Éléments d'intervention de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, sur la sécurité internationale.

DOCUMENT DE TRAVAIL

G8 de Saint Pétersbourg - 2eme séance plénière - dimanche 16 juillet, 16h.


Les évènements graves que nous traversons à Gaza ainsi qu'au Liban, l'attitude de l'Iran, mais aussi la tension en Asie du Nord Est nous amène à poser les termes de notre réflexion en matière de sécurité internationale.


1/ Travailler à la sécurité du monde, c'est d'abord prendre la mesure des menaces.

Elles sont multiples. Terrorisme, prolifération, crime organisé, conflits régionaux ont une dimension mondiale. Mais le monde souffre aussi de l'injustice -la famine et les grandes endémies ravagent des continents entiers- et de la dilapidation du patrimoine naturel, comme l'atteste le changement climatique, annonciateur de drames majeurs. Ces données sont interdépendantes. Leurs effets se propagent comme une réaction en chaîne.


2/ De nouvelles attentes s'expriment.

D'abord, l'exigence de justice, indissociable de la sécurité. L'absence de règlement du conflit israélo-palestinien est à la base d'une profonde frustration que le terrorisme exploite.

Ensuite, le besoin de respect et de dialogue : dans un univers qui se globalise, les hommes attachent un prix nouveau à leur identité et à leur culture. Nous devons promouvoir nos valeurs universelles -démocratie, droits de l'homme. Mais la réforme ne se décrète pas de l'extérieur, sans consulter les peuples ni prendre en compte leurs spécificités.


3/ Le statu quo n'est désormais plus possible.

Nous devons bâtir un monde où chacun trouve sa place et assume ses responsabilités pour la sécurité de tous. Cela passe par la réaffirmation de nos valeurs communes. Nous devons impérativement nous conformer à cet ordre fondé sur des règles applicables par tous qu'incarnent la Charte de San Francisco et le système des Nations Unies.


4/ Il en résulte une méthode de gestion des crises, autour de 4 principes :

En premier lieu, privilégier l'action collective et la cohésion de la communauté internationale. Aucun Etat n'est en mesure de relever seul le défi de la sécurité mondiale. Aucune action unilatérale n'est plus perçue comme légitime. Seule la communauté internationale unie peut espérer être efficace. C'est toute la force de la démarche d'unité du P5+1 et des pays émergents que nous avons adoptée pour traiter de la question iranienne.

Deuxièmement, tirer parti de l'organisation du monde en grandes entités, pays ou groupes de pays, et articuler soigneusement les interventions mondiales et régionales.

De nouveaux acteurs émergent, de grands pôles de paix et de prospérité se constituent, une dynamique de coopération régionale s'affirme. Que ce soit en Afrique, avec le conseil de paix et de sécurité ou avec la création de forces africaines de maintien de la paix, en Asie ou en Amérique Latine, je pense à Haïti, les pays de la région se mobilisent pour préserver ensemble la stabilité régionale.

En même temps, la communauté internationale tout entière doit venir en appui. Soit, comme en Corée du Nord ou en Iran, parce que la menace est globale. Le Premier ministre KOIZUMI et le Président BUSH vont nous parler de ces questions de prolifération. Soit, comme au Darfour ou en République démocratique du Congo, parce que la région à elle seule ne peut assumer le poids entier du règlement des crises. Il faut alors affirmer l'autorité du Conseil de sécurité, dont l'autorité sera renforcée par un élargissement rapide.

En troisième lieu, associer sécurité et justice.

Sans développement, jamais la mondialisation n'apparaîtra pleinement légitime : c'est pourquoi nous devons mettre en place de nouveaux instruments financiers.

Sans règlement des crises régionales qui menacent de faire tache d'huile, il n'y aura pas de sécurité collective. Nous en avons aujourd'hui la démonstration au Proche-Orient.

Enfin, dissiper le sentiment que les identités sont ignorées. Je m'inquiète de l'accumulation d'indices qui témoignent d'un fossé de plus en plus grand avec le monde arabo-musulman. Le dialogue des cultures, c'est une réflexion politique globale, que nous devons mener aussi à notre niveau, sans nous voiler la face ni nous abriter derrière des généralités. Nous avions commencé à le faire au Sommet d'Okinawa. Ce pourrait être, pour la présidence allemande, une piste à explorer.

5/ Il me parait essentiel que nous puissions réfléchir à ces données, et voir comment relancer l'action diplomatique au Proche-Orient. A cet égard, les priorités que nous devons poursuivre sont les suivantes :

Dans un premier temps, soutenir la mission des Nations Unies, dont les objectifs doivent être la libération immédiate des soldats israéliens, la facilitation d'un cessez-le-feu et l'établissement d'un dispositif de surveillance en accord avec les parties concernées sur les frontières. L'Union européenne doit y apporter son soutien.

Il apparaît nécessaire également de déterminer où sont les responsabilités. On ne peut imaginer que le Hamas et le Hezbollah aient agi sans le soutien de pays de la région qui ont intérêt à sa déstabilisation. C'est pourquoi la mission de l'ONU, après avoir recueilli l'avis et le soutien des capitales visitées, doit finir par Damas.

Dans un deuxième temps, il est plus nécessaire que jamais de relancer les négociations entre Israël et les Palestiniens car les populations aspirent à la paix. C'est le travail du Quartet. Il faut que nous mettions toute notre énergie pour recréer une nouvelle dynamique. Vu la gravité, il est absolument nécessaire que le G8 adopte une déclaration sur le Proche-Orient.