DECLARATIONS A LA PRESSE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

ET DE MONSIEUR LIONEL JOSPIN PREMIER MINISTRE

A L'ISSUE DU DINER DES CHEFS D'ETAT ET DE GOUVERNEMENT DE L'UNION EUROPEENNE

AVEC MONSIEUR GEORGE W. BUSH PRESIDENT DES ETATS-UNIS

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GOTEBORG - SUEDE

JEUDI 14 JUIN 2001

QUESTION - Il paraît qu'au cours du dîner, vous avez parlé de la ratification du Protocole de Kyoto. Est-ce qu'il y a eu quelques évolutions ?

LE PRÉSIDENT - Ce dîner s'est très bien passé, naturellement. Il a été essentiellement consacré aux problèmes de l'accord de Kyoto, à la suite, vous le savez, des réserves exprimées par le Président américain sur ce processus tendant à sauvegarder la planète des risques qu'elle court et du réchauffement qu'elle encourt.

La présidence suédoise m'avait demandé d'exposer le sujet, ce que j'ai fait, naturellement, en disant très clairement que l'Union européenne n'entendait en aucun cas sortir du processus de Kyoto et souhaitait que celui-ci soit ratifié le plus rapidement possible.

Le Président américain a répondu. Il a répondu d'abord en disant que le Sénat américain avait rejeté ce projet, cet accord, et à la quasi-unanimité. Et que c'était donc un vrai problème pour la ratification. Ce que je peux comprendre.

Il n'en reste pas moins que ce Traité doit être appliqué. Nous avons donc décidé de discuter ensemble jusqu'à la réunion qui aura lieu à Bonn, au mois de juillet, pour tenter de trouver des modalités d'application qui puissent convenir aux Américains, tout en ne remettant pas en cause le processus, ni dans son ensemble, ni dans ses délais, que nous avons arrêté à Kyoto.

QUESTION - Monsieur le Président, M. Bush a reconnu, a priori, que c'était un problème urgent à régler. Est-ce qu'il n'est pas en contradiction, en même temps, avec lui-même, en exprimant que le Protocole, qui est le seul instrument qui existe, ne doit pas être pris en compte ?

LE PRÉSIDENT - Le Président Bush a effectivement dit clairement qu'il fallait s'occuper de ce problème et que c'était relativement urgent. Ce qu'il conteste, c'est la certitude scientifique dans ce domaine. Et il souhaite qu'il y ait encore des études.

J'ai eu l'occasion de lui faire valoir qu'elles me semblaient avoir toutes été faites, d'une part avec le dernier rapport du GIEC et aussi, d'ailleurs, le rapport fait par l'Académie des sciences des États-Unis. Il y a une certaine contradiction, c'est vrai, dans la position de nos amis américains, qui tient au fait qu'ils ont un vrai problème de fourniture d'énergie en ce moment et que, tant qu'ils n'auront pas résolu ce problème, notamment éventuellement en reprenant la production, ce que le Président Bush a évoqué, de l'énergie nucléaire, tant qu'ils n'auront pas résolu ce problème, nous aurons du mal à trouver un accord avec eux sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Mais nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout de ce processus et je suis persuadé que nous y arriverons.

QUESTION - Quelle est, Monsieur le Président, la raison de votre présence ici ce soir, ce qui est assez inhabituel ?

LE PRÉSIDENT - Ce qui serait inhabituel, c'est que nous ne soyons pas à une réunion de l'Union européenne. Alors cela, ce serait très inhabituel.

QUESTION - Non, ici, devant les journalistes ?

LE PREMIER MINISTRE - Vous vous en plaignez ?

QUESTION - Non, pas du tout.

LE PREMIER MINISTRE - Bon alors...

QUESTION - Apparemment, on apprend que vous parlez d'une seule voix pendant ce sommet. Est-ce que vous regrettez l'incident d'hier à l'Assemblée nationale ?

LE PREMIER MINISTRE - Vous vous mettez en contradiction avec vous-même, Madame, en disant cela. Je crois que ce qui a frappé au cours de notre dîner, c'est que le Président BUSH, sur plusieurs sujets dans sa tonalité globale, voulait montrer aux Européens qu'il les prenait en compte et les reconnaissait. Plusieurs d'entre nous ont insisté sur le rôle privilégié que l'Europe pouvait jouer, pour redonner un peu d'espoir et pour structurer les relations internationales, comme partenaires pour les États-Unis. Il y avait donc, de la part du Président américain, cette volonté de convaincre les Européens qu'il était à l'écoute comme le fait qu'il ait souhaité venir à la rencontre des quinze européens actuels de l'Union, pour parler des problèmes qui se posent. Je crois en effet que c'est un signe fort de la force et de la puissance de l'Europe. Et sur le sujet particulier de Kyoto, il a quand même tenté de nous dire qu'il partageait les mêmes objectifs, et que c'était peut-être sur les moyens qu'il y avait divergence. L'idée a été évoquée que les experts travaillent d'ici les rencontres de Bonn, en juillet, pour voir alors comment nous les Européens, choisissant la démarche de Kyoto, et eux, les Américains, essayant de rejoindre aussi une démarche, nous pourrions avancer vers ces mêmes objectifs, sans bien sûr que les Européens changent de position.

QUESTION - Oui, mais vous n'avez pas répondu à ma question ?

LE PREMIER MINISTRE - Non, bien sûr que non. Je suis content que vous l'ayez remarqué...

LE PRÉSIDENT - Nous avons tenu à vous dire, ce qui était normal, et en primeur, comment s'était passé le dîner de ce soir. Eh bien, il s'est passé comme nous vous l'avons dit. Il a été consacré pour l'essentiel à ce problème de l'environnement, et en particulier à celui des émissions de gaz à effet de serre. Maintenant, vous savez tout. Je vous souhaite une bonne soirée.

QUESTION - Et la peine de mort, en avez-vous parlé ?

LE PREMIER MINISTRE - Non, nous avons parlé de multilatéralisme, de l'OMC, de choses de ce genre mais pas de ces autres sujets.