Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, sur la lutte contre le cancer.

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Palais de l'Élysée, le mardi 27 mars 2007




Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,

J'ai voulu vous réunir aujourd'hui pour vous dire du fond du cœur, et très simplement, merci. Pour vous dire que vous pouvez être fiers des progrès accomplis face au cancer. Pour vous dire, aussi, que notre mobilisation doit être toujours plus forte. Car, pour gagner la bataille face à cette terrible maladie, le combat ne fait que commencer.

En à peine quatre ans, vous avez su briser les tabous et entraîner la société tout entière dans ce qui est en réalité un combat pour la vie.

Les malades ont pris la parole, avec des mots bouleversants. Ils ont dit leur isolement, l'inégalité devant les soins, les discriminations, leur refus de se voir réduits au statut de "cancéreux". Leur envie farouche de guérir.

Les chercheurs, les professionnels de santé se sont mobilisés avec une force extraordinaire. Ils ont dépassé les intérêts particuliers et les logiques de chapelles. Ils l'ont fait parce que ce qui était en jeu était au cœur même de leur vocation : soulager, soigner, triompher de la maladie.

Comme dans toutes les grandes aventures collectives, comme dans tous les grands engagements politiques, et cela au sens le plus noble du terme, il y a d'abord la volonté de quelques esprits pionniers. Je veux aujourd'hui rendre hommage à David Khayat, Henri Pujol, Dominique Maraninchi, Victor Izraël, et à vous tous ici, sans lesquels il n'y aurait pas eu de plan cancer. Sans lesquels la mobilisation de la société n'aurait jamais été aussi forte et aussi efficace. Car, ne l'oublions pas, ce qui fait l'originalité du plan cancer, c'est qu'il a été conçu par les acteurs mêmes, et cela au seul service des malades et de leurs proches.


Le plan cancer, c'est l'affirmation des droits des malades ; c'est la priorité donnée à la prévention à l'égal de l'amélioration de la qualité des soins ; c'est le renforcement massif des moyens donnés à la recherche. Et c'est la création de l'Institut national du cancer, pour coordonner, dans la durée, la mobilisation de tous les acteurs.

En matière de droits des malades, les retards étaient immenses. Ils étaient inacceptables. Les progrès sont considérables. La consultation d'annonce, si nécessaire pour les malades et pour la réussite du traitement, est désormais généralisée. Les dispositifs esthétiques, si indispensables notamment après une chimiothérapie, sont enfin mieux remboursés. Et il a fallu que la loi intervienne pour mettre fin aux discriminations scandaleuses dont étaient victimes les malades du cancer dans l'accès à l'assurance ou à l'emprunt. Je sais pouvoir compter sur votre vigilance, et particulièrement sur celle de la Ligue contre le cancer, pour veiller dans la durée au respect de ces nouveaux droits, qui sont, en réalité, des droits fondamentaux.

Le plan cancer est exemplaire aussi parce qu'il a fait de la prévention et du dépistage une priorité majeure.

Face au risque d'une véritable épidémie de cancers du poumon, nous avons engagé une guerre contre le tabagisme, avec l'augmentation sensible du prix du tabac et l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Ces mesures, qui paraissaient inenvisageables il y a cinq ans, font aujourd'hui un large consensus. Cela montre à quel point les esprits peuvent évoluer rapidement quand l'essentiel est en jeu. Cela montre qu'il faut toujours faire confiance à l'esprit de responsabilité de nos concitoyens. C'est cette conviction profonde qui m'a guidé lorsque j'ai engagé les trois chantiers du quinquennat dont le cancer.

Au-delà du tabagisme, les progrès en matière de prévention sont considérables. Le grand absent de notre politique de santé, c'était la lutte contre les addictions. En moins d'un an, une politique globale a été mise en place. Les addictions ne sont plus seulement considérées comme le résultat de choix individuels, mais comme de véritables maladies, qui doivent être traitées comme telles. C'est une avancée majeure pour notre société.

Nous avons aussi, désormais, une politique de dépistage digne de l'ambition de notre système de santé. Dépistage généralisé du cancer du sein sur tout le territoire, généralisation de celui du cancer du colon, expérimentation du dépistage du cancer de la prostate, progrès considérables en matière de vaccins contre le cancer du col de l'utérus. L'éradication de cette maladie est, semble-t-il, à notre portée. C'est une priorité de santé publique : je souhaite que ces vaccins soient remboursés dans les meilleures conditions et dans les meilleurs délais.

Grâce à vous, nous avons aussi transformé profondément la prise en charge du cancer, et nous y avons consacré les moyens nécessaires. Avec 40% d'IRM en plus, les délais d'attente avant un examen ont été divisés par deux. Les médicaments innovants sont disponibles partout et pour tous les malades qui en ont besoin, et cela sans aucune restriction financière. Dans chaque région, un réseau de cancérologie permet aux soignants de travailler ensemble. Et avec la publication, la semaine dernière, du décret sur les autorisations de traitement du cancer, la pratique de la cancérologie répondra désormais partout aux conditions les plus rigoureuses de qualité. Tout cela a valeur d'exemple pour l'ensemble de notre système de santé.

C'est aussi une nouvelle ambition que nous avons insufflée à la recherche. Face au risque d'émiettement des moyens et à la dispersion des efforts, les sept cancéropôles, associant laboratoires de recherche, établissements de santé et partenaires industriels, sont en ordre de marche. Avec eux, c'est plus de 200 projets qui sont financés, plus de 700 équipes de chercheurs qui sont à l'ouvrage. Parmi ces programmes de recherche, nous avons décidé d'engager un effort particulier dans le domaine de la découverte des gènes de prédisposition au cancer. L'analyse génomique de 5.000 cancers du rein et de 10.000 cancers du poumon est pour cela engagée.

Les progrès réalisés ces dernières années sont considérables, mais les défis qui sont encore à relever sont immenses. En moyenne, et même si fort heureusement on vient à bout de plus en plus de cancers, ce n'est encore qu'un peu plus d'un malade sur deux qui guérit.

Tout au long des années passées, j'ai pu mesurer votre énergie, votre créativité, votre engagement sans faille. C'est pourquoi j'ai pleinement confiance dans la détermination de la nation à poursuivre dans la durée ce combat qui nous rassemble. Je pense notamment à la nécessité d'intensifier encore l'effort engagé en matière d'équipements, d'effectifs et de formation de personnels soignants. Je pense à la lutte contre le tabagisme, pour laquelle il est essentiel, afin de combattre la contrebande et les trafics, d'harmoniser par le haut les prix au plan européen. Je pense à la lutte contre l'alcoolisme, dans laquelle, nous le savons bien, nous avons encore du retard, alors qu'il s'agit de l'une des causes très importantes du cancer.

Mais au-delà de la poursuite de ce qui est engagé, il nous faudra intensifier le champ de notre mobilisation, et cela dans trois domaines qui me paraissent essentiels : mieux prévenir les cancers liés à l'environnement et aux pollutions ; accélérer la marche vers les traitements ciblés et individualisés ; et aider les pays les plus pauvres à mieux prendre en charge leurs malades.

Les pollutions font peser sur notre santé des risques nouveaux. Nous avons franchi ces dernières années des étapes importantes, avec la mise en place du Plan National Santé-Environnement et du Plan Santé au Travail. Et la France s'est mobilisée pour que soit adopté le règlement européen sur le contrôle des substances chimiques.

Il nous faut maintenant focaliser cette mobilisation sur les risques de cancers liés à l'environnement : développer nos dispositifs de veille sanitaire environnementale ; conduire des études épidémiologiques et toxicologiques de grande ampleur pour mesurer très exactement les risques encourus ; faire de la recherche dans ce domaine une priorité, afin de mieux cerner les interactions entre les gènes et l'environnement. L'Agence de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, dont les moyens devront être renforcés, constituera, en étroite liaison avec l'Institut national du cancer, le pivot de ce programme d'action.

En matière de recherche et de soins, nous sommes à l'aube de progrès majeurs, peut-être même décisifs. Avec le dépistage toujours plus précoce, avec l'imagerie moléculaire, avec l'identification de cellules souches responsables de l'agressivité de certains cancers, avec les progrès dans la compréhension des prédispositions génétiques, nous entrons dans l'ère des traitements ciblés et individualisés. Et cela d'autant plus que les nanotechnologies ouvrent des perspectives nouvelles et pour une part insoupçonnées d'intervention et de traitement. L'enjeu pour la France, c'est d'être à la pointe de ces recherches et d'en assurer le moment venu, et conformément à sa vocation, l'égal accès à tous les malades.

Enfin, l'élan de solidarité qui est au cœur du plan cancer ne doit pas s'arrêter à nos frontières. Plus d'un nouveau malade sur deux vit dans les pays en développement. Nous devons les aider à lutter contre ce fléau. C'est pour cela que j'ai réuni à Paris il y a quelques jours une conférence internationale pour le développement de la couverture maladie dans les pays les plus pauvres. Il faudra pour cela mettre en place des financements innovants au niveau mondial, comme nous l'avons fait avec la contribution sur les billets d'avion pour lutter contre les grandes pandémies. Ce sera l'honneur de la France de porter cette exigence de solidarité et de justice.

Mes chers amis,

Vous le savez, dans quelques semaines, le moment sera venu pour moi de vous servir autrement. Et je veux vous dire toute la fierté qui est la mienne d'avoir contribué à vos côtés à faire avancer ce magnifique combat pour la vie. On est là au cœur de l'idée même que je me fais de la politique. On est là au cœur de ce qui a été et restera le moteur de mon engagement au service des Françaises et des Français.

Avec le même enthousiasme, avec la même foi, avec la même admiration pour ce que vous êtes et ce que vous faites, je demeurerai mobilisé à vos côtés pour que demain, très vite, le plus vite possible, ensemble, le cancer soit vaincu.

Je vous remercie.