LE CHANCELIER FEDERAL DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE

Bonn et Paris, le 8 décembre 1998

Au Président en exercice du Conseil européen et Chancelier fédéral de la République d'AUTRICHE Monsieur Victor Klima

Monsieur le Président,

Le Conseil européen se réunira sous votre présidence pour la prochaine session à Vienne, les 11 et 12 décembre 1998. Lors de cette réunion, nous devrons nous consacrer à des travaux importants pour organiser l'avenir de l'Europe. La France et l'Allemagne sont désireuses de faire progresser ensemble le processus d'unification européenne et de donner des impulsions pour les tâches qui nous attendent. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur les excellents travaux préparatoires effectués sous votre présidence et sur les résultats du Sommet informel de Pörtschach. Les thèmes suivants, qui ont fait l'objet de discussions approfondies au sommet franco-allemand de Potsdam, devraient selon nous occuper une place centrale dans les débats à Vienne.

i

Il existe un consensus entre tous les Etats membres de l'Union européenne sur le fait que la lutte contre le chômage fait partie des défis les plus pressants de notre époque. Il paraît donc nécessaire de compléter le Pacte de stabilité et de croissance conclu le 17 juin 1997 à Amsterdam par un pacte pour l'emploi et de placer ainsi la lutte contre le chômage au centre de la politique européenne. Dans cet esprit, les gouvernements des Etats membres de l'Union européenne devraient à l'avenir s'engager à atteindre des objectifs contraignants et vérifiables dans les lignes directrices pour l'emploi, en premier lieu en ce qui concerne la réduction du chômage des jeunes et du chômage de longue durée, mais aussi l'élimination des discriminations à l'égard des femmes sur le marché du travail. Nous proposons donc que le Conseil européen de Vienne charge le Conseil d'élaborer un pacte pour l'emploi. Il est nécessaire de fixer des normes minimales communes en matière environnementale et de progresser dans le domaine fiscal et social afin d'éviter notamment les pratiques fiscales déloyales et le dumping social. Il est, par exemple, souhaitable d'alléger les prélèvements pesant sur le travail en renforçant, à l'échelle européenne, les aspects écologiques de la politique fiscale.

ii

Nos deux pays sont déterminés à faire ne sorte que les questions de la politique financière, structurelle et agricole de l'Agenda 2000 soient examinées dans leur ensemble et, conformément à l'accord intervenu au Sommet européen de Cardiff, qu'elles soient réglées lors d'un Conseil européen extraordinaire en mars 1999. Pour cela, une volonté de compromis et des concessions de la part de tous les Etats membres sur tous les sujets sont indispensables. Il est important que nous obtenions des progrès substantiels à Vienne sur tous les chapitres de l'Agenda 2000 et que nous fixions des options. L'Allemagne et la France estiment que l'on doit progresser le plus rapidement possible sur les points suivants en vue de parvenir à un accord en mars : Dans le domaine financier, le pourcentage de 1,27 % du PNB de l'UE doit constituer le plafond des ressources propres. Les coûts de l'élargissement doivent, jusqu'en 2006, être couverts par une marge se situant en dessous du plafond des ressources propres. Les dépenses totales de l'UE à 15 devraient être stabilisées en termes réels. Dans le domaine des fonds structurels, la prospérité nationale ne doit pas être un critère pour la répartition des crédits dans les régions relavant de l'objectif 1. Il conviendra de concentrer environ deux tiers des crédits relavant de cet objectif au bénéfice des régions les plus pauvres, dans le strict respect du critère de 75 % du PIB moyen par habitant de l'UE. Par ailleurs, pour assurer la cohérence nécessaire entre les régions bénéficiant d'aides nationales et d'aides au titre de l'objectif 2, une plus grande flexibilité devrait être reconnue aux Etats membres. Le nombre d'initiatives communautaires y compris Interreg devrait être ramené au maximum à trois. Les procédures administratives ne doivent pas être rendues encore plus complexes. Une réforme de la PAC est indispensable non seulement pour préparer l'élargissement et pour respecter le principe de maîtrise générale des dépenses, mais aussi dans la perspective des prochaines négociations à l'OMC. Les propositions de la Commission constituent à cet égard une base de discussion qui devra être améliorée. L'effort financier devra être plus équitablement réparti entre les Etats-membres. Tous devront pleinement contribuer à financer l'élargissement.

iii

L'élargissement de l'Union européenne vers l'Europe centrale et du sud-est, est pour assurer durablement la paix et la stabilité en Europe, une tâche historique que nous devons réussir. Nous nous réjouissons que des progrès satisfaisants aient été accomplis dans le processus d'élargissement depuis le Conseil européen de Luxembourg de décembre 1997 et qu'un large consensus se soit dégagé parmi les pays membres en ce qui concerne les aides pré-adhésion. Le processus d'adhésion doit être poursuivi avec détermination et réalisme. Nous pensons qu'aucune décision ne doit être prise au Conseil européen de Vienne surla question du démarrage de négociations avec d'autres pays candidats à l'adhésion.

iv

Nous sommes d'accord sur le fait que les questions institutionnelles restées en suspend au Conseil européen d'Amsterdam doivent être réglées préalablement à l'élargissement dans l'intérêt des membres actuels et futurs de l'Union. A cet égard, la taille de la Commission, la pondération des voix et l'extension des décisons prises à la majorité qualifiée au Conseil sont d'une importance cruciale. Le Conseil européen de Vienne devrait donner pour mandat d'élaborer, d'ici le Conseil européen de Cologne, des propositions relatives à la marche à suivre ultérieurement, afin qu'il puisse être décidé peu après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, comment et quand ces questions pourront être abordées.

v

Nous saluons l'initiative du Premier ministre espagnol à Pörtschach, proposant de tenir sous la présidence finnoise un sommet extraordinaire relatif à la justice et aux affaires intérieures. Nous devrions obtenir sans tarder les progrès nécessaires dans ce domaine, afin de réaliser l'espace de liberté, de sécurité et de justice prévu dans le traité d'Amsterdam. Le Conseil européen de Vienne devrait prendre les décisions nécessaires à cette fin.

vi

LUnion européenne doit pouvoir faire mieux prévaloir son influence et défendre ses intérêts à l'échelle mondiale. A cet effet, une politique étrangère et de sécurité commune efficace et performante doit être élaborée et développée. Le Conseil européen de Vienne devrait décider des domaines dans lesquels des stratégies communes devraient être mises au point afin qu'elles pouissent être rapidement mises en oeuvre après la ratification du traité d'Amsterdam. A cet égard, nous pensons d'abord aux régions voisines de l'Union européenne, en particulier la Russie et l'Ukraine, deux partenaires indispensables pour la sécurité en Europe, sans oublier la dimension méditérranéenne. En ce qui concerne la réalisation de la politique étrangère et de sécurité commune y compris la politique de défense commune, nous devons nous mettre d'accord sur des mesures communes. A Pörtschach, nous sommes ainsi convenus que l'Union devrait élaborer une position commune à ce sujet en vue du sommet de l'OTAN de Washington. Nous saluons la volonté de nos deux pays et du Royaume-Uni de progresser sur la voie d'une politique européenne de défense et de sécurité, comme nous l'avons constaté au sommet franco-allemand de Potsdam et comme cela est exprimé dans la déclaration adoptée au sommet franco-britannique de Saint-Malo. Comme nous l'avons indiqué à Potsdam, il convient de rechercher les voies permettant à l'Union européenne de disposer des capacités opérationnelles qui lui font défaut en la dotant soit des moyens européens propres (notamment au travers de l'UEO et des forces multinationales européennes telles que le corps européen) soit des moyens de l'OTAN en application des accords conclu lors du Conseil atlantique de Berlin. Il convient également de mener une réflexion sur le processus souhaitable d'intégration de l'UEO dans l'Union européenne.

Monsieur le Président, nous nous permettons de transmettre également ce message aux autres membres du Conseil européen.

Permettez-nous, Monsieur le Président, de vous assurer de notre très haute considération.

Gerhard Schröder

Jacques Chirac