DISCOURS DE M. JACQUES CHIRAC

A BASTIA

(CAMPAGNE ELECTORALE POUR L'ELECTION PRESIDENTIELLE)

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MARDI 16 AVRIL 2002

Mes chers Amis, Mes chers Compatriotes,

Avant de partager avec vous ce repas laissez-moi vous dire, en quelques mots, la joie que j'ai de vous rencontrer et le plaisir que j'ai de débuter cette journée consacrée à la Corse par cette étape bastiaise. Merci à Paul NATALI et à Sauveur GANDOLFI d'avoir organisé ce moment privilégié. J'ai grand plaisir à saluer Jean BAGGIONI qui, depuis dix ans, a la lourde charge d'animer et de diriger cette collectivité territoriale corse dans le statut particulier qui lui a été conféré. Il le fait avec passion, dévouement et efficacité.

Je salue également Paul PATRIARCHE dont j’ai toujours apprécié le soutien. J’ai été sensible aux propos de Joseph GALETTI, Maire de LUCCIANA et aux paroles si bien venues et si enthousiastes de Laetitia PAOLI et de Sylvain FANTI.

Merci à vous toutes et à vous tous de vous être rendus si nombreux à cette invitation et de m'apporter votre amitié, votre enthousiasme sans lesquels rien ne peut être entrepris, sans lesquels rien ne peut être réussi.

Mes chers amis,

Les semaines qui viennent sont d'une importance décisive pour la France, et pour la Corse, partie intégrante de notre Nation et dont rien ne devra l'éloigner.

Les Français sont préoccupés, inquiets pour eux et pour l'avenir de leurs enfants. L'autorité de l'Etat s'est affaiblie ; l'insécurité gagne ; le chômage, après une embellie qui n'a pas suffisamment été exploitée, a repris ; les grandes réformes indispensables, qu'il s'agisse du système des retraites ou de la réforme de l'Etat, n'ont pas dépassé le stade des discours et des belles intentions ; la compétitivité nationale s'est fortement dégradée par rapport à nos partenaires et concurrents européens.

Je ne me satisfais pas de cette situation. Je m'insurge contre ces retards et ces occasions manquées. Mais je tire aussi de ce constat alarmant une ardeur et une énergie renforcées pour prendre à bras-le-corps tous ces problèmes, pour proposer des solutions, pour convaincre les Français.

Je m'engagerai aussi pour qu'ils élisent une majorité législative de telle sorte que, dès cet été, les premières mesures indispensables soient prises. Car nous n'avons pas de temps à perdre si nous voulons atteindre nos objectifs : rétablir l'autorité de l'Etat. Renforcer la cohésion de la Nation par le respect et la solidarité. Mettre un terme à la violence. Redonner à la justice sa sérénité. Libérer les énergies créatrices des citoyens et des collectivités. Nous débarrasser des pesanteurs de la bureaucratie et du poids excessif de la fiscalité. Faire émerger l'Europe comme puissance et jouer pleinement notre rôle dans le monde.

Tâches exaltantes et qui ne pourront s'accomplir, au cours des prochaines années, que si vous adhérez pleinement à ces idées, et si vous m'apportez tout votre soutien.

Pour la Corse, cette terre magnifique que j'aime, plongée depuis trop d'années dans trop de drames, il nous faut sortir de l'ambiguïté et dire clairement comment nous bâtirons ensemble son avenir.

Vous avez des atouts incomparables ; votre situation en Méditerranée ; un tissu de PME ; un littoral largement préservé ; une jeunesse ardente qui ne demande qu'à s'investir pour moderniser les activités agricoles, de loisirs, de services, en usant pleinement des nouvelles technologies.

C'est ce mouvement de progrès que nous devons favoriser et accompagner. Mais pour cela, les Corses ont besoin que soit mis définitivement un terme à la violence qui sape les fondements mêmes de la paix sociale sur l'île, qui empêche tout démarrage sérieux des investissements privés, qui écoeure les bonnes volontés. J'ai fait, vous le savez, de la lutte contre l'insécurité sur l'ensemble du territoire national une priorité.

Je veillerai aussi à ce que l'Etat tienne les engagements contenus dans la loi du 22 janvier. Rien ne serait plus dangereux que de retarder ou de rétrécir les dispositions prises, tant en matière de transferts de compétence que de mise en oeuvre des mesures fiscales ou de développement économique.

Je sais que vous regrettez l'abandon de la zone franche créée par le Gouvernement JUPPE et que vous jugez que les modalités retenues pour les crédits d'impôt ne sont pas pleinement satisfaisantes. Et vous craignez que les textes d'application n'en réduisent encore la portée. Je demanderai que le point soit fait très précisément et qu'on procède aux aménagements nécessaires. Car l'objectif est bien de donner un nouveau départ à l'économie de l'île, d'exploiter dans le respect de l'environnement toutes ses richesses potentielles, agricoles, maritimes, touristiques. Nous savons où sont les handicaps. Nous serions fautifs de ne pas donner aux acteurs publics ou privés la possibilité de les surmonter.

S'agissant du statut je vous le dis simplement mais solennellement, comme je le redirai ce soir à Ajaccio, je n'accepterai pas demain, en 2004 ou en quelque autre date ce que j'ai refusé hier. Je n'accepterai pas que la Corse soit écartée de l'ensemble français. La République est une ; la loi s'applique à tous et seul le Parlement peut la voter.

Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas profondément modifier l'architecture des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités locales. J'y suis résolu et j'ai proposé, il y a quelques jours à Rouen, une révision de la Constitution pour donner plus de pouvoirs aux citoyens et faire en sorte que les décisions soient prises au meilleur niveau de compétence et d'expérience. La Corse, les Corses participeront au grand débat national sur ce sujet que j'appelle de mes voeux et au référendum national qui devra le conclure.

Mes chers amis, vous le voyez, nous avons de grandes tâches à accomplir. Avec votre appui, avec la confiance que vous m’avez toujours accordée, avec votre détermination j'ai confiance et espoir pour engager la Corse dans les voies de la paix et du progrès.

Vive Lucciana ! Vive Bastia ! Vive la Corse ! Vive la République ! Vive la France !