CONFERENCE DE PRESSE CONJOINTE

DE M. JACQUES CHIRAC

PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE

ET DE M. ROMANO PRODI

PRESIDENT DU CONSEIL DE LA REPUBLIQUE ITALIENNE

---------

Naples - 4 octobre 1996

MONSIEUR JACQUES CHIRAC - Je voudrais tout d'abord remercier le Président Scalfaro, remercier le Président Romano Prodi, pour un accueil particulièrement sympathique, chaleureux et fastueux dans ces hauts lieux de la coopération franco-italienne que l'on trouve à Naples. Naples qui, aujourd'hui, semble connaître une nouvelle renaissance.

Je serai très bref parce que, d'une part, le Président Prodi a tout dit et il l'a dit très bien. Je ne vais donc pas le répéter. Et deuxièmement parce qu'on nous a appris au moment où nous sortions de notre salle de travail que les mystères de la technique et des ondes faisaient qu'un certain nombre de journalistes, ou tous les journalistes avaient pu entendre la totalité de nos conversations et cela me permettra donc là aussi d'être bref. Cela vous permettra d'ailleurs de constater qu'il n'y a pas deux langages, celui que l'on tient entre nous et celui que l'on tient en public et que c'est le même.

Les approches et les positions italiennes et françaises sur tous les sujets sont pratiquement identiques. C'est vrai pour la Conférence intergouvernementale, aussi bien sur la procédure et la nécessité de terminer sous présidence hollandaise que sur le fond, dans les différents sujets qui concernent cette Conférence.

C'est vrai sur le plan de l'Union économique et monétaire, l'Italie fait un considérable effort d'assainissement financier. C'est un effort que l'Allemagne, la France font également avec détermination. Les résultats d'ailleurs sont là pour prouver la justesse de cet effort. S'agissant de l'Italie, on le voit par la santé de la Lire aujourd'hui et par la baisse des taux d'intérêt.

Sur le plan de l'emploi, naturellement notre volonté d'agir en commun est grande, même si ce n'est pas facile. Et notre volonté de maintenir un modèle social européen conforme à notre tradition, et à l'approche humaniste qui est la nôtre des problèmes de société, est à nouveau réaffirmée.

Sur le problème de Shengen, de l'élargissement, de l'Europe, des réactions européennes à l'encontre des initiatives unilatérales prises par les Etats-Unis et qui sont inacceptables. Je pense en particulier à la loi d'Amato et à la loi Helms-Burton. Nous avons aussi le même souci et la même position.

Notre ambition méditerranéenne est la même et notre volonté de l'élaboration d'un pacte de paix, de stabilité et de développement pour les pays riverains de la Méditerranée est confirmée.

Sur les problèmes de la Bosnie, plus exactement de l'ex-Yougoslavie, nous avons la même position et nous combattons d'ailleurs, plus exactement nous ne combattons pas heureusement, mais nos soldats sont au côte-à-côte dans le même secteur en Bosnie.

Sur les problèmes du Moyen-Orient, nous avons le même souci et la même ambition qui est de servir la paix, et de soutenir la paix.

Sur la réforme de l'OTAN, aucune divergence de vues et pour ce qui est du bilatéral, nous avons également un accord dans tous les domaines. Je n'en soulignerai qu'un, parce qu'il me préoccupe particulièrement comme il préoccupe, Monsieur Prodi, de façon aussi importante, c'est la nécessité de lutter contre l'augmentation des ravages faits par la drogue.

Donc d'avoir une action dans tous les domaines, et qui ne peut être également qu'international mais qui conduit aussi à souhaiter une harmonisation des législations au sein de l'Europe où il ne peut pas y avoir de divergence de vues quant à la lutte contre un drame aussi grave que celui de la drogue.

Voilà, s'il y a des questions à poser, je serai, comme Monsieur Prodi, tout à fait à votre disposition.

QUESTION -Je voudrais demander à Monsieur Prodi ce qu'il pense des artifices comptables dont il a parlé ces jours-ci et à propos desquelles on espérait qu'il y ait une politique commune. Je voudrais savoir s'il en a parlé avec le Président Chirac et s'il est arrivé à un accord.

MONSIEUR ROMANO PRODI - Nous n'en avons pas parlé car il est évident que les techniciens de tous les pays travaillent pour harmoniser les méthodologies qui permettront l'examen des budgets.

QUESTION - Je voulais vous demander si vous comptiez rencontrer ensemble aujourd'hui Yasser Arafat ?

MONSIEUR ROMANO PRODI - Oui, après le déjeuner nous rencontrerons Yasser Arafat. Ensuite Yasser Arafat ira à Paris et rencontrera à Paris le Président CHIRAC.

QUESTION - Monsieur Prodi, pour l'emploi quelles seront les orientations communes au niveau européen mais pas seulement bilatérales, pour l'emploi en particulier, c'est particulier, le chômage est important en France et en Italie dans le sud ?

MONSIEUR ROMANO PRODI - Et bien le problème de l'emploi nous l'avons repris, nous l'avons remis à l'ordre du jour car il avait quelque peu disparu et nous allons reprendre ce qui était établi dans le Livre Blanc du Président Delors et bien naturellement l'un des points fondamentaux sera la réalisation des réseaux transeuropéen, bien naturellement, nous avons discutés l'aspect italo-français transeuropéen, Lyon-Turin et aussi Cuneo-Nice, autant d'objectifs qui subsistent et qui sont toujours très importants à l'ordre du jour des rapports italo-français et que nous devons tenir dans certaines limites compte tenu des restrictions budgétaires des deux pays.

QUESTION - Y-aura-t-il une initiative franco-italienne demain à Dublin sur le problème du Moyen-Orient ?

MONSIEUR JACQUES CHIRAC - Les Ministres italiens et français demanderont à leurs collègues, mais je pense que tous seront d'accord, qu'à l'occasion de ce Sommet de Dublin ou ce Conseil de Dublin, il y ait l'affirmation, comme le disait tout à l'heure, Monsieur Prodi :

-de la volonté de l'Europe de participer à la relance du processus de paix,

- de l'inquiétude qui est la nôtre aujourd'hui devant l'intransigeance et la haine qui semblent vouloir reprendre le dessus dans cette région du monde,

- et enfin l'affirmation que l'Europe, qui fait un effort considérable sur le plan matériel, qui assume la quasi totalité du coût de la reconstruction et de l'aide à l'autorité palestinienne, soit impliquée dans les efforts nécessaires comme le souhaitent d'ailleurs un certain nombre de pays de la région pour relancer le processus de paix.

QUESTION - Deux questions : est-ce vous avez parlé, et dans quels termes, de dévaluations concurrentielles ? Est-ce que les mots ont été prononcés ?

MONSIEUR ROMANO PRODI - Nous avons précisé, le Président a précisé que ce qu'il avait dit avait trait au passé. Donc, nous n'avons pas parlé du niveau de retour dans le SME. Justement, nous n'en n'avons pas parlé parce que ce sera là l'objet d'une conversation technique multilatérale et rapide car il évident que le taux de change ça n'est pas au niveau bilatéral qu'on peut le fixer mais bien au niveau multilatéral.

MONSIEUR JACQUES CHIRAC - Attendez, je voudrais ajouter quelque chose. Je voudrais que les choses soient claires : entre 1992 et 1995, la France a souffert des dévaluations compétitives de plusieurs pays européens, notamment, de l'Italie. Je l'ai dit, à maintes reprises, cela lui a coûté cher dans le domaine agricole et dans le domaine d'un certain nombre d'industries par ailleurs difficiles. C'est la raison pour laquelle, depuis l'arrivée du Gouvernement de Monsieur Prodi, j'ai dit et répété, à maintes reprises, que la politique courageuse de rigueur, engagée par ce Gouvernement et d'ailleurs conforme à l'esprit européen, devait être soulignée et que la France ne pouvait qu'exprimer à cet égard sa reconnaissance.

J'ai dit et redit que l'augmentation, que le relèvement important de la Lire, et d'ailleurs la baisse des taux d'intérêts, -les deux étant les deux faces d'une même médaille- ne pouvaient qu'être approuvés et j'ai exprimé ma gratitude à maintes reprises depuis plusieurs mois au Gouvernement italien et ma confiance dans l'action qu'il menait d'assainissement financier. Alors, je ne voudrais pas qu'il y ait à cet égard de fausses querelles.

QUESTION - Néanmoins, des points de vues divergeants se sont révélés par le passé. L'Italie et la France ne seraient-elles pas opposées quant à leurs intérêts économiques dans la construction de l'Union européenne ?

MONSIEUR ROMANO PRODI - La conversation de ce matin a été économique et politique. Jamais nous n'avons isolé une seule seconde les problèmes politiques des problèmes économiques. L'action menée ensemble est une action politique pour une véritable construction d'un continent uni, donc, tant du côté du Président Chirac que de mon côté, nous avons souligné les secteurs, les zones. L'intervention faite à l'instant sur le Moyen-Orient me semble extrêmement importante, et c'est là, exactement, ce que doit faire la politique et dominer l'économie.

QUESTION - Ma question porte sur la Convention de Schengen. Pardonnez-moi, Monsieur Prodi, mais vous le savez l'Italie est régulièrement et souvent, et dans beaucoup de capitales, soupçonnée ou accusée de laxisme sur le système informatique, sur les différentes façons de gérer cette affaire. Donc je voudrais demander au Président français si les apaisements qui ont été donnés aujourd'hui sont suffisants pour que l'Italie soit susceptible d'adhérer à la Convention de Schengen ?

MONSIEUR JACQUES CHIRAC - Le Président Prodi et le Ministre de l'Intérieur italien, pendant ses conversations avec le Ministre français de l'Intérieur, ont indiqué clairement leur volonté d'aménager la législation, ce qui est commencé, italienne pour qu'elle soit conforme aux exigences de Schengen et deuxièmement leur volonté de maîtriser sur le terrain les phénomènes d'immigration clandestine.

Moi, a priori, je fais confiance au Gouvernement italien. Je vous rappelle, d'ailleurs, que la France n'a de leçon à donner à personne, puisqu'elle-même, elle n'applique pas la totalité de la Convention de Schengen. Nous avons maintenu et nous maintenons de six mois en six mois sur notre frontière du Nord, et en raison des importations importantes de drogue en provenance de Hollande, nous maintenons nos contrôles contrairement à ce que Schengen a prévu. Nous avons fait jouer la dérogation. La volonté exprimée par le Gouvernement italien est claire, et je ne doute pas qu'il la mette en oeuvre. Dans cette hypothèse, je lui fais toute confiance pour rentrer dans Schengen.

QUESTION - Je voudrais demander au Président Chirac s'il partage l'hypothèse d'un Maastricht 3, tel que l'a avancé le Chancelier Khol ?

MONSIEUR JACQUES CHIRAC - Je connais bien le Chancelier Khol et j'attends de l'avoir moi-même entendu évoquer ce problème pour porter un jugement. Moi je ne sais pas ce qu'il a dit exactement, mais je sais que souvent les interprétations données aux propos de tel ou tel homme politique sont très éloignées de la réalité des choses. Alors n'ayant pas entendu le propos, j'attendrai de rencontrer le Chancelier ou de l'avoir au téléphone pour lui demander ce qu'il a voulu dire.

Ce que je peux vous dire en revanche, c'est que la détermination du Chancelier à appliquer Maastricht dans ses modalités et dans ses délais est une volonté totale et sans réserve. C'est d'ailleurs celle qui anime également, Monsieur Prodi et moi-même.

MONSIEUR ROMANO PRODI - Je voudrais remercier le Président Chirac et les Ministres de la Délégation françaises compte tenu de leur contribution importante à cette rencontre.

Merci beaucoup.