Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République lors de la 11ème conférence des parties à la convention des Nations Unies sur le changement climatique.

Montreal, Canada, le mercredi 7 décembre 2005.

Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président de la Conférence,
Mesdames et Messieurs,

Le changement climatique s'impose comme une réalité brutale et pressante. Comme la plus grave menace qui pèse sur l'avenir de l'Humanité. Même si des incertitudes scientifiques demeurent, l'accumulation des preuves, les transformations visibles de l'environnement, la multiplication des épisodes extrêmes témoignent d'un phénomène que nul ne saurait plus sérieusement contester.

Face à l'urgence, le monde attend de nous que nous incarnions ici, à Montréal, une volonté collective au service de l'intérêt général de l'Humanité, que nous prenions des décisions courageuses à la mesure du défi.

L'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, consacrée par l'adoption des accords de Marrakech, a marqué un tournant. C'est le socle sur lequel il nous faudra construire. La France a pris toutes les mesures nécessaires et respectera intégralement ses obligations.

Mais les engagements pris jusqu'en 2012 par les pays développés ne constituent qu'une première étape. Nous devons dès maintenant nous préparer à aller beaucoup plus loin. Pour espérer contenir le réchauffement et limiter les graves perturbations qu'il entraîne, il nous faut stabiliser puis diminuer de moitié les émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Pour tenir compte de la croissance des pays en développement, cet objectif requiert un effort accru de la part des pays industrialisés : ils devront diviser par quatre leurs émissions au cours de cette période.

Les coûts de l'action -pour considérables qu'ils paraissent- demeurent très inférieurs à ceux du laisser-aller. Catastrophes dévastatrices, conflits autour des ressources énergétiques, réfugiés du climat, la facture pourrait rapidement devenir insupportable.

Regardons la réalité en face. Les Etats ne construiront pas la réponse au changement climatique en s'en remettant uniquement à des mesures ponctuelles, à des initiatives régionales ou privées, à des dialogues informels ou à des accords partiels. Tout ceci est nécessaire, complémentaire d'une approche multilatérale, mais insuffisant. Et il serait irresponsable de prétendre que l'Humanité n'aura qu'à s'adapter aux changements.

Ne cédons pas non plus à l'illusion technologique ! La coopération scientifique est indispensable pour mettre au point de nouvelles sources d'énergie, des technologies plus propres. Mais ces sauts technologiques n'apporteront pas de solution miracle et l'espoir de progrès futurs ne saurait nous exonérer de nos responsabilités présentes.

L'un des enjeux majeurs de ce siècle, c'est d'engager au plus vite l'inéluctable révolution de nos modes de vie, de production et de consommation. C'est d'intégrer la préoccupation du changement climatique, la responsabilité écologique dans l'ensemble de nos activités économiques. Déjà, nos concitoyens ont pris conscience de l'enjeu. Notre responsabilité est de construire le cadre grâce auquel l'effort de chacun trouvera son sens dans un engagement collectif déterminé.

L'ampleur de la tâche exige une coopération internationale exemplaire dans un cadre multilatéral renforcé et pérenne.


Le moment est venu de dépasser l'opposition factice entre croissance et lutte contre le changement climatique, comme a commencé à le faire le Protocole de Kyoto, avec ses engagements quantifiés, ses incitations à la coopération et ses mécanismes de marché. Cette alliance nécessaire du politique, de l'économique et de l'écologique doit être au centre de vos travaux sur le régime international de lutte contre le changement climatique au-delà de 2012.

Fixer des engagements de réduction à la mesure du défi. S'entendre sur les efforts respectifs des pays riches et émergents. Améliorer les incitations aux transferts de technologies. Aider à l'adoption de modes de développement économes en énergie. Stimuler l'innovation. Aider les pays pauvres à faire face aux conséquences du changement climatique, c'est cela que le monde attend de nous. C'est cela qui doit s'accomplir au sein de la Convention des Nations Unies sur le changement climatique, seule enceinte investie de la légitimité nécessaire à cette tâche.

Contre le changement climatique, la communauté internationale doit se rassembler dans l'engagement et dans l'action, pendant qu'il est encore temps. C'est pour nous tous une responsabilité historique. L'effort qu'il nous faut consentir est immense. La France et l'Europe y sont prêtes. Car, au-delà de nous, il en va du monde que nous lèguerons à nos enfants, de l'avenir même de notre planète.

Je vous remercie.