INTERVIEW TELEVISEE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

PAR

MICHEL DRUCKER (FRANCE 2)

A L'OCCASION DU 50E ANNIVERSAIRE DE LA PATROUILLE DE FRANCE

SALON DE PROVENCE

SAMEDI 17 MAI 2003

M. MICHEL DRUCKER – Monsieur le Président, vous venez d'assister, il y a quelques instants, en avant-première à la présentation du programme 2003 de la Patrouille de France à l'occasion du 50e anniversaire de cette unité d'élite. Quelle est votre impression ?

LE PRESIDENT – Comme toujours quand je regarde la Patrouille de France, d'abord, une grande admiration pour des hommes qui cultivent au plus haut point à la fois le professionnalisme et l'esprit d'équipe, qui donnent une superbe image de ce que peut faire l'homme dans ce domaine. Et puis, une grande fierté, fierté pour l'armée de l'air française et fierté pour la France. Nous sommes parmi les meilleurs au monde, pour ne pas dire les meilleurs dans ce domaine. Et j'en suis très fier.

M. MICHEL DRUCKER – La Patrouille de France, qui est née en 1953, c'est une unité d'élite qui est une émanation de l'armée de l'air. Considérez-vous qu'ils sont un peu des ambassadeurs de l'aéronautique et de l'armée française dans le monde ?

LE PRESIDENT – Je dirai que d'abord -vous avez vu les regards des gens-, la Patrouille de France fait rêver. Et cela, c'est essentiel. Alors effectivement, à partir de là, c'est un merveilleux ambassadeur ou une merveilleuse ambassadrice de France dans le monde entier où ils brillent et où ils sont admirés.

M. MICHEL DRUCKER – Vous êtes le chef des Armées. En 1953, l'année de la création de la Patrouille, vous deviez être étudiant à l'école des Sciences politiques, mais deux ans après, en 1955, vous étiez appelé sous les drapeaux. Je crois que vous êtes allé à Saumur, ensuite en Allemagne et en Algérie. Quel souvenir gardez-vous de cette période de votre vie ? D'abord Saumur. C'est dans les chars, non ?

LE PRESIDENT – Oui. J'ai gardé un très bon souvenir de Saumur. C'était une école, là aussi, où l'on essayait d'enseigner et avec succès à des jeunes qui arrivaient, qui étaient étudiants ou qui venaient de toute autre formation ou origine, à la fois un peu de professionnalisme, de la solidarité et le service de l'Etat. De ce point de vue, Saumur est une très bonne école.

M. MICHEL DRUCKER – Ensuite, il y a eu l'Allemagne.

LE PRESIDENT – Brièvement, j'ai passé quelque temps comme jeune sous-lieutenant en Allemagne, effectivement. Je commandais un peloton de chars ...

M. MICHEL DRUCKER - ... Le 11e Régiment de chasseurs d'Afrique.

LE PRESIDENT – ... le 11e chasseurs d'Afrique. J'en ai gardé là aussi un excellent souvenir. C'était mon premier contact avec l'Allemagne. C'était dans le Palatinat, à Neustadt. J'ai, pour la première fois, bien intégré la naïveté des raisons qui nous ont conduit à la guerre. La guerre est toujours, forcément, même s'il faut pouvoir l'assumer, s'il faut se doter des moyens de l'assumer, une solution extrême et dramatique. J'ai bien compris là que, entre les Allemands et nous, il n'y avait en réalité pas de différence, que c'était vraiment des peuples qui étaient faits pour s'entendre alors qu'ils se sont tellement combattus. C'est là que j'ai compris probablement qu'il y avait quelque chose à faire pour le rapprochement franco-allemand.

M. MICHEL DRUCKER – Qu'est-ce que vous avez appris de cette période de votre vie, de ce passage à l'armée, qui vous a été utile, ensuite ?

LE PRESIDENT – Que l'une des pires réactions de l'homme, c'est le manque de respect à l'égard de l'autre. J'ai eu la chance d'être dans une unité où les hommes et aussi les officiers étaient très convaincus du respect que l'on devait avoir pour l'autre. Et ensuite, la solidarité, naturellement. La solidarité entre une petite équipe qui fait face à des situations, je dirai, extraordinaires et qui doit assumer cela avec courage, ordre, discipline naturellement, mais aussi sans haine et avec le coeur autant qu'avec l'esprit.

M. MICHEL DRUCKER – Revenons à cet événement important. Le public verra demain la Patrouille de France que vous avez vue en avant-première, tout à l'heure, pour ce 50e anniversaire. Est-ce que vous vous souvenez de votre passage sur la base de Saint-Dizier ? En 1975, vous étiez Premier ministre.

LE PRESIDENT – Oui, on m'avait fait faire un vol, je crois que c'était un Jaguar.

M. MICHEL DRUCKER – Pendant ce temps, on entend le bruit des réacteurs de la Patrouille qui se prépare à s'entraîner à nouveau avec les patrouilles étrangères. Sur ces photos que le réalisateur nous montre, on vous voit ici, vous aviez volé sur un Jaguar pendant une heure. Et c'est un souvenir précis pour vous ?

LE PRESIDENT – Oui, je n'ai jamais eu une vocation d'aviateur. Donc, je n'avais pas d'expérience. C'était la première fois. J'ai fait un ou deux autres vols de cette nature. Cela m'avait, je dois le dire, impressionné. J'y avais pris goût.

M. MICHEL DRUCKER – Vous avez dû apponter également sur un porte-avions ?

LE PRESIDENT – Absolument, mais on ne m'a pas autorisé à décoller. Mais on m'a quand même rapatrié ...

M. MICHEL DRUCKER – Dans quelques minutes, au cours de l'émission, je vais recevoir notre ministre de la Défense, Michèle ALLIOT-MARIE qui a volé l'année dernière avec la Patrouille de France.

LE PRESIDENT – Oui, tout à fait. Ce que je n'ai jamais fait.

M. MICHEL DRUCKER – C'est la première femme ministre qui volait à bord d'un Alphajet.

LE PRESIDENT – Je dois dire qu'elle a été la première femme ministre de la Défense.

LE PRESIDENT – M. DRUCKER, permettez-moi en terminant simplement de dire aux Françaises et aux Français qu'ils peuvent être fiers de leur armée en général, de leur armée de l'air en particulier, puisque c'est aujourd'hui son jour, en quelque sorte, dans la mesure où s'exprime l'une de ses émanations les plus prestigieuses, et qu'ils peuvent être fiers de leur Patrouille de France.

M. MICHEL DRUCKER – Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Président. Je vous remets ces photos de la part des aviateurs.

LE PRESIDENT – Merci, beaucoup.