Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République francaise, et de Mme Michelle BACHELET, Présidente de la République du Chili.

Palais de la Moneda - Santiago Chili- vendredi 26 mai 2006


MICHELLE BACHELET – Cher Président et ami, Monsieur Jacques CHIRAC, chers amis, permettez-moi, avant tout, d'exprimer mon immense joie d'avoir la présence du Président CHIRAC et de sa délégation, ici au Chili, et leur souhaiter la bienvenue.

Monsieur le Président le disait, tous les Chiliens qu'il a rencontrés le saluaient très chaleureusement et il a pu constater à quel point la France était aimée.

Cela fait plusieurs années que le Président français ne faisait pas une visite d'Etat au Chili. Président CHIRAC, vous êtes chez vous ! Les Chiliens et les Chiliennes ressentent un véritable amour pour la France et c'est avec honneur que nous vous avons accueillis. Et c'est avec enthousiasme que nous vous voyons marcher dans la rue, saluer nos gens. Nous voyons, par vos yeux, que le Chili progresse dans la liberté, la démocratie et l'égalité. Je souhaitais également exprimer ma gratitude confiante et ma satisfaction pour la très bonne réunion de travail que nous avons eue.

Voilà quelques semaines, nous nous sommes réunis avec le Président CHIRAC, à Vienne, lors du sommet Union européenne-Amérique latine, et nous avons repris cette conversation que nous avons initiée alors. Nous avons approfondi les relations économiques, politiques, excellentes à tous les niveaux, que ce soit bilatéral, régional ou multilatéral.

Le Chili et la France ont un dialogue ouvert et constructif, en accord avec les défis du monde d'aujourd'hui et qui s'appuie sur une communauté de valeurs, de principes démocratiques et éthiques. Nous partageons, sans aucun doute, le besoin de renforcer le multilatéralisme et nos deux pays souhaitent renforcer les Nations-Unies pour qu'elles soient le reflet du monde actuel, et non pas le reflet du monde de la deuxième guerre mondiale.

Nous souhaitons participer, selon nos possibilités, à une mondialisation qui facilite le développement des moins favorisés et qui soient gouvernable par le dialogue politique. C'est pour cela que nous avons la même volonté de renforcer les initiatives telles que celles qui nous rassemblent dans le groupe des six, l'initiative contre la faim et la pauvreté. Cette initiative avance. Nous avons déjà obtenu des résultats concrets et importants en peu de temps, et à l'avenir, nous souhaitons que d'autres pays le fassent.

La question du commerce international a été également abordée. Le Chili est inquiet du manque d'avancées des négociations du cycle de DOHA ; l'Europe a donné des signaux positifs tout à fait récemment, mais nous avons besoin de davantage de volonté politique pour que les avancées que nous attendons tous se produisent.

Nous avons également repris la conversation et l'échange de points de vues sur la situation en Europe et en Amérique latine. Nous sommes d'accord sur le besoin de renforcer les processus d'intégration qui actuellement ont lieu dans la région. Je souhaitais également indiquer que, malgré, la complexité que prenait ce processus d'intégration, qu'avec le Président CHIRAC nous avons une vision commune. Malgré toutes les difficultés, y compris celles que connaissent certaines démocraties de la région, que Monsieur le Président a pu constater, il faut se féliciter des avancées de la région dans son ensemble.

Monsieur le Président a parlé également de l'avance, et je le cite « irrésistible » sur la voie de la démocratisation.

Je partage tout à fait ses propos, parce que je crois que ce qui arrive à la présidence en Bolivie est quelque chose d'important. Une avancée importante, et qu'une femme accède à la présidence au Chili est également une avancée importante. Pourtant, cette nouvelle situation nous impose de nouvelles responsabilités. C'est pour cela qu'au cours des dernières semaines, j'ai insisté sur le besoin de respecter des différences légitimes, d'éviter les polarisations, d'insister sur les avancées en matière d'intégration, et de rechercher des points de convergences pour faire avancer notre diversité à travers de nouveaux projets, de nouvelles initiatives de concertation politique, et d'intégration.

C'est à cela que nous travaillons avec Monsieur le Président et je suis certaine que nous obtiendrons des résultats positifs. C'est pour cela que je suis ravie de la visite du Président CHIRAC qui, en plus, d'une manière fort claire, a voulu poursuivre le processus bi-régional entre l'Europe, l'Amérique latine et les Caraïbes et on est au-delà des simples formats des Sommets. Nous savons que c'est un processus lent, mais qui est fort important, aussi bien du point de vue politique que du point de vue économique. Et il continue d'avancer. D'abord l'accord avec le Mexique, le lancement des négociations avec le MERCOSUR. Puis nous avons lancé les négociations d'un nouvel accord Union européenne-Amérique centrale et avec la communauté andine également. Donc, nous nous rejoignons pour dire que dans cette nouvelle étape, il est important d'insister tout particulièrement sur la gouvernabilité l'intégration sociale en Amérique latine, ce que l'on appelle en Europe, la cohésion sociale.

Nous avons également décidé de rechercher de nouvelles formes d'aide pour le peuple d'Haïti, pour qu'il puisse sortir de ce mauvais pas après cette fin historique qu'il vient de connaître. Sur tous ces chemins, la France et le Chili travaillent ensemble, avancent ensemble. Lors du Sommet Union européenne Amérique latine, les gouvernements espagnol et chilien ont proposé de former un groupe avec l'Union européenne, l'OEA, l'union de l'Amérique latine. Le Président CHIRAC était le premier à nous soutenir. Il l'a fait sans hésiter et immédiatement, et c'est pour cela que je souhaitais remercier le Président publiquement pour ce geste très noble qu'il a eu lors du Sommet.

Nous avons également aujourd'hui réaffirmé notre volonté d'intensifier notre coopération bilatérale dans les domaines de la santé, de l'éducation, la science, la technologie, l'innovation technologique et la culture.

Je souhaite insister tout particulièrement sur le domaine de la santé, où nous avons exploré la possibilité de développer des programmes de coopération conjointe avec d'autres pays de la région. A l'occasion de la visite du Président CHIRAC, nous avons signé six accords de coopération, parmi lesquels : la promotion de l'innovation technologique, la formation technique pour les ouvriers supérieurs et la formation continue, la formation initiale et continue de professeurs et le renforcement de programmes d'assistants linguistiques. Le rétablissement, la préservation, la protection des diffusions du patrimoine audiovisuel chilien, ainsi que la formation de professionnels du secteur audiovisuel. La formation et la recherche et l'échange de connaissances dans des domaines comme la médecine transfusionnelle, l'accréditation et le contrôle de la qualité des institutions, les pratiques professionnelles et les professionnels de la santé. La formation continue de médecins spécialistes et de cadres des hôpitaux de France et du Chili. La création d'un laboratoire en matière de sismologie qui implique le ministère de l'éducation en France et l'Université chilienne.

Ma question, était, pourquoi l'éducation ?

Non pas que l'éducation se spécialise en tremblements de terre, mais simplement parce qu'en France le ministère de l'Education est le cadre où l'on retrouve tout ce qui est lié à la recherche. De toute manière, c'est utile, quoi qu'il en soit.

Comme vous pouvez le voir, les sujets qui répondent aux besoins de nos citoyens en matière d'éducation et de santé, sont larges, mais il y a aussi d'autres thèmes comme par exemple le patrimoine, la recherche scientifique qui est une priorité pour notre pays.

Nous avons abordé la relance de nos relations économiques et commerciales qui ont été favorisées par l'accord avec l'Union européenne dans lequel la France, et en particulier le Président CHIRAC, ont joué un rôle si favorable. Les relations entre la France et le Chili ont augmenté depuis et se sont diversifiées. Pourtant, il est nécessaire de renouveler nos efforts pour augmenter le volume de ces échanges dans les deux pays, et de promouvoir des investissements conjoints que nous considérons prioritaires, et également pour faciliter la création d'incubateurs en insistant tout particulièrement sur les petites et moyennes entreprises.

L'entrée en vigueur, toute prochaine, de l'accord de suppression de la double imposition entre la France et le Chili nous permettra de développer encore davantage les investissements dans nos pays respectifs.

Monsieur le Président, chers amis, voilà près de deux cent ans que les pères de notre patrie se sont inspirés du Siècle de Lumière et de la Révolution française pour lancer l'émancipation de notre territoire. La France a marqué nos institutions, notre politique, notre éducation, notre culture, et aujourd'hui, la France et le Chili sont des partenaires privilégiés dans un monde complexe, rempli de défis, mais nous avons des défis communs à relever.

Nous avons parlé avec Monsieur le Président, nous avons vu ensemble que bon nombre de transformations que souhaite apporter le Chili, qui sont également des points de réussite de la France d'aujourd'hui. Comme je le

disais, les idéaux qui nous rassemblaient par le passé sont encore en vigueur aujourd'hui pour les deux pays. Des idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité continuent de nous rassembler avec la même force qu'auparavant.

Vive la France et vive le Chili. Merci beaucoup, Monsieur le Président.

LE PRESIDENT – Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, d'abord un mot pour dire à la fois ma joie et mon émotion d'être aujourd'hui parmi vous. Vous savez l'amitié ancienne, le respect, l'estime que nous portons au Chili. Des sentiments qui ont été, je dirais, confirmés encore, avec votre brillante élection à la présidence de la République chilienne. Je voudrais vous remercier chaleureusement pour votre accueil et vous dire combien je suis fier d'être le premier Chef d'Etat en visite d'Etat officielle sous votre présidence, et donc à vos côtés. Donc, merci pour cet accueil, des remerciements que je vous demande de bien vouloir partager avec l'ensemble des membres de votre gouvernement et leurs collaborateurs.

Le Chili nous donne l'exemple d'une restauration démocratique réussie, d'une gestion économique performante et d'un engagement pour une société internationale à laquelle nous croyons également, c'est-à-dire une société mieux régulée et plus juste. Depuis 1990, la trajectoire du Chili a été à tous égards exemplaire, et nous n'avons pu qu'observer avec, je l'ai dit tout à l'heure, estime, respect, amitié, cette trajectoire.

Naturellement, le Chili, comme tous les pays du monde, doit faire face à un certain nombre de problèmes sociaux. Je disais tout à l'heure à la Présidente que j'avais écouté avec beaucoup d'attention, traduit naturellement en français, son discours prononcé le 21 mai dernier à Valparaiso. Un discours où Madame BACHELET définissait les quatre principales priorités de son action. A savoir, un système de retraite humain et adapté, un système d'éducation amélioré et de qualité pour l'ensemble des jeunes Chiliens, et notamment des enfants, un système d'innovation intégrant dans les perspectives économiques, cet aspect essentiel pour demain de toute économie, c'est-à-dire l'innovation. Enfin, le problème de la qualité de la vie pour tous les Chiliens et notamment, le problème récurant dans toutes nos démocraties et dans tous les pays, c'est-à-dire celui du logement, et en particulier du logement social, dans un contexte simple, que la Présidente définit comme celui d'une « démocratie inclusive », que nous appellerions, nous, la cohésion sociale, mais cela revient au même.

C'est une ambition qui est, en réalité, adaptée à la situation du Chili et la même que celle que nous connaissons dans toutes nos grandes démocraties. Nous avons tous à faire face à des problèmes qui sont ceux des retraites et de leur adaptation, qui sont ceux de l'éducation, de l'innovation, du logement social. Nous avons tous les mêmes problèmes. J'ai été très très intéressé par cette affirmation claire de Madame BACHELET dans ce discours historique, prononcé il y a quelques jours devant le Congrès, devant les Chambres des Députés et du Sénat du Chili.

Aujourd'hui, le Chili a retrouvé toute sa place sur le plan régional et sur le plan international. Une place tout à fait éminente et que personne ne conteste. Une place où le Chili a un rôle extrêmement actif et un rôle dont l'Europe tient le plus grand compte. Je n'oublie pas que le Chili a passé avec l'Europe un accord Union européenne-Chili, qui est un modèle du genre et qui n'a pas d'équivalent dans tous les accords qui ont été passés entre l'Union européenne et le Chili.

Nous partageons les mêmes valeurs. Nous pensons que les relations internationales ne peuvent se limiter à des rapports de force où aux seules règles du marché. Que tout ceci doit être en permanence humanisé. C'est

pourquoi nous voulons promouvoir le multilatéralisme auquel nous sommes les uns et les autres profondément attachés et œuvrer pour une mondialisation qui soit mieux maîtrisée.

J'ai exprimé notre reconnaissance au Chili dont le rôle a été actif à l'UNESCO pour la définition et l'adoption de la résolution sur la diversité culturelle à laquelle, vous le savez, la France était profondément attachée. Mais aussi pour cette grande réforme que Madame BACHELET porte aujourd'hui avec beaucoup de dynamisme et qui a été celle de la mise en œuvre de programmes innovants pour le financement de l'aide au développement.

A cet égard, la Présidente me permettra de mentionner le rôle qui a été celui de Monsieur Ricardo LAGOS, son prédécesseur, lorsqu'avec LULA, tous les trois, nous avons, il y a de cela deux ans, à Genève, décidé de lancer cette affaire de financements innovants, en partant du principe que nous n'atteindrions jamais les exigences du millénium ou tout simplement celles d'un équilibre social suffisant dans le monde si nous n'augmentions pas très sensiblement les moyens de l'aide au développement. Et que ceci ne pouvait pas se faire et n'avait aucune chance de se faire à partir des seules ressources des pays contributeurs et, que par conséquent, il fallait un système de taxation internationale dont nous avons donné l'exemple avec la contribution pour la lutte contre les pandémies, du sida, de la malaria, de la tuberculose, en taxant les billets d'avion. Nous avons été, le Chili et la France, suivi d'ailleurs par le Brésil, les tous premiers à lancer cette initiative qui va l'être dans quelques jours par nos trois ministres des Affaires étrangères, brésilien, chilien et français, à New York, à l'ONU, le 2 juin prochain.

Au niveau régional, le Chili, qui entretient d'excellentes relations avec l'Europe et avec les Etats-Unis, peut jouer un rôle tout à fait essentiel, notamment un

rôle de modération, de stabilité, de renforcement, de la démocratie. Et nous sommes évidemment très sensibles à cette responsabilité propre du Chili dans ce domaine.

L'engagement chilien à Haïti est quelque chose à quoi nous sommes très sensibles. Ce malheureux pays victime d'une série de catastrophes politiques successives et qui, enfin, semble, peut-être, sur le point de retrouver une vie où un souffle de vie grâce à l'élection du Président PREVAL que j'aurai d'ailleurs le privilège de recevoir prochainement à Paris, a besoin d'une aide considérable. Une aide que le Chili ne lui ménage pas avec plus de six cents participants aux opérations de maintien de l'ordre à Haïti aux côtés de nos amis brésiliens, à nos côtés également et qui doit continuer à recevoir l'aide, à la fois, pour le rétablissement de la stabilité et de la paix, mais aussi pour le développement économique et le début d'une préoccupation sociale, l'aide de la communauté internationale. Je me réjouis que le Chili et la France soient exactement dans ce domaine sur la même ligne de préoccupation et d'ambitions.

Je voudrais également dire que nous partageons le même sentiment sur la nécessité d'avoir des relations amicales et confiantes avec tous les pays démocratiques ou représentés démocratiquement de l'Amérique latine. Nous n'avons pas à porter de jugement sur la situation intérieure de tel ou tel pays, à partir du moment où la démocratie a été respectée et l'élection assurée. En revanche, nous avons tout intérêt, et c'est légitime, à apporter une coopération à l'ensemble, à chacun de ces pays. Et nous avons décidé de le faire, en particulier parce que nous y avions les moyens investis sur place déjà, intellectuels et matériels avec la Bolivie.

La relation entre la France et le Chili, par ailleurs, qui était évidemment au centre de nos préoccupations est une relation tout à fait excellente. La France est au sein de l'Union européenne le deuxième partenaire du Chili et je constate que nos exportations, nos échanges plus exactement, nos échanges réciproques sont en constante amélioration puisque l'année dernière, ils ont encore augmenté de 15%. Il y a cent trente entreprises françaises qui sont présentes ici. Et les chefs d'entreprises qui ont bien voulu m'accompagner à l'occasion de ce voyage au Chili en témoigneront à l'occasion de nos réunions ou travail de demain.

Nous avons également évoqué le lancement de nouveaux programmes destinés à susciter des partenariats entre jeunes entreprises innovantes et aussi des partenariats entre nos différentes régions du Chili et de France. Dans le domaine militaire, nous souhaitons continuer à progresser ensemble et à avoir une collaboration industrielle qui ne soit pas seulement limitée à des achats de matériels.

La France entretient avec le Chili une très riche coopération scientifique et universitaire. Vous en avez encore eu le témoignage tout à l'heure. Je me permets de souligner la création de l'Institut d'Etudes de Sismologie qui est une réalisation tout à fait exceptionnelle franco chilienne et du plus haut niveau d'intelligence et de technique. Nous avons décidé de développer des partenariats d'excellence entre nos universités, entre nos centres De recherche, et avec, en particulier, l'établissement de double diplômes.

Nous allons aussi intensifier, cela va de soi, dans des domaines qui préoccupent particulièrement la Présidente, nos relations en matière d'éducation et notre coopération en matière de santé.

C'est dire qu'en réalité, les relations entre la France et le Chili sont ce qu'elles doivent être, c'est-à-dire des relations de confiance, d'estime et d'amitié.

QUESTION – Monsieur le Président, Madame la Présidente, est-ce que les femmes incarnent une autre façon de faire la politique ? Ma question est adressée à tous les deux.

MICHELLE BACHELET – J'en ai parlé notamment dans mon discours. L'important, pour moi, dans un gouvernement et dans mon mandat et les quatre années à venir, ce n'est pas seulement ce que nous allons faire. II n'y a aucun doute que les quatre domaines de développement sont quelque chose de très important. C'est vrai. Mais je me suis toujours dit qu'il est essentiel de voir comment nous faisons les choses. Comment nous ne faisons face à ce défi et comment nous résolvons les problèmes.

C'est pour cela que j'ai insisté très fortement pour dire que le style de gouvernement est à, mes yeux, aussi important que ce que nous faisons concrètement, un style proche, direct, humain. Un style où les autorités conviennent qu'on peut avoir des gens lotis ou moins bien lotis, des gens avec plus ou moins de problèmes. Mais personne ne peut être plus ou moins digne. Le respect de la dignité de chacun de nos concitoyens est quelque chose de fondamental. De la même manière, il est fondamental d'approfondir notre démocratie, développer une plus grande participation sociale et sans aucun doute, l'écoute est importante. L'écoute de tous ceux qui ont des propositions. Cela a été un pas essentiel de mon programme depuis le début. Egalement, le dialogue social est quelque chose d'essentiel pour résoudre le problème.

Le concept de la cohésion également, cohésion qui signifie que nous prenons en charge tout type d'inégalité, une inégalité économique, une inégalité de genre, une inégalité régionale, etc.. Si ce style est quelque chose de propre aux femmes ou pas, je dirais qu'il ne peut être exclusif, toutes les femmes sont comme cela, et tous les hommes ne le sont pas.

Donc, moi je dirais que les femmes ont toujours été différentes des hommes, cela, c'est vrai, en particulier, la société comme celle du Chili où les femmes travaillent, et en plus s'occupent de leur foyer. Elles ont une perspective différente, quelque chose de complémentaire à celle des hommes. Cette complémentarité entre hommes et femmes, dans notre pays, va nous permettre de faire du Chili un pays meilleur.

Alors bien sûr, il y a certains sujets qui sont particulièrement importants pour ce mandat présidentiel qui sont liés au fait que je sois une femme, une pédiatre, mère. Par exemple, comment nous luttons contre les inégalités depuis le berceau. C'est pour cela que j'ai voulu donner toute la force à l'éducation, depuis la maternelle. Dire également que la question des femmes est quelque chose d'important, cela veut dire que nous allons faire de cette société une société plus démocratique, en donnant les mêmes opportunités à tous.

C'est vrai, si les femmes peuvent apporter quelque chose de plus, nous le ferons. C'est pour cela que je crois que les hommes et les femmes de notre pays devront travailler ensemble pour faire avancer le Chili.

LE PRESIDENT – Je crois que la question posée ne pouvait pas être plus juste et plus justement posée ici, au Chili, au lendemain de l'élection d'une femme à la présidence de l'Etat.

Alors on peut, effectivement, vous l'avez dit chère Madame, s'interroger. Ce qui est sûr, c'est que les femmes apportent, en règle générale, dans la gestion politique depuis les maires, jusqu'aux parlementaires, une sensibilité qu'à évoquée à très juste titre Madame BACHELET, et qui est indiscutable. Or, il se trouve que la population est à moitié féminine, à moitié masculine et qu'on ne peut indéfiniment gouverner ou être représenté uniquement par une moitié de la population. Donc, il y a en toute hypothèse une logique des choses.

Elle a été parfaitement décrite par Madame BACHELET. Même si on ne peut pas catégoriser indéfiniment les choses ou les gens, il y a des gens qui ont des sensibilités différentes dans tous les domaines. Ce qui est important, plus on monte dans la représentation et dans l'exercice de la démocratie, c'est surtout la conception, l'idée que l'on se fait de la société, la conviction politique dont on est porteur. C'est cela qui est essentiel. Le choix ne peut pas se limiter à un choix de sexe. C'est d'abord et avant tout un choix politique, c'est-à-dire un choix pour une certaine option de la société.

Ceci étant, je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit la Présidente, à quoi je souscris sans réserve. Je voudrais simplement, en revanche, rendre hommage à une initiative tout à fait significative qu'elle a prise dès qu'elle est arrivée à la tête de l'Etat, c'est d'établir la parité, notamment dans le gouvernement. C'est tout de même un progrès extrêmement important, sur le plan d'une approche démocratique de notre société.

QUESTION - Bonjour à vous deux. Madame la Présidente pardonnez-moi de vous poser une question d'ordre national. Mais je dois dire qu'au nom de la presse chilienne, c'est quelque chose qui nous inquiète et que nous ne saurions éviter. Nous avons essayé de poser la question au cours des deux derniers jours et donc nous allons profiter de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui. Et puis Monsieur CHIRAC connaît bien les questions étudiantes, 1968 notamment, alors peut-être a-t-il une réponse à donner à notre Ministre de l'Education qui est ici.

Madame la Présidente, les étudiants ont dit que le gouvernement n'avait pas à négocier sous la pression et pourtant on va le faire. La semaine prochaine, il y aura une manifestation à laquelle s'uniront les étudiants de l'Université. Ma question est la suivante, est-ce que cette affaire a échappé des mains du gouvernement et est-ce que vous soutenez votre Ministre de l'Education ?

MICHELLE BACHELET – Il y a cinq questions en une. Mais on va essayer d'y répondre. La question c'est non, on n'a pas forcé la main au gouvernement, je l'ai dit, je le répète. Je l'ai dit tout au long de ma candidature et depuis le temps que je gouverne. Nous croyons en le dialogue et nous croyons qu'il faut écouter. Ce que nous avons dit, c'est qu'en démocratie, les gens doivent pouvoir manifester et protester pacifiquement.

Dans la mesure où le vandalisme et les violences auront disparu, nous sommes disposés à nous asseoir et à parler. Et puis je dois dire que nous avons un agenda non exclusif. C'est-à-dire que justement les demandes de ces jeunes qui manifestent s'orientent autour de quelque chose qui est la préoccupation centrale de notre gouvernement, à savoir le thème de l'éducation et de la réforme de la qualité de l'éducation. Nous, gouvernement démocratique, avons avancé dans le domaine de la couverture de cette éducation et dans le domaine de l'infrastructure éducative et puis dans le domaine de l'amélioration, au sens large, de la qualité de l'éducation.

Pourtant, nous l'avons toujours dit, notre grand défi est celui de donner un immense pas en avant pour pouvoir s'appuyer sur une éducation égalitaire, une éducation qui donne des qualifications aux gens pour qu'ils puissent vivre le mieux possible et pouvoir également profiter des opportunités qui s'ouvrent à nous au niveau mondial, le traité de libre échange, les investissements, etc..

Donc, il n'y a aucune contradiction ici. Ce qu'il y a, c'est que nous avons décidé de nous asseoir, de dialoguer, d'écouter. Sur certains points nous serons d'accords, sur d'autres non. Cela, on le verra bien au moment où le Ministère de l'Education dialoguera. Ils vont converser. Les étudiants exprimeront leur opinion. C'est très bon que ces jeunes aient une opinion. Il y a quelques années, on disait que les jeunes s'intéressaient peu à l'avenir de la société chilienne etc., eh bien, là on voit que non, qu'ils ont une opinion sur les questions d'éducation, question qui, par ailleurs, nous préoccupe, nous intéresse profondément. Cet exemple, nous l'avons déjà vu. C'est un sujet sur lequel nous sommes bien décidés à travailler au cours des quatre prochaines années.

Alors, je ne sais pas si on arrivera à trouver une solution et à régler tous les problèmes en quatre ans, mais je pense que l'essentiel, c'est d'arriver à trouver des solutions sur le sujet essentiel qui est celui de la qualité de l'éducation.

Donc, lundi nous allons reprendre le dialogue et nous espérons que ce dialogue aboutisse à des réponses concrètes qui nous permettent d'améliorer la qualité de notre éducation.

QUESTION – Madame la Présidente, c'est une question typiquement franco-française. Monsieur le Président, l'amnistie que vous avez souhaitée pour Guy DRUT provoque beaucoup de remous en France. Et à gauche, comme à droite, certains parlent de fait du prince, voire de république bananière. Que pouvez-vous nous dire aujourd'hui à ce propos ?

LE PRESIDENT – Je ne suis pas sûr que cette affaire soit tout à fait au cœur des préoccupations qui ont été les nôtres, la Présidente et moi. Donc, je vais lui demander si elle ne voit pas d'inconvénient à ce que je fasse une entorse à la règle, c'est-à-dire que je réponde à la question qui m'est posée par la journaliste française, même si cela n'a aucun rapport avec ce que nous avons évoqué.

Après un examen approfondi du dossier par les services de la Chancellerie, le Garde des Sceaux m'a proposé d'amnistier Guy DRUT. Et je l'ai accepté en application de la loi, purement et simplement, qui le prévoit en faveur des personnes qui se sont particulièrement distinguées dans les domaines culturel, humanitaire, sportif, scientifique ou économique. On ne peut pas contester que ce soit le cas de Monsieur Guy DRUT. Donc, c'était parfaitement légitime.

Mais ce l'était également pour garantir l'influence de la France au sein du Comité International Olympique. La France, vous le savez peut-être, a aujourd'hui trois membres, trois, au sein du Comité International Olympique sur cent quatorze membres. Il y a Jean-Claude KILLY, il y a Guy DRUT et il y a Henri SERANDOUR. J'ai pris cette décision parce que j'ai estimé qu'elle était absolument nécessaire pour défendre les intérêts de la France au sein du Comité International Olympique. Et nous avons pu avoir encore récemment, lorsqu'il y a eu le choix de Londres contre la candidature de Paris pour les prochains Jeux olympiques, à quel point il était essentiel d'être présent et défendu au sein du Comité Olympique International. Priver la France d'un siège, et notamment d'une compétence absolument reconnue qui était celle de Guy DRUT, aurait été irresponsable, alors que la loi prévoyait précisément ce cas.

Voilà ce que j'ai à vous dire, en m'excusant auprès de Madame BACHELET de cette incursion des problèmes franco-français au sein de notre point de presse.

QUESTION – Bonjour Madame la Présidente, bonjour Monsieur le Président. Ma question porte sur le concept de démocratisation en Amérique latine, concept que d'aucuns considèrent comme un enrichissement pour la région. Alors ma question pour le Président CHIRAC est de savoir si l'Europe et son pays en particulier voit avec une certaine inquiétude ce qui survient dans le continent, en particulier ce qui arrive en Bolivie, l'Assemblée constituante qui prétend refondre la paix.

Et puis, pour Madame la Présidente, est-ce que vous seriez disposée à assumer les coûts internationaux, en terme d'images, qu'impliquerait le fait d'aller à La Paz étant donné les invitations répétées que vous a adressées Monsieur le Président MORALES pour vous rendre dans la capitale bolivienne ?

LE PRESIDENT – Cher Monsieur, je voudrais tout d'abord observer qu'il y a incontestablement en Amérique latine un fort mouvement qui s'approfondit en faveur de la démocratie et qui se traduit notamment par le fait que les présidents sont maintenant élus au suffrage universel. On ne peut pas contester que ce soit là un progrès indiscutable. Alors on ne peut pas, à la fois vouloir le suffrage universel et ensuite contester la décision du suffrage universel, pour telle ou telle raison.

Alors moi, première observation, c'est que je n'ai aucune réflexion à faire sur les personnalités qui sont aujourd'hui investies des pouvoirs dans les différents pays de l'Amérique latine. Je me réjouis simplement qu'elles soient issues d'élections libres et non contestées.

A partir de là, vous avez cité un cas particulier qui est celui de la Bolivie. Moi j'ai eu l'occasion de rencontrer deux fois Monsieur MORALES, une fois à Paris et une autre fois à Vienne. Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié ce qu'il m'a dit. Que je l'ai écouté avec beaucoup d'attention. Et que je l'ai observé avec un certain respect. Tout simplement, parce que j'avais le sentiment d'avoir devant moi un homme qui a rendu son honneur à un peuple meurtri pendant des siècles et des siècles. Et donc, je vous dis tout de suite que si je suis invité à aller à La Paz, j'irai sans me poser aucun problème, sous réserve de mon emploi du temps.

MICHELLE BACHELET – Pour ma part, je n'ai pas encore pris de décision. Nous sommes en train d'étudier le reste de l'agenda international, donc nous vous ferons part de notre décision quand elle sera prise. Merci.