INTERVENTION RADIOTELEVISEE, DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, SUR L'EVOLUTION DE LA SITUATION AU KOSOVO


PALAIS DE L'ELYSEE, JEUDI 27 MAI 1999

Mes Chers Compatriotes,

Aujourd'hui, le procureur du Tribunal pénal international pour la Yougoslavie a inculpé Milosevic et quatre autres dirigeants de Belgrade pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Cette décision confirme la légitimité de notre combat qui a pour but, comme vous le savez, de mettre un terme à une scandaleuse politique de purification ethnique.

Depuis des semaines des milliers de témoignages ont attesté, chaque jour, les atrocités commises par les forces armées et les milices de Belgrade. Ils ont confirmé les persécutions, les tortures, les viols, la déportation en masse d'enfants, de femmes et d'hommes, au seul motif de leur race ou de leur religion.

La décision d'inculpation prise aujourd'hui par le Tribunal pénal international est un événement majeur. Créé par les Nations Unies, au nom de la communauté internationale tout entière, ce tribunal pleinement indépendant a, pour la première fois, lancé une procédure judiciaire contre un chef d'Etat en exercice. C'est un grand progrès du Droit. C'est un grand progrès de la conscience universelle. Désormais, aucun dirigeant menant une politique criminelle ne pourra plus prétendre à l'impunité.

Le Tribunal conduira le procès selon des procédures incontestables. La France, comme les autres démocraties, continuera d'apporter tout son concours à cette juridiction internationale.

Ce développement majeur, et qui était prévisible, ne change rien à notre stratégie qui vise à obtenir l'acceptation par Belgrade de toutes les conditions fixées par la communauté internationale. Nous voulons, je le rappelle, permettre à tous les Kosovars de retourner chez eux pour y vivre en paix, en sécurité, en liberté, sous la protection d'une force internationale crédible et efficace.

Que Belgrade accepte ces conditions et commence à retirer ses forces, et une dynamique de paix pourra s'enclencher. Je redis qu'il ne s'agit pas de négocier avec Milosevic, mais de faire accepter par la Yougoslavie un plan de paix qui est juste et équilibré.

A cette fin, notre stratégie se poursuit et elle progresse sur deux fronts :

- sur le plan militaire, la pression devient peu à peu insupportable pour l'appareil de répression serbe. Chaque jour qui passe le paralyse et le défait davantage. Les opposants, naguère silencieux, dénoncent la politique de Milosevic et l'impasse dans laquelle il a conduit son pays.

- sur le plan diplomatique, j'ai retiré de mes entretiens à Moscou la conviction que la Russie veut vraiment aboutir avec nous à un règlement politique qui, je le répète, ne peut pas être élaboré sans elle.

On le voit : d'incontestables progrès vers une solution ont été enregistrés ces derniers temps. Une solution qui devra être conforme à nos vues : c'est-à-dire décidée par le Conseil de sécurité de l'ONU et confiant à l'Union européenne les responsabilités qu'elle doit assumer pour établir une paix durable dans cette région d'Europe que sont les Balkans.

Mes Chers Compatriotes,

Aujourd'hui, Milosevic est plus isolé que jamais. Son action a révolté les démocraties du monde entier. Elle est désormais dénoncée par la justice internationale, comme elle le fut par l'ONU. Il ne dispose d'aucun soutien dans le monde. Je souhaite que le peuple serbe, que les autres responsables yougoslaves, réalisent pleinement l'impasse dans laquelle la folie d'un homme les a conduits.

Mes Chers Compatriotes,

Ce combat de la France est celui du droit, de la justice et de la morale. Nous le menons en pensant aux générations à venir. Nous leur devons une Europe forte et en paix, tout entière rassemblée autour des valeurs essentielles de la démocratie et des Droits de l'homme. C'est pour cette Europe-là que nous nous battons aujourd'hui.