Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République française et de Mme Angela MERKEL, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne à l'occasion de la rencontre franco-allemande.


Château de Glienicke - Berlin - (Allemagne)

Jeudi 8 décembre 2005.

LA CHANCELIERE – Bonsoir, Mesdames et Messieurs, je suis très heureuse d'accueillir le Président de la République, ce soir, en Allemagne, et tout particulièrement dans cet endroit symbolique qu'est le château de Glienicke, à proximité du pont de Glienicke qui marquait la frontière entre l'Est et l'Ouest. Pour moi, qui vient de l'autre côté de ce pont, il aurait été impossible de le franchir avant 1989. Rappelons aussi que la Reine Louise, mère du prince qui occupait ce château, y a rencontré Napoléon. C'était donc, à l'époque déja, une rencontre franco-allemande. Cela dit, pour être précis, la rencontre entre la Reine Louise et Napoléon ne s'est pas faite ici, mais à Königsberg.

Pour en venir aux dossiers politiques, c'est la première fois, ici, que nous renouons avec la tradition des rencontres dites de Blaesheim. Vous savez que la semaine prochaine se tient le Conseil européen. L'essentiel de nos discussions sera consacré à la préparation de ce rendez-vous, en particulier sur la question des perspectives financières. Et là, nous avons encore du pain sur la planche.

Par ailleurs, nous aurons le plaisir d'accueillir, en Allemagne, au mois de mars, la prochaine session du Conseil des ministres franco-allemand, qui permettra d'élargir la coopération entre nos deux pays et de la placer sur une base gouvernementale plus large.

Je voudrais également vous faire part d'un premier résultat consécutif à mon déplacement à Paris, au lendemain de mon investiture comme Chancelière. En effet, nos chargés de mission pour les affaires franco-allemandes, avec les chargés de mission pour les questions relatives à l'intégration, vont nous faire un certain nombre de propositions concrètes quant aux possibilités de mieux intégrer les personnes de nationalité étrangère.

Comme vous le voyez, nous avons un programme bien chargé et je vous remercie d'être venus.

LE PRESIDENT - Madame la Chancelière, Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d'abord vous dire combien je suis heureux de vous retrouver après votre dernier passage à Paris et, cette fois-ci, pour travailler. Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre chaleureuse et cordiale hospitalité.

Vous me permettrez, avant de dire deux mots, de vous exprimer la solidarité de la France à l'égard de l'épreuve qui est actuellement celle de Mme Susanne OSTHOFF.

Vous l'avez dit, nous nous retrouvons en séance de travail avec les deux ministres des Affaires étrangères, qui vont tout à l'heure nous rejoindre, pour préparer un peu ce prochain Conseil européen qui est, évidemment, une étape importante dans l'évolution de l'Europe. C'est, une fois de plus, la rencontre de deux militants, la France et l'Allemagne, depuis l'origine pour un projet européen auquel nous sommes tous les deux profondément attachés.

S'agissant des perspectives financières, que vous avez évoquées, nous souhaitons l'un et l'autre qu'un accord puisse intervenir lors du prochain Conseil. Et j'aurai l'occasion de vous dire -mais cela ne vous étonnera pas- que les propositions actuelles de la Présidence britannique ne sont pas satisfaisantes du point de vue de la France. Nous aurons donc l'occasion de voir nos points de vue communs et, je le répète, dans un esprit positif, puisque notre commune volonté, c'est d'arriver à un accord, à condition, bien entendu, que cela soit possible.

Pour la France, ce qui est capital, c'est que chaque Etat, chacun des Etats-membres, prenne une part équitable du coût de l'élargissement. Ce qui pour nous suppose un réaménagement du mécanisme du rabais britannique et que ce réaménagement soit pérenne.

Nous aurons l'occasion, comme vous l'avez dit, Madame la Chancelière, d'évoquer également les problèmes du monde, notamment le Proche-Orient, la Syrie, le Liban, l'Irak, l'Iran, et le Kosovo.

Je me réjouis de votre proposition de réunir le Conseil des ministres franco-allemand au mois de mars, pour évoquer, notamment, les problèmes de l'intégration et, en particulier, de l'intégration des jeunes, mais aussi de la recherche et de l'innovation, dans le cadre de ce que nous avons déjà commencé entre Allemands et Français.

QUESTION - Madame le Chancelière, Monsieur le Président, à propos des perspectives financières, une modification définitive de la question du chèque britannique, c'est-à-dire de façon institutionnelle et non seulement provisoire, est-elle pour vous une condition pour arriver à un accord ?

LA CHANCELIERE - Comme vous le savez, lorsque l'on est dans une phase de préparation des négociations, il est parfois préférable de ne pas isoler un paramètre particulier par rapport aux autres, et il est parfois préférable de ne pas se prononcer de façon définitive sur un tel paramètre. En ce qui concerne la question du chèque britannique, c'est effectivement un sujet à prendre en compte et je considère, moi aussi, que la proposition de la Présidence britannique n'est pas suffisante.

Je suis de cet avis comme toute une série d'autres pays. Par ailleurs, il faut en tout cas utiliser toutes les chances, toutes les possibilités qui nous sont offertes dans ce processus de négociation, afin de chercher, d'obtenir un résultat. La présidence en a parfaitement conscience, et de ce point de vue, c'est une bonne chose que la proposition de la présidence britannique comporte des éléments relatifs au chèque.

Je vous le disais tout à l'heure, il y a beaucoup à faire, beaucoup à travailler sur l'ensemble de ces points, et il est bon, en somme, de ne pas restreindre le propos et de formuler des propositions trop restrictives et trop limitatives d'entrée de jeu. Le but étant d'arriver à un résultat satisfaisant.

QUESTION – J'aimerais avoir vos réactions aux propos du Président iranien, quand il vient de déclarer, après avoir minimisé la question du génocide juif durant la Seconde guerre mondiale, que l'Europe et plus précisément l'Allemagne, devraient donner des territoires à l'Etat juif.

LA CHANCELIERE – Ces propos du Président iranien sont parfaitement inacceptables et, en tant que Chancelière d'Allemagne qui a, à cet égard, une responsabilité face à l'Histoire, je condamne avec la plus grande fermeté ces positions.

Nous sommes résolus à toujours faire absolument tout ce qui est nécessaire pour qu'il n'y ait aucune menace qui plane sur le droit à l'existence d'Israël. Il s'agit d'avoir un regard responsable et lucide sur l'Histoire, ce que je m'attache à faire. Je suis convaincue que la plupart des membres de la communauté des nations partage ce point de vue.

LE PRESIDENT - Juste un mot pour dire que je suis tout à fait sur la même ligne que la Chancelière. Nous avons déjà exprimé notre indignation face au caractère inacceptable des propos qui ont été tenus en Iran, et je note que c'est un sentiment unanime dans l'Union européenne, qui a déjà eu l'occasion d'exprimer son indignation à la suite de propos de même nature.

QUESTION – Madame la Chancelière, quand vous ferez votre tour d'horizon international, est-ce que vous aborderez également le dossier de la lutte contre le terrorisme, notamment de la part des Etats-Unis, et notamment les vols secrets de la CIA ? Est-ce qu'il vous paraît suffisant que la Secrétaire d'Etat s'explique devant une commission parlementaire, ou bien pensez-vous qu'il faille aller jusqu'à une commission d'enquête ?

LA CHANCELIERE – Naturellement, cette question fera également partie de notre tour d'horizon. Comme vous le savez, le ministre britannique des Affaires étrangères a écrit une lettre aux Américains, et je présenterai au Président de la République la position du débat en Allemagne. Mais vous comprendrez bien que je n'ajouterai rien par rapport à ce que j'ai déjà dit sur la question d'une procédure parlementaire.

QUESTION – Est-ce que, entre la poire et le fromage, vous allez aborder le problème d'une TVA réduite pour la restauration ?

LE PRESIDENT - Nous aurons probablement l'occasion d'évoquer ce problème, puisque la présidence britannique a fait une proposition, et j'ai compris qu'elle souhaitait qu'on décide de cette affaire à l'occasion du prochain conseil. Donc nous sommes bien obligés d'en parler.

LA CHANCELIERE – Même si, comme chacun sait, ce n'est pas l'un de mes sujets favoris, en tous cas ce n'est pas un sujet favori en Allemagne, nous parlerons naturellement de cette question.

Je vous remercie.