Tribune de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, dans le quotidien thaïlandais "The Daily News"

Mercredi 15 février 2006.

A l'invitation de Leurs Majestés le Roi Bhumipol Adulyadej et la Reine Sirikit, ma femme et moi retrouvons aujourd'hui avec joie le Royaume de Thaïlande, dix ans après ma participation au premier sommet de l'ASEM. Cette première visite d'État d'un Président de la République française, moment hautement symbolique dans les relations entre les Etats, intervient alors même que où nous célébrons le trois cent vingtième anniversaire de la célèbre ambassade siamoise auprès du roi de France, Louis XIV, et le cent cinquantième anniversaire de l'ouverture des relations diplomatiques formelles entre nos deux pays. Elle souligne notre volonté commune de célébrer une longue histoire partagée, mais surtout d'élaborer des projets en vue de donner à notre relation séculaire de nouvelles perspectives.

Cette visite est aussi pour moi l'occasion de rendre hommage à l'œuvre exceptionnelle accomplie par la Thaïlande depuis un demi siècle. Pays pacifique, elle a joué un rôle capital dans la création de l'ASEAN et l'instauration d'un esprit de dialogue et de coopération dans la région. Pays entreprenant, elle a été l'un des pionniers de l'envol économique de l'Asie. Pays épris d'harmonie, elle a fait le choix de la démocratie, qui s'enracine et inspire bien des peuples. Pour toutes ces raisons, la France veut être plus présente aux côtés du Royaume et multiplier avec lui les occasions de dialogue et de contact.

La Thaïlande et la France sont amies depuis l'origine des relations diplomatiques entre l'Asie et l'Europe. Liées par cette familiarité issue de l'histoire, nos deux nations partagent le même attachement à leurs traditions et la même volonté de tirer parti de la mondialisation en respectant leurs valeurs d'humanité, leur culture, leur art de vivre. Ils oeuvrent ensemble, par leur dialogue politique, en vue d'une société internationale pacifique et organisée, fondée sur la règle du droit.

La Thaïlande et la France sont aussi des partenaires qui ont, on ne le sait pas assez, tissé un réseau très dense de coopérations scientifiques qui vont de l'étude des civilisations orientales à la lutte contre les risques de pandémies, en particulier la grippe aviaire, en passant par le développement du tourisme durable, l'agriculture en milieu peu fertile ou encore la coopération satellitaire. Aujourd'hui, il n'est plus de domaine qui échappe à notre coopération.

Animés par la conviction que la Thaïlande et la France, pays moteurs de l'ASEAN et de l'Union européenne, avaient une vocation naturelle à renforcer leurs relations dans tous les domaines, le Premier ministre, Monsieur Thaksin Shinawatra, et moi-même avons adopté en 2003 un « Plan d'action conjoint » qui doit notamment nous permettre de hisser nos relations économiques et commerciales au niveau de nos relations politiques et culturelles.

Le Sommet économique que nous tiendrons samedi avec le Premier ministre vise à renforcer la présence des entreprises françaises dans le Royaume, en mobilisant quelques 400 entreprises nouvelles dans les prochains mois. Certaines m'accompagnent au cours de cette visite d'Etat. Elles sont les représentantes de l'économie française, diversifiée, porteuse d'avenir, créatrice d'emplois, tant en Thaïlande qu'en France. Elles sont désireuses de contribuer au développement de la Thaïlande où elles savent qu'elles seront bien accueillies, dans la grande tradition du peuple thaïlandais.

Dans le domaine culturel, le festival thaïlandais qui se déroulera en France en septembre et octobre 2006 permettra à un large public français d'accéder à la splendeur de la culture thaïe et de contribuer à l'amitié entre nos deux pays et nos deux peuples. C'est également le rôle du Festival "la Fête" que la France organise dans votre pays depuis 2003.

Il y a un peu plus d'un an, la Thaïlande, frappée par le tsunami, suscitait un impressionnant mouvement de solidarité et de sympathie dans le monde entier. La France a pris place, au premier rang, parmi les pays amis qui ont répondu à l'appel de la Thaïlande. Elle a envoyé dès les premiers jours du drame équipes, financements et matériel pour secourir les rescapés et identifier les victimes. Au milieu de cette tragédie,ceux de mes compatriotes qui pleuraient la perte ou la disparition d'un être cher ont apprécié la solidarité, l'aide concrète que leur a apportées, avec sa généreuse et légendaire hospitalité, le peuple de Thaïlande.

Ma visite à Bangkok me permettra de témoigner de notre reconnaissance à Leurs Majestés le Roi Bhumipol et la Reine Sirikit qui ont été, dans leur propre famille, meurtris par cette catastrophe, et de les assurer de l'amitié et de la solidarité de la France.

Je souhaite aussi saluer de la sagesse et de l'expérience de ce monarque respecté par le monde entier pour faire face aux problèmes graves que notre monde affronte aujourd'hui. Je pense en particulier à la protection de l'environnement ainsi qu'au développement économique des pays les plus pauvres, pour lequel je mène un combat déterminé tendant notamment à dégager de nouvelles ressources pour son financement.

Je souhaite que cette visite engage une relance forte et durable de la coopération franco-thaïlandaise, une coopération qui s'inscrit dans la vision commune d'un monde de paix, de dialogue, d'équilibre et de prospérité.