Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la cérémonie de remise de médailles aux lauréats du concours "Meilleurs ouvriers de France"


PALAIS DE L'ELYSEE - PARIS - MERCREDI 11 JUIN 1997

Madame la Présidente de la Société des meilleurs ouvriers de France, Monsieur le Président du Comité d'organisation, Mesdames et Messieurs les Meilleurs ouvriers de France, Mesdames et Messieurs,

Je voudrais d'abord vous souhaiter ici la plus cordiale des bienvenues et il ne s'agit pas là d'une simple phrase protocolaire.

Le Président l'a dit tout à l'heure, les meilleurs ouvriers de France sont parmi ce que la France a de meilleur et c'est un honneur pour cette maison de recevoir une compagnie, on aurait pu dire aussi un escadron des meilleurs ouvriers de France qui vont s'ajouter aux deux régiments commandés par la Présidente.

La tradition veut que, tous les trois ans, à l'issue de votre concours, le Président de la République, depuis M. LEBRUN, cela je l'ai appris aujourd'hui, mais le Président est un homme de culture, remette leur titre et leur médaille à quelques-uns des nouveaux meilleurs ouvriers de France.

Cette tradition me tient à coeur. Elle m'offre l'occasion de marquer un attachement déjà ancien à ce que vous représentez.

Tout à l'heure, le Président a eu la gentillesse de rappeler qu'il y a quelques années effectivement, j'ai été fait meilleur ouvrier de France honoris causa, mais enfin, comme il l'a dit c'est mieux que rien et j'en suis en vérité très fier, parce que c'est un titre qui est attaché à notre histoire et à ces métiers qui, depuis toujours, façonnent notre vie, notre sensibilité et notre culture et qui ont fait la place, l'importance, la renommée de la France dans le monde.

S'il est un titre qui possède une grande force symbolique, le Président le disait tout à l'heure, un titre qui évoque le talent, la patience, c'est vrai, l'amour du travail bien fait, le goût de la perfection, le bonheur aussi de créer ; un titre qui suscite l'estime de tous, et n'est contesté par personne, c'est bien celui du meilleur ouvrier de France qui, depuis plus de soixante-dix ans, rassemble les meilleurs représentants, les meilleurs créateurs de ces métiers, que vous avez rappelés, Monsieur le Président.

Voilà pourquoi nous devons perpétuer, adapter, développer cet extraordinaire patrimoine d'expérience. Voilà pourquoi nous devons transmettre l'héritage de génération en génération. Pour que le savoir-faire, qui est une part de nous-mêmes, de notre identité, ne se perde pas. C'est une chance pour l'avenir de notre pays. C'est l'essence même de notre nation.

Les meilleurs ouvriers de France participent, en effet, au premier plan à cette image de qualité qui est un des meilleurs atouts de notre artisanat, de notre industrie, de nos services.

La France dans le monde, je m'en rends souvent compte quand je voyage, bénéficie d'une incontestable bonne réputation en matière de qualité, en matière parfois de perfection et même d'excellence dans un certain nombre de domaines, et aussi on lui reconnaît une certaine capacité à innover, cette capacité même que vous incarnez dans l'évolution de vos métiers et le Président le disait tout à l'heure, grâce à cette capacité d'adaptation permanente qui caractérise les meilleurs ouvriers de France.

Dépositaires de traditions ancestrales, les meilleurs ouvriers de France sont, le Président, là aussi, l'a rappelé à juste titre, le conservatoire indispensable des savoir-faire du passé. Et ils ont su en même temps s'adapter aux besoins les plus modernes de l'industrie, des services. Ils ont su s'ouvrir aux technologies les plus sophistiquées et dont les changements sont les plus rapides dans tous les domaines de l'activité économique de notre pays.

Les artisans, au sens le plus noble du terme français, on les trouve aujourd'hui sur les autoroutes de l'information. Autrefois, c'est sur la place du village et par le bouche à oreille que se créaient les réputations. Maintenant, nos artisans, de plus en plus de PME proposent leurs services sur Internet. C'est comme cela que certaines maisons, parfois parmi les plus prestigieuses, ont pu élargir sensiblement leurs marchés et trouver de nouveaux clients.

Et d'ailleurs, je vois, Monsieur le Président, un symbole fort de votre volonté d'épouser votre temps et de promouvoir notre artisanat loin au-delà de nos frontières dans le fait que, pour la première fois, un site d'Internet présente les lauréats de ce XXe concours. C'est un vrai symbole.

Les meilleurs ouvriers de France ont su s'adapter aux évolutions des techniques et de l'organisation du travail dans l'industrie. Et si le titre de meilleur ouvrier de France vient encore souvent couronner le chef-d'oeuvre d'un homme ou d'une femme, c'est vrai, de centaines et de centaines d'heures de travail, mais aussi il peut récompenser aujourd'hui une équipe.

Mais l'excellence française se retrouve aussi dans le secteur des services, notamment liés au tourisme. Ce sont ces qualités d'accueil et d'hospitalité, c'est ce savoir-recevoir qui ont fait la réputation de notre pays. C'est parfois ce petit plus, un détail, comme un simple sourire à la réception d'un hôtel, et qui fait que l'on se sent bien en France, et que notre pays est au premier rang de ceux qui reçoivent des touristes de l'étranger. Et je remarque que, dans ces métiers des services aussi, comme le service de la table ou d'autres, il y a désormais des meilleurs ouvriers de France.

Oui, les meilleurs ouvriers de France, qui défendent une haute idée de la qualité française, fidèle aux traditions d'antan à leurs racines, mais résolument tournée vers l'avenir, sont un élément essentiel de l'esprit de conquête qui doit être le nôtre.

Il y a parmi les lauréats, cette année, de nombreux jeunes. Alors naturellement je les félicite de leur choix. Le Président l'a évoqué, notamment en soulignant cette petite révolution culturelle qui a été la création du concours général pour ces métiers. Je les félicite de leur choix. Je les encourage, naturellement, j'encourage le plus grand nombre de jeunes à suivre nombreux ce chemin exigeant, certes, mais source de grandes satisfactions. Je les invite à réfléchir à tout ce que peut leur apporter dans leur vie personnelle et dans leur vie professionnelle le choix de l'un de vos métiers.

Être un des meilleurs ouvriers de France, aujourd'hui, le Président l'a évoqué tout à l'heure en parlant de l'emploi dans son deuxième message, c'est avoir la chance d'exercer un métier que l'on a choisi, c'est vivre sa passion et c'est en vivre. Il n'y a pas de chômeur chez les meilleurs ouvriers de France. Il faut en être conscient aujourd'hui, où l'insertion des jeunes dans la société est si difficile pour beaucoup d'entre eux, faute d'une vue claire et réaliste de l'importance relative des formations. Mais pour que davantage de jeunes Français fassent ce choix, nous devons mieux valoriser, c'est vrai, les formations professionnelles et les métiers auxquels elles aboutissent.

Il existe, et depuis longtemps, une voie française de la formation en alternance grâce à l'apprentissage, grâce aux contrats de qualification qui sont autant de portes ouvertes et de grandes portes ouvertes sur l'entreprise. Et notamment sur les petites et moyennes entreprises qui forment le tissu industriel et qui sont le premier réservoir de créations d'emplois dans la période difficile que nous connaissons dans le domaine économique, aujourd'hui. Nous savons qu'au terme de ces formations en alternance, une très grande majorité des jeunes trouve un emploi.

Voilà pourquoi nous devons leur donner toute leur place dans notre système d'éducation, une place reconnue et respectée à l'égale de toutes les autres. Il est aussi valorisant d'être un meilleur ouvrier de France tailleur de pierres que de recevoir le concours général de mathématiques même s'il n'est pas nécessaire d'être boutonneux pour l'obtenir.

Comme vous venez de le dire, Monsieur le Président, nous devons reconnaître, cela c'est vrai et c'est aussi une révolution culturelle, la pluralité des excellences, et accorder leur pleine valeur économique et sociale à ces métiers de l'artisanat, de l'industrie et des services auxquels les meilleurs ouvriers de France ont conféré toute leur noblesse et sans lesquels on ne pourrait pas vivre, et notamment vivre agréablement.

Il est symbolique que ce soit à la Sorbonne, le temple de l'université française et même de l'université mondiale, que vous ayez récompensé, cet après-midi, Monsieur le Président, les lauréats de votre XXe Concours.

Je tiens à remercier tout particulièrement les organisateurs et les jurés de ce XXe Concours qui ont donné leur expérience, leur temps, leur compétence pour valoriser ce geste de respect à l'égard des hommes et des femmes qui sont sans aucun doute parmi les meilleurs d'entre nous.

Mesdames et Messieurs les lauréats, je vais maintenant remettre leur médaille à certains d'entre vous, devant leurs pairs, et conformément à la tradition. Mais avant, laissez-moi vous redire tout mon attachement, mon attachement propre mais aussi celui des Français, à qui vous apportez tant, et de notre pays, à qui vous donnez beaucoup, notre estime aussi et notre reconnaissance pour cette beauté, cette invention, cette excellence que vous-mêmes, et avant vous vos anciens, mettez dans notre vie et qui sont une part essentielle de notre identité et de notre culture. Et c'est avec beaucoup de reconnaissance, beaucoup de respect et d'amitié que je vais maintenant remettre les diplômes qui sont prévus, regrettant de ne pouvoir les remettre à tout le monde, mais la plupart d'entre vous les ont déjà reçus à la Sorbonne et je les en félicite de tout coeur.