INTERVIEW

DE MONSIEUR JACQUES CHIREC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

ACCORDEE A DES JOURNALISTES DE FRANCE AGRICOLE

PALAIS DE L'ELYSEE

VENDREDI 27 FEVRIER 2004

Le Président de la République a fait un large tour d'horizon des problèmes de l'agriculture lors d'un entretien avec des journalistes de La France Agricole.

QUESTION : Le salon de l'Agriculture de Paris ouvre ses portes demain. Au-delà de cet événement, n'avez-vous pas le sentiment que le fossé se creuse entre les agriculteurs et les autres Français ?

LE PRESIDENT : Le salon est un événement convivial, qui suscite un vif intérêt bien au-delà du monde rural. C'est la vitrine de notre agriculture, exportée dans le monde entier grâce aux visiteurs étrangers très nombreux et grâce aux médias. C'est un lieu de rencontres entre les hommes et les femmes du milieu rural et du milieu urbain, un lieu de rencontre entre les professionnels et les citadins, entre les responsables. Cette manifestation est donc tout à fait essentielle pour la vie sociale contemporaine. Pour ma part, je visiterai ce salon avec toujours autant de plaisir. Vous dites "n'y a-t-il pas un fossé" ? Je ne le crois pas. Naturellement les choses ont évolué. L'agriculture et la production agricole ont connu des évolutions extraordinairement rapides. Si rapides d'ailleurs que certains ont encore une image de l'agriculture un peu décalée. Au salon, vous observerez que la plupart des visiteurs, par leurs comportements, leurs propos, leurs regards marquent un vrai attachement, une vraie sympathie, une vraie curiosité à l'égard de l'agriculture.

QUESTION : Pourtant, les agriculteurs se sentent parfois mal compris. Les débats sur les OGM, la sécurité alimentaire ou l'environnement les mettent en cause ?

LE PRESIDENT : Nos concitoyens expriment des attentes auxquelles il faut répondre. Notre politique agricole doit impérativement les intégrer. L'avenir en dépend.

Il faut garantir la sécurité alimentaire pour tous. L'accès aux produits de qualité doit être notre première priorité. Historiquement, notre alimentation n'a jamais été aussi sûre. Et pourtant, parce que le risque zéro n'existe pas, nous connaissons des crises sanitaires. Nous avons développé et renforcé aux niveaux national et communautaire nos dispositifs d'évaluation et de contrôle des risques. L'Agence européenne de sécurité alimentaire est désormais en place et complète utilement l'action des agences nationales existantes. Mais la sécurité a un coût. Elle ne peut s'accommoder de la baisse continue des prix agricoles. Il est indispensable de mieux rémunérer les produits agricoles pour viser l'excellence par une politique de qualité. L'agriculture biologique doit, elle aussi, tenir une place en relation avec les attentes des consommateurs.

QUESTION : Et en ce qui concerne l'environnement ?

LE PRESIDENT : C'est dans ce même esprit de sécurité que nous devons aussi promouvoir une agriculture écologiquement responsable. Les agriculteurs ont fait des efforts importants au cours des dernières années pour réduire les pollutions. Ces efforts doivent être reconnus et encouragés, qu'il s'agisse de la protection des eaux et des paysages, de la lutte contre les inondations, du bien-être animal ou d'un usage plus raisonné de l'irrigation. Mais il faut aller plus loin. Des progrès significatifs sont encore possibles. Ces progrès nous les ferons avec les agriculteurs et non contre eux. Ils y sont prêts car ils préfèrent une démarche de ce type, volontariste et participative, plutôt que l'accumulation de réglementations complexes, parfois contradictoires ou obsolètes. Ils comprennent aussi la nécessité de choix parfois difficiles comme ceux qui viennent d'être fait sur l'usage de certains pesticides accusés de provoquer une mortalité importante et anormale des abeilles.

QUESTION : Et sur le choix des OGM ?

LE PRESIDENT : Sur les OGM, je perçois bien les inquiétudes de ceux qui craignent des dérapages techniques et éthiques. Nous devons être très vigilants. Je le suis. Les recherches doivent se poursuivre avec toutes les garanties nécessaires. Elles sont porteuses d'espoirs sur le plan alimentaire pour ceux qui ont faim dans le monde et sur le plan thérapeutique grâce à la fabrication de nouveaux médicaments. Elles peuvent aussi permettre de résoudre certains problèmes environnementaux : réduction des pesticides et des besoins en eau par exemple. Elles doivent être conduites en toute transparence et selon des règles de précaution éthique et scientifiques solidement établies.

Au delà, dès lors que des décisions seront prises au niveau communautaire, comme le permet aujourd'hui la réglementation après la publication des règlements sur l'étiquetage et la traçabilité, nous devrons nous assurer de la préservation des cultures non-OGM et de la clarification des règles de responsabilité en cas de " pollution " accidentelle de cultures non-OGM par des cultures OGM. Il faut traiter cette question avec responsabilité, sans amalgame et sans passion.

QUESTION : Nos concitoyens s'inquiètent lorsqu'ils observent certaines techniques agricoles ?

LE PRESIDENT : Nous avons connu une phase sans précédent de modernisation. C'est le résultat des politiques engagées. Grâce à ces techniques, nous occupons une place privilégiée dans le monde sur le plan agricole et nous bénéficions d'une force considérable en matière de productions et d'industrie agroalimentaire. Il est vrai cependant que certaines techniques agricoles sont devenues parfois très agressives, notamment pour l'environnement. Lorsque c'est le cas, il faut savoir y remédier. Depuis que la politique agricole commune existe, elle a constamment fait baisser les prix agricoles. En compensation on a donné des subventions pour que les revenus se maintiennent. Mais vous connaissez les financiers, ils sont les mêmes partout. On décide des subventions puis petit à petit, elles s'érodent. Il y avait en agriculture un réservoir de productivité considérable. Tout naturellement, on l'a utilisé pour maintenir les revenus, malgré la baisse des prix. Mais le paysan n'est pas quelqu'un qui veut de la productivité à tout crin. Il y a été forcé. Il y a été conduit. Tout ceci doit maintenant être davantage maîtrisé.

QUESTION : Dernier exemple : l'Europe et les agriculteurs sont accusés d'affamer le tiers-monde avec les restitutions ?

LE PRESIDENT : Il faut éviter les propos blessant. Les agriculteurs ont vocation à nourrir. Il faut avoir un minimum de respect à la fois des gens et des choses. Les agriculteurs n'ont jamais affamé personne. Cela étant, le débat sur les restitutions mérite d'être posé. Depuis dix ans, les restitutions ont diminué de 90 %. Ce qui d'ailleurs confirme qu'il y avait un problème. Nous devons probablement aller plus loin. Il faut le faire progressivement pour éviter que du jour au lendemain, les pays importateurs ne puissent plus nourrir leur population ; conséquence à laquelle ne pensent pas les technocrates. Il faut également le faire avec discernement en visant les restitutions qui sont réellement déstabilisatrices, c'est à dire celles qui perturbent le marché intérieur et celles qui empêchent le développement des productions locales et il y en a. Je suis tout à fait favorable à ce moment-là à ce qu'on les supprime. C'est d'ailleurs le sens de la proposition que j'ai faite, il y a un an, au sommet Afrique-France qui s'est tenu à Paris.

QUESTION : Depuis on n'avance plus beaucoup ?

LE PRESIDENT : Il y a les gros intérêts, notamment de nos amis Américains, qui ne nous suivent pas dans ce domaine.

QUESTION : Ils ont des dispositifs pires que les restitutions ?

LE PRESIDENT : Sans aucun doute oui.

QUESTION : Lors de la réforme de la Pac, le gouvernement n'a-t-il pas déçu en cédant face à la Commission ?

LE PRESIDENT : Non, je ne crois pas qu'on puisse dire que le gouvernement a cédé. D'ailleurs, les réactions du commissaire européen en témoignent. Globalement, nous avons obtenu ce que nous souhaitions sur l'essentiel. Je ne crois pas que cette réforme soit aussi profonde que certains ont bien voulu le dire. En particulier l'idée du découplage est déjà présente depuis la réforme de 1992. Il était important, avec un minimum de couplage des aides, de maintenir un lien entre le soutien et une obligation de production. Encore plus fondamental est l'accord obtenu en octobre 2002, au Conseil de Bruxelles, sur les dépenses agricoles jusqu'en 2013, grâce à l'entente franco-allemande. Sans cet accord budgétaire, dès 2006, toute la Pac pouvait à nouveau être contestée.

QUESTION : L'échec du sommet de l'OMC à Cancun ne démontre-t-il pas que cette réforme était inutile ?

LE PRESIDENT : Cancun devait simplement définir les modalités d'une négociation et c'est sur ce point qu'il n'y a pas eu d'accord. Cela ne signifie pas que la réforme de Luxembourg ne contribuera pas à trouver un accord. L'échec a été fondé pour une large part sur des malentendus. J'ai eu l'occasion d'en parler récemment avec le président brésilien Lula.

QUESTION : Existe-t-il encore un modèle agricole européen ?

LE PRESIDENT : Je crois qu'il y a une conception européenne de la politique agricole qui est tout à fait légitime. Nous n'acceptons pas des compromis à n'importe quel prix. Nous avons des intérêts que nous devons défendre et qui sont ceux de nos paysans et de notre production agricole. Ensuite, il y a des ajustements qui peuvent se faire par des aides. Mais il faut que les agriculteurs puissent vivre du revenu de leur activité. C'est un principe sur lequel on ne peut transiger.

QUESTION : Justement, ne pourrait-on pas reconnaître pour chaque pays un droit à s'auto-approvisionner ?

LE PRESIDENT : C'est une vraie question. Il est indispensable de mieux prendre en compte les particularités de l'agriculture dans le commerce international. L'agriculture sert à nourrir les hommes. Les marchés agricoles ne fonctionnent jamais tout à fait comme les autres, contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire. Il est donc nécessaire que les principes de l'OMC soient appliqués avec discernement en matière agricole. Il faut étudier comment permettre à chaque pays d'assurer autant que possible son auto-approvisionnement à un prix suffisamment rémunérateur pour ses producteurs. N'imaginons pas que tous les pays soient en mesure d'y parvenir. Mais il faut mettre les moyens nécessaires en aide au développement et en appui technique pour le faire progresser, sans oublier naturellement les contraintes agronomiques. L'aide est aujourd'hui très insuffisante. Pour développer ces agricultures, il faut aussi donner aux producteurs la capacité de vivre. C'est à dire les équipements nécessaires, la formation, la santé, puis l'accès aux techniques. Ce n'est pas simplement en jouant sur des problèmes de subventions ou d'exportation qu'on règlera ces difficultés. On les règlera peut-être pour les pays émergents les plus riches mais certainement pas pour les plus pauvres. On ne peut pas traiter les problèmes du Brésil comme ceux du Mali.

QUESTION : Doit-on continuer à défendre " notre vocation exportatrice " ?

LE PRESIDENT : Plus qu'une vocation exportatrice de la France, il y a une capacité exportatrice. C'est une réalité qui a été construite au fil du temps et qui représente une bonne partie de l'activité et des emplois de la filière agroalimentaire. Naturellement on ne doit pas la négliger. Les gens ne se rendent pas toujours compte de ce qu'est la puissance agroalimentaire de la France et ce qu'elle représente pour un nombre considérable de nos concitoyens, notamment en matière de revenus.

QUESTION : L'ouverture de l'Europe aux produits du tiers monde, avec une baisse de prix pour eux comme pour nous, n'est-elle pas un leurre ?

LE PRESIDENT : L'Union européenne est de loin, le premier importateur mondial de produits en provenance des pays en développement. Ces importations se réalisent sans droits de douane ou avec des droits extrêmement faibles. Il ne faudrait pas l'oublier. Le problème des prix pour de nombreux produits, y compris pour le sucre, vient d'abord d'une concurrence entre pays en développement. Tous ne sont pas au même niveau de développement. Il faut en tenir compte et établir des traitements différenciés pour les pays, si nous voulons prendre en compte les situations les plus difficiles et que soient respectées une certaine morale, une certaine justice. Nous sommes déterminés à porter cette exigence.

QUESTION : Avec l'épisode actuel de grippe aviaire, ne voit-on pas une limite aux échanges ?

LE PRESIDENT : Le développement des échanges accroît les risques. Il faut en tenir compte. Les dispositifs d'alerte, de contrôle évoluent en même temps que les risques. L'épidémie de grippe aviaire en Asie est évidemment très préoccupante et fait l'objet d'un suivi très approfondi des organisations internationales compétentes comme l'OMS, l'OIE, la FAO, etc. Tous nos moyens techniques et scientifiques sont mobilisés pour déceler, circonscrire et combattre ce phénomène.

QUESTION : Dans une Europe à 25 comment seront traitées les questions agricoles ?

LE PRESIDENT : Nous gérons déjà actuellement la Pac à 25. Depuis plusieurs mois les nouveaux Etats-membres participent aux réunions. J'ai le sentiment que ça se passe à peu près bien. Des organisations communes de marchés (OCM) doivent encore évoluer. Je pense en particulier à l'OCM sucre. Nous le ferons à 25 dans un cadre budgétaire défini. Cela ne comporte pas de difficultés majeures.

QUESTION : Que va-t-il se passer avec la future constitution européenne ?

LE PRESIDENT : Le renforcement des pouvoirs du Parlement européen en matière budgétaire sur les dépenses agricoles, au détriment du conseil des ministres de l'agriculture, peut comporter des risques si nous ne parvenons pas à garantir un minimum de stabilité dans le temps à la politique agricole commune. Mais avec l'accord politique du Conseil européen de Bruxelles, fin 2002, sur les dépenses agricoles jusqu'en 2013, et quelques dispositions techniques que sommes en train de discuter, le conseil des ministres de l'agriculture devrait conserver les prérogatives suffisantes pour garantir la continuité et le minimum de stabilité indispensables à cette politique.

QUESTION : Pourquoi avoir pris l'initiative d'un projet de loi de modernisation de l'agriculture ?

LE PRESIDENT : Avec le Premier ministre, nous avons considéré qu'il était nécessaire de réévaluer avec les professionnels les éléments nationaux de la politique agricole pour prendre en compte les conséquences prévisibles de la réforme de Luxembourg et maintenir le rang de notre agriculture au niveau communautaire et sur la scène internationale.

QUESTION : Quelles sont les domaines où la France peut intervenir ?

LE PRESIDENT : Je voudrais, tout d'abord, dire que notre agriculture va vivre des changements importants. C'est inévitable, elle en a d'ailleurs l'habitude. D'ici 2013, ce serait dangereux et même une faute de se croiser les bras. Nous avons près de dix années devant nous. Il faut en profiter pour mieux préparer l'avenir. Nous allons nous battre à l'OMC pour protéger le marché intérieur communautaire. C'est une priorité pour nous. Ensuite, je crois que nous pouvons partager cinq constats pour l'agriculture. Premièrement : les agriculteurs vont être davantage que par le passé exposés aux fluctuations de prix. Ce qui suppose une approche nouvelle de la gestion des risques en agriculture. Deuxième point : les entreprises agricoles ont besoin d'un cadre juridique et fiscal qui soit mieux adapté aux nouvelles conditions de concurrence, ce qui suppose de réévaluer de nombreux volets de notre droit rural et d'examiner les moyens d'alléger les charges qui pèsent de façon excessive ou abusive sur le revenu agricole. Troisième point : l'agriculture doit contribuer positivement au débat sur l'environnement. Plus personne ne le conteste. Cela signifie qu'elle doit être encouragée à développer des produits tels les biocarburants. Dans le même temps, la profession doit s'engager encore plus résolument qu'elle ne le fait aujourd'hui à lutter contre toutes les formes de pollutions. C'est tout à fait capital. Quatrième point : les agriculteurs en ont assez des complications administratives et à ce titre le gouvernement a engagé un processus de simplification. Nous devrions profiter de ces débats sur la loi de modernisation pour alléger et simplifier des pans entiers de notre droit rural. Cinquième point : la question de l'installation des jeunes. Elle se pose dans des termes un peu différents désormais faute d'un nombre de candidats suffisant à l'installation pour des raisons économiques mais aussi démographiques. D'où le fait que les oppositions classiques entre agrandissement et installation sont de moins en moins pertinentes.

QUESTION : Souhaitez-vous une agriculture compétitive ou bien orientée vers l'entretien de la nature ?

LE PRESIDENT : Les agriculteurs ont d'abord une vocation qui est de produire, mails ils assument naturellement aussi depuis toujours une mission d'entretien de la nature. Mais je ne crois pas qu'ils pourront assumer convenablement cette mission si leur de métier de base de producteur n'est pas valorisant. C'est pourquoi, il faut poursuivre l'objectif d'une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable.

QUESTION : C'est une petite révolution ce que vous énoncez ?

LE PRESIDENT : Pourquoi ?

QUESTION : Parce que, aujourd'hui, plus de 50% des revenus viennent des aides.

LE PRESIDENT : Oui, c'est vrai dans certains secteurs. Je crois qu'on atteint là un cap que l'on ne peut pas dépasser.

QUESTION : Le métier d'agriculteur a-t-il encore de l'avenir ?

LE PRESIDENT : Ma réponse est indiscutablement oui. Le métier a ses contraintes, ses incertitudes, mais il y a les satisfactions qu'il apporte à l'homme ou à la femme qui le pratique. C'est un métier d'avenir pour une raison simple : on aura toujours besoin de manger et il faudra toujours produire. C'est un métier d'avenir, difficile ; un métier où il est devenu rare de faire fortune. Mais dans quel métier acquiert-on autant d'autonomie et de responsabilité, dans une vie proche de la nature et avec un objectif aussi noble que celui de nourrir les hommes ? Les paysans s'adaptent avec beaucoup de courage. Ils ont assumé une modernisation, une mutation très importante. Il faut s'en souvenir. Cela mérite le respect. Je devais le dire car on n'en a pas conscience quand on n'est pas paysan. Des gens, qui ont su faire cela, ont, sans aucun doute, un avenir.

QUESTION : La loi de modernisation va-t-elle ouvrir des perspectives aux jeunes ?

LE PRESIDENT : Oui. Il faudra simplifier le parcours de l'installation pour qu'il ne se transforme pas en parcours du combattant, ce qui est de plus en plus le cas aujourd'hui.

QUESTION : Vous avez annoncé une réforme de la taxe professionnelle. Allez-vous faire de même avec la taxe sur le foncier non bâti (TFNB) ?

LE PRESIDENT : Ce n'est pas une demande exprimée actuellement par les organisations professionnelles, mais je n'ai pas d'objection à en débattre.

QUESTION : Faut-il créer un fonds agricole à l'image du fonds de commerce ?

LE PRESIDENT : C'est une voie à explorer à condition de le faire sérieusement et sans arrière-pensées.

QUESTION : Comment va évoluer le contrôle des structures ? Faut-il revoir le statut du fermage ?

LE PRESIDENT : Ces questions sont inévitables. Je crois que l'on n'a besoin d'une vraie réflexion et d'une évolution, sur ces deux sujets, sans préjuger aujourd'hui des réponses qui pourront y être apportées.

QUESTION : La France va-t-elle enfin favoriser l'émergence d'expériences locales en matière de bio-énergie ?

LE PRESIDENT : Il y a de bonnes perspectives dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les biocarburants. Pour tout dire, je le pense depuis longtemps et j'ai encouragé ces expériences autant que je l'ai pu. Je dois reconnaître que jusqu'ici ça n'a pas été suffisamment suivi d'effets. Les forces de réactions l'ont trop souvent emporté sur le mouvement.

QUESTION : Vous pensez que les pétroliers ou le ministère des finances ...

LE PRESIDENT : J'ai le sentiment qu'ici ou là, il y avait comme des adhérences !

QUESTION : Face à la baisse actuelle du prix du lait, que faut-il faire ?

LE PRESIDENT : On devrait pouvoir avoir entre gens raisonnables un accord, entre producteurs et industriels, pour préserver les intérêts légitimes de chacun. Les pouvoirs publics peuvent les y aider. Le Gouvernement a nommé un médiateur qui connaît bien ces dossiers. Ce débat est d'abord un débat interprofessionnel. Le problème, c'est de permettre au producteur de vivre convenablement.

QUESTION : Pour le porc, faut-il laisser les élevages et les groupements se concentrer ?

LE PRESIDENT : Ce secteur est en crise. Le gouvernement a pris toute une série de mesures pour en limiter les effets. Mais là, il y a la nécessité d'une restructuration du secteur au-delà de la production dans les outils de transformation en aval. On ne peut pas laisser la situation telle qu'elle est aujourd'hui.

QUESTION : La crise de la cogestion éclate en plein jour avec l'usage contesté de certains fonds. Comment imaginez-vous, à l'avenir, les relations entre les syndicats agricoles et le pouvoir politique ?

LE PRESIDENT : Je voudrais d'abord rappeler que la cogestion a été un choix d'efficacité qui a été fait au début des années 1960. Ce choix figurait d'ailleurs dans la loi d'orientation. Et cela a très bien fonctionné. S'il n'y avait pas eu cette cogestion, les transformations considérables qui ont caractérisé le monde agricole n'auraient pas pu avoir lieu. C'est en réalité une forme de dialogue social particulièrement aboutie, dans un pays comme la France où nous avons trop spontanément une culture d'affrontement et non pas une culture de dialogue. Je constate d'ailleurs que, dans beaucoup de domaines, on revendique cet esprit de dialogue pour essayer d'éviter que tout ne se règle par le conflit. Alors naturellement, je distingue très clairement l'idée de la cogestion du problème du financement des organisations agricoles, sur lequel je n'ai pas de commentaires à faire puisque c'est un problème dont la justice est saisie.

QUESTION : Le projet de loi sur l'eau prévoit une nouvelle taxe pour les agriculteurs. N'y a-t-il pas d'autres solutions ?

LE PRESIDENT : Je voudrais d'abord dire qu'il n'y a pas encore de projet de loi sur l'eau. Il y a eu les conclusions d'un débat national organisé par la ministre de l'Environnement. La préparation d'un projet de loi fera l'objet d'une large concertation. Est-ce qu'il faut instituer de nouvelles taxes ? Sur le principe, je ne suis pas partisan de créer toujours de nouvelles taxes, surtout dans des domaines où l'effet en est souvent incertain, voire contraire si l'on institue indirectement un droit à polluer. Ce doit être l'ultime solution, s'il n'y en a pas d'autres. Il y a un problème de sauvegarde de l'eau. Le gaspillage de l'eau dans un très grand nombre de secteurs est considérable. Dans l'agriculture, l'utilisation de l'eau peut-aussi être excessive dans certains domaines. Il y a toute une série de techniques qui peuvent être mises en oeuvre pour prévenir le gaspillage et aussi éviter que l'eau ne soit polluée.

QUESTION : Dans les relations avec la grande distribution, faut-il aller plus loin dans l'encadrement législatif ?

LE PRESIDENT : La grande distribution exerce une pression très forte, sur les prix. Le développement du "hard discount", comme on dit, ne doit pas être négligé. Il existe un cadre législatif. Il faut d'abord veiller à ce qu'il soit appliqué raisonnablement, ce qui n'est pas toujours le cas. Personne n'a à gagner à laisser se développer des conflits permanents entre producteurs et distributeurs. Il faut tout faire pour que ces débats puissent se tenir dans le cadre d'interprofessions solides réunissant l'ensemble des partenaires.