ALLOCUTION PRONONCÉE PAR

MONSIEUR JACQUES CHIRAC

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

LORS DE L’OUVERTURE DU SOMMET

FRANCE-CARIFORUM

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POINTE-A-PITRE - GUADELOUPE

VENDREDI 10 MARS 2000

Mesdames, Messieurs,

Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Messieurs les Secrétaires généraux,

Mesdames, Messieurs,

Avec Lucette MICHAUX-CHEVRY, Présidente de la région Guadeloupe, avec les Présidents des Conseils régionaux, M. Marie-Jeanne, Président Marie-Jeanne pour la Martinique, Président Karam, pour la Guyane et les Présidents de Conseils généraux, Président Lubeth pour la Guadeloupe, Président Lecante pour la Guyane, Président Lise pour la Martinique, avec l’ensemble de ces représentants, responsables, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue dans cette belle Guadeloupe, qui nous accueille chaleureusement, et à laquelle les Français sont profondément attachés. Qu’ils soient de métropole, de l’étranger ou d’outre-mer, les Antilles, la Guyane ont toujours fait battre le coeur des Français et les ont toujours fait rêver. Quand on voit le sourire de ces départements, de ces territoires, on comprend pourquoi ils provoquent chez nous de telles réactions de respect, mais aussi d’affection. Nous sommes heureux de les voir de plus en plus, comme l’indiquait hier Madame Michaux-chevry, en sa qualité de maire de Basse-Terre, dans sa mairie, assumer leur dignité et surtout leur identité. Je voudrais remercier chaleureusement chacun d’entre-vous d’avoir répondu à notre invitation, à l’invitation de la France qui attache une importance de plus en grande au développement d’un vrai partenariat entre les pays que vous représentez et l’Union européenne.

L'engagement de la France, c’est le sujet de ce matin -avant d’évoquer les problèmes de coopération régionale- repose sur une conviction. Le sentiment que ce qui réussit en Europe, la coopération régionale, l’effacement des barrières, la solidarité pour défendre des intérêts partagés, bref, une dynamique d’intégration régionale peut et doit aider au développement, aussi, de la Caraïbe.

Cet engagement répond aussi à un devoir de solidarité. Beaucoup de pays en développement ont entrepris de réformer leurs économies, d’assainir leurs finances, d’adopter de bonnes règles de gestion. Ils peuvent ainsi gagner la confiance et attirer l’investissement privé qui est, c’est vrai, un moteur important de la croissance. Mais ils ont besoin aussi de la solidarité internationale pour conforter les changements, pérenniser les premiers succès, leur permettre de prendre à leur tour et dans de bonnes conditions le train de la mondialisation.

Enfin, la France, par la Guadeloupe, par la Guyane, par la Martinique, est aussi de la Caraïbe. Elle porte un intérêt direct à la réussite des projets communs entrepris dans cette région.

Voilà pourquoi nous, Français, restons mobilisés aux côtés de vos pays. Pourquoi nous militons pour une forte coopération régionale et, au-delà, pour un puissant partenariat entre la Caraïbe et l’Europe. Et voilà pourquoi nous nous réjouissons d’accueillir ce sommet, qui se tient à un moment important de la relation entre l’Union européenne et la Caraïbe.

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C’est en effet le mois dernier que s'est achevée à Bruxelles, entre l’Union et le groupe ACP, la négociation d'une nouvelle convention succédant à celle de Lomé. Et je suis heureux, en ouvrant cette réunion, de pouvoir saluer avec vous le plein succès de cette négociation. Je voudrais également souligner la part personnelle que le ministre français de la Coopération et de la Francophonie a prise dans ce succès.

Souvenons-nous que les choses n’allaient pas de soi. Chacun garde à l’esprit les doutes qui se sont exprimés ici et là quand s’est posée, en 1995, la question du renouvellement à mi-parcours de la quatrième convention de Lomé.

Certains assimilaient notre coopération, certains Européens, à un héritage historique prétendument dépassé. D’autres invoquaient le caractère hétérogène du groupe ACP. D'autres, enfin, contestaient l’efficacité de la coopération financière ou jugeaient les avantages tarifaires accordés aux ACP contraires aux nouvelles règles du commerce mondial. Je me souviens bien de ce débat qui fut rude et difficile et qui a eu lieu sous présidence française à Cannes, il y a maintenant cinq ans.

Pour sa part, la France n’a jamais partagé ces doutes. C’est elle qui, en 1995, a permis la reconstitution du VIIIe Fonds européen de développement en acceptant d'en devenir le premier contributeur. Elle a plaidé avec succès pour le maintien d’une relation spécifique entre le groupe ACP et l’Union européenne.

En effet, la mondialisation et ses ambiguïtés rendaient nécessaire l’appui de l’Europe au développement de pays plus exposés que d'autres. Je pense bien sûr, ici, aux contraintes liées à l’insularité, à l’exiguïté, à la menace que font peser les éléments naturels dont le déchaînement peut, à tout instant, remettre en cause des années et des années d’efforts.

Mais la réforme de la Convention de Lomé, instrument unique au service du développement, était nécessaire. C'est avec l'ambition d'engager un renouvellement, sans renier les principes inhérents au partenariat UE-ACP, que l'Union européenne a avancé ses propositions en septembre 1998.

Les négociations sont désormais derrière nous. L'esprit de compromis et la volonté politique ont permis de conduire à leur terme, dans le respect ce qui était essentiel, du calendrier imparti, des discussions dont la difficulté était à la mesure des enjeux. Après Seattle, les regards étaient dirigés sur le groupe ACP et l'Union européenne. La France se réjouit que nous ayons démontré notre capacité à préserver, dans un monde globalisé, une relation harmonieuse entre le nord et le sud. Et il y a tout lieu d'être satisfait des résultats auxquels nous sommes parvenus.

Le renforcement du dialogue politique autour des valeurs communes de la démocratie, des droits de l'Homme et de l'Etat de droit est essentiel. Il vient équilibrer une relation où prévaut désormais un véritable esprit de partenariat et de responsabilité.

L'exigence d'une bonne gestion des affaires publiques répond aux légitimes aspirations de nos concitoyens qui souhaitent voir réunies toutes les conditions d'un développement durable.

S'agissant de l'aide, le mot d'ordre doit être l'efficacité ! Il est anormal, dans un contexte général de réduction des flux d'aide publique au développement, que des crédits importants demeurent immobilisés. Grâce aux nouvelles modalités de programmation et d'allocation des ressources, les appuis communautaires pourront mieux s'adapter à l'évolution de vos stratégies de développement. La nouvelle convention a pleinement pris en compte la dépendance persistante de vos économies à l'égard des produits de base. Elle prévoit à cette fin des appuis additionnels en cas de fluctuation des recettes d'exportation, dans la continuité du Stabex et du Sysmin.

En matière commerciale, il s'agissait de favoriser votre insertion dans l'économie mondiale. Tel est le sens de l'évolution progressive vers des accords de partenariat économique régionaux. Un calendrier adapté, tenant compte de l'ampleur des ajustements nécessaires, a été défini. L'Union européenne s'est clairement engagée à accompagner cette transformation.

Nous devons maintenant nous consacrer à la mise en oeuvre de la nouvelle convention.

A cette fin, les ACP savent qu'ils peuvent compter sur une enveloppe de financements très substantielle pour les années à venir. Aux 13,5 milliards d'euros du IXe Fonds européen de développement, s'ajouteront 1,7 milliards sur les ressources propres de la Banque européenne d'investissement et quelque dix milliards de reliquats sur les précédents FED. Au total, ce sont 25 milliards d'euros qui permettront à l'Union de doubler les engagements annuels en faveur des pays ACP.

Vous savez le rôle majeur qu'a joué la France pour obtenir ce résultat. La France a accepté de maintenir le niveau exceptionnel de sa contribution que j’avais décidée en 1995. Elle finance en effet à elle seule le quart du IXe FED. Il en résultera pour mon pays un effort de plus de 5 milliards d'euros sur les sept prochaines années.

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J'aimerais revenir sur l'importante question de l'intégration régionale.

Comme les Etats membres de l'Union européenne, les ACP ont pris conscience de la nécessité d'unir leurs forces. De nombreux problèmes ne trouvent, en effet, de réponse que dans un cadre régional. Dans la Caraïbe, c'est notamment le cas de la prévention des catastrophes naturelles ou de la lutte contre le trafic de drogue, de bien d’autres problèmes encore, la pêche notamment.

L'Union a naturellement vocation à soutenir les efforts de ses partenaires qui s'engagent dans la voie de l'intégration régionale. Elle le fait de longue date avec le Caricom.

Il ne s'agit pas pour l'Union européenne de diviser le groupe ACP, mais bien d'apporter son soutien à la stratégie que ses membres ont d'eux-mêmes décidée et adoptée. Cette stratégie d'intégration régionale, nos départements d'Amérique y sont parties prenantes. Ils souhaitent développer leurs liens avec leurs voisins. Ils ont en effet vocation à devenir désormais de véritables acteurs à part entière de la coopération régionale. C'est le sens de leur présence ici aujourd'hui. C’est à eux que dorénavant incombera la responsabilité de représenter notre pays dans les problèmes régionaux, dans les relations régionales.

Il est un autre dossier sur lequel, à l'évidence, nos départements d'Amérique ont, avec les producteurs de la Caraïbe, une préoccupation commune, c'est celui de la banane.

La France a toujours défendu le respect par l'Union européenne de l'ensemble de ses obligations, tant à l'égard de ses propres producteurs que des fournisseurs traditionnels ACP, dont bon nombre se trouvent dans la Caraïbe. Elle refuse d'envisager que, sous la pression des grandes multinationales, une activité qui contribue à l'équilibre socio-économique des régions productrices soit mise en péril.

C'est le message que nous nous efforçons de faire entendre à nos partenaires de l'Union et à la Commission européenne. Je salue ici son représentant et je lui demande d’être une fois de plus le porteur de mon inquiétude et de mon message concernant ce sujet délicat que nous devons ensemble défendre parce qu’il intéresse un grand nombre de travailleurs dans l’ensemble de cette région Caraïbe. Nous rejetons, en particulier une option exclusivement tarifaire qui aurait pour conséquence de provoquer la libéralisation brutale des marchés. Un système contingentaire, offrant des garanties aux producteurs communautaires et ACP, est possible. Nous en sommes convaincus.

Soyons solidaires, pour faire valoir nos préoccupations et nos intérêts.

La compétitivité de la filière banane doit également être renforcée. L'Union y apporte déjà son concours, grâce au cadre spécial d'assistance mis en place en 1999 en faveur des fournisseurs traditionnels ACP, dont les pays de la Caraïbe sont les tout premiers bénéficiaires.

S'agissant des producteurs de la Martinique et de la Guadeloupe, nous devons obtenir, dans la réforme en cours, une refonte des modalités des aides qui leur sont versées.

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Je souhaiterais, Mesdames, Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernement, en conclusion, vous assurer de l'attention que la France porte à vos efforts pour aménager un espace de paix, de stabilité et de prospérité.

Le futur partenariat UE-ACP, en mettant l'accent sur la coopération et l'intégration régionales, servira ce dessein. De notre détermination à mettre en oeuvre tous ses volets, dépendra le succès de cette ambition. La France est engagée à vos côtés.

Je vous remercie.