Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté ecclésiastique de Rome


Rome, le 20 Janvier 1996

Eminences,

Excellences,

Messeigneurs,

Mes Révérends Pères,

Mes Révérendes Mères,

Chers Compatriotes,

Au soir d'une journée chargée d'émotion, c'est avec joie que je vous accueille dans cette Maison de France, résidence du représentant de notre pays auprès du Successeur de Pierre.

Nos compatriotes sont présents et ils sont actifs partout dans le monde. Mais vous, vous êtes aussi les héritiers d'une implantation hors de France aussi ancienne que singulière.

En effet, la présence de la France chrétienne à Rome, dont j'ai pu constater, à Saint-Jean de Latran, l'importance et la vitalité, est une tradition qui nous vient des origines de la Papauté. Elle ne s'est jamais démentie et nous sommes fiers que des Français se voient investis par le Souverain Pontife de hautes charges. Quels que soient les emplois ou les postes, vous faites rayonner, avec notre culture, nos idéaux et notre langue, un art de servir qui nous est propre.

En saluant nos cardinaux, c'est à tous les membres français de la Curie que je rends hommage.

Monsieur le Cardinal ETCHEGARAY, les hautes fonctions qui sont les vôtres, en particulier au conseil pontifical "Justice et paix", vous amènent à parcourir inlassablement le monde au nom de Sa Sainteté. Vous témoignez aux pauvres et aux persécutés, l'affection et la sollicitude du Saint-Père. Citoyens d'un pays porteur d'un message de justice et de solidarité, nous sommes fiers que l'un des nôtres, en votre personne, ait été choisi pour ce service, qui est l'une des priorités de l'Eglise.

L'honneur de la mission qui vous échoit, Monsieur le Cardinal POUPARD, rejaillit sur nous tous. Qui mieux qu'un Français, pourrions-nous dire, pouvait conduire le dialogue de l'Eglise avec le monde de la culture ? Vous êtes vous-même un grand érudit, un grand pédagogue, un homme d'écriture. Vous avez puisé votre culture aux meilleures sources, qu'elles soient littéraires ou spirituelles. Je sais aussi avec quelle autorité, quel enthousiasme et quelle compétence vous accomplissez la mission dont vous a investi la confiance du Saint-Père.

Et je voudrais, car je le ne verrai qu'un peu plus tard, saluer aussi son Excellence Monseigneur TAURAN. Je suis heureux que ce soit l'un de nos compatriotes qui, aux côtés du Saint-Père et du Cardinal Secrétaire d'Etat, guide avec talent l'action diplomatique du Saint-Siège au service de la paix.

Que ce soit à la Curie, mais aussi dans les ordres auxquels vous appartenez, et dont beaucoup sont nés en France, vous témoignez que notre pays demeure terre de foi et terre de raison, terre de liberté et terre de fidélité.

Je me félicite de la présence d'un certain nombre d'entre vous au sein des universités pontificales, dans les athénées ou les séminaires. L'enseignement que vous y dispensez, souvent en langue française, illustre bien les qualités propres au génie de notre peuple.

Dans la "Ville Eternelle", au carrefour des nations et des cultures, vous puisez aux richesses d'une sagesse millénaire. Vous apportez en échange, au monde catholique, ce que notre culture, notre esprit, nos valeurs ont d'universel.

Les siècles n'ont rien érodé de notre vitalité dans la Rome pontificale. Notre empreinte culturelle y est profonde et prestigieuse, magnifiquement préservée des dommages du temps. J'en remercie ce soir les "pieux établissements de la France à Rome et à Lorette" qui ont ici la charge de notre patrimoine artistique.

Mais ce patrimoine, ces institutions ne se veulent pas seulement les témoins d'un passé glorieux. Ils ont su, en s'adaptant aux nécessités du temps, en répondant aux besoins de la vie moderne, faire, là encore, rayonner notre pays.

En organisant, comme à Saint-Louis des Français, comme au couvent Trinité des Monts, l'accueil des pèlerins les plus modestes. En poursuivant leur mission d'éducation. A l'image des religieuses du Sacré-Coeur et de leur "Petite Ecole française" de Trinité des Monts. Comme au séminaire français où, sous la direction des Pères du Saint-Esprit, près de quatre-vingts étudiants se préparent au service des communautés ecclésiales de notre pays.

Je ne voudrais pas oublier l'oeuvre admirable accomplie par les religieuses dominicaines dans leur école de la Via Cassia. Je sais avec quelle générosité et quelle compétence, avec des moyens, dont je connais bien les limites, ces dévouées servantes de la foi s'efforcent d'accueillir enfants et jeunes de toutes nationalités et de tous milieux. Je sais aussi leur contribution à la diffusion de notre culture et de notre langue.

Comment enfin, en m'excusant d'en oublier beaucoup, ne pas évoquer ici le centre d'études Saint-Louis de France ? Le centre Saint-Louis de France est né, il y a tout juste cinquante ans, de l'intuition de Jacques MARITAIN. De sa volonté de voir la France, avec sa longue et brillante tradition culturelle, et en vertu de ses liens millénaires avec la Ville éternelle, prendre toute sa part du renouveau intellectuel dans la Rome de l'après-guerre.

Le demi-siècle écoulé, l'oeuvre remarquable accomplie, l'intimité des liens tissés avec les institutions romaines et ecclésiastiques, attestent la justesse et la grandeur de cette vision.

Riche de sa bibliothèque, de ses enseignements, riche aussi de ses conférences-débats le centre Saint-Louis - institution unique en son genre et que beaucoup nous envient - est devenu un formidable creuset de réflexion culturelle et religieuse.

En ce cinquantième anniversaire, je voulais rendre hommage à tous ceux qui se dévouent pour que rayonne notre pays. Je rends hommage aussi à l'ensemble des personnes, institutions et organismes qui, chacun à sa manière, et que je voudrais tous citer, témoignent ici de notre culture et de notre spiritualité.

A toutes et à tous, j'exprime ce soir ma très profonde reconnaissance et celle de tous les Français. Je veux leur associer tous ceux qui, dans le monde, concourent au prestige et à la réputation de la France, à travers notamment nos établissements d'enseignement à l'étranger.

L'accueil exceptionnel que le Saint-Père a bien voulu me réserver aujourd'hui m'a convaincu - s'il en était besoin - de Sa haute estime pour notre pays et notre culture, dont Il aime à souligner l'enracinement religieux.

J'ai tenu à L'assurer de la fidélité de la France à son héritage. Je Lui ai fait part de nos convergences de combats et de pensées, qu'il s'agisse de notre détermination à poursuivre la paix et le développement, à voir partout respectés les droits et libertés de la personne. Je Lui ai dit combien nos efforts me semblaient se rejoindre et appeler, face à l'avenir et à ses grandes questions, une concertation toujours plus étroite entre le Saint-Siège et la France.

La visite pastorale qu'effectuera le Saint-Père dans notre pays, en septembre prochain, puis Sa visite à Paris, en 1997, à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse, nous permettront d'approfondir encore nos échanges de vues.

Ainsi, mes chers compatriotes, en vous consacrant ici au service de l'Eglise, avez-vous le privilège de pouvoir vivre en sérénité et en plénitude votre foi et votre amour de la France.

Je voulais à mon tour vous témoigner ce soir la gratitude et l'attachement de notre pays. Je souhaitais vous dire enfin combien il a besoin de vous, qui vous trouvez aux avant-postes de l'Esprit et du coeur, pour faire progresser de par le monde les idéaux hérités jadis de l'Evangile.

Je vous remercie.