour plonge ses racines dans la genèse même de l'Etat et de la France. Les premiers souverains de notre pays avaient déjà senti la nécessité de créer une juridiction financière spécialisée. Et Napoléon 1er, lorsqu'il s'appliqua à doter la France d'un Etat solide, décida tout naturellement de recréer une Cour des comptes, par la loi de 1807 que nous commémorons aujourd'hui.

Mais la Cour des comptes est d'abord, à mes yeux, la fille de la démocratie et de la République. Une démocratie vivante, une République solide, ont besoin d'une institution de contrôle puissante. C'est la place de la Cour dans notre modèle français, c'est aussi la modernité de votre institution, que je voudrais évoquer juste en quelques mots.

Votre rôle s'exerce au bénéfice du Parlement : la Cour n'a jamais cessé d'accroître sa mission d'assistance aux parlementaires. Mais la Cour s'adresse aussi, très directement, aux citoyens. Elle les éclaire sur l'action de l'administration. Elle en met au jour les succès, les faiblesses, les améliorations nécessaires. C'est dire l'importance capitale du rapport public, supprimé par le régime de Vichy et rétabli par la République.

Pour mener à bien cette mission, la Cour doit être indépendante. C'est ce que nous cherchons dans vos rapports, c'est une expertise impartiale. La condition de votre indépendance, c'est le statut de magistrat, pour lequel je partage bien sûr votre attachement, et qu'il faut absolument préserver. Ce sont aussi d'autres principes, qui sont votre héritage : la collégialité pour ce qui concerne la décision, la procédure contradictoire, le secret de l'instruction.

L'autre clef de l'indépendance de la Cour des comptes, c'est son positionnement singulier, à mi-chemin de l'exécutif et du législatif. Pour mieux les assister, la Cour ne doit dépendre ni de l'un, ni de l'autre. Gardons-nous de remettre en cause ce principe d'équilibre, fût-ce avec les meilleures intentions du monde.


La Cour des comptes est aujourd'hui au cœur du débat public, qu'il s'agisse des enjeux nationaux, territoriaux -c'est la mission des 26 chambres régionales des comptes- comme des enjeux de société. J'en veux pour preuve le récent rapport sur l'utilisation des fonds collectés au lendemain du tsunami de l'Océan Indien.

Mais pour que la Cour continue à jouer pleinement son rôle, elle doit se moderniser en permanence. Et c'est bien là son ambition et ce qu'elle fait. Cette modernisation est en marche depuis des années ; je tiens à saluer l'œuvre des précédents premiers présidents ; mais je veux saluer tout particulièrement votre engagement fécond, déterminé, et intelligent, cher Philippe Séguin. Et si les traditions demeurent, vos méthodes de contrôle ont considérablement progressé, permettant à la Cour des comptes de rester en prise directe avec les réalités d'une action publique toujours plus complexe et plus diversifiée.

Ce bicentenaire se déroule l'année même où la Cour inaugure les compétences nouvelles que lui a confiées le législateur, et dont l'exercice va constituer pour elle un tournant décisif. Je pense à la certification des comptes de l'Etat et de la Sécurité sociale. Je pense aussi au contrôle de l'exécution du budget de l'Etat dans une logique de performance. C'est là que se situe, j'en ai la conviction, l'une des grandes attentes de nos concitoyens, des grandes attentes des Français. Vous allez devoir vous mobiliser, faire évoluer vos méthodes, accélérer, surtout, vos travaux, pour garantir leur pertinence et leur utilité dans un monde où les choses vont de plus en plus vite. Vous allez devoir, plus encore que par le passé, stimuler et accompagner la réforme de l'Etat.


Monsieur le Premier Président,
Mesdames et Messieurs,

En cette année d'anniversaire, je tiens à vous dire toute ma reconnaissance pour l'immense et la qualité du travail accompli. Je vous dis aussi toute ma confiance pour continuer à agir, par votre expertise et par votre indépendance, au service d'une démocratie vivante, moderne et éclairée. Je vous dis du fond du cœur mon estime et ma reconnaissance et je vous remercie.





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