Interview de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, accordée à "Radio Jeunesse".

Moncton (Canada) le samedi 4 septembre 1999.

QUESTION - Monsieur le Président bonjour, bienvenue sur Radio Jeunesse, merci de nous recevoir.
Vous avez parlé, hier, à l'ouverture officielle de ce VIIIe Sommet ? de la maîtrise des nouvelles technologies de l'information qui doivent être désormais une condition pour affirmer sa propre culture.

Alors, j'ai envie de vous demander comment faire très concrètement pour permettre justement au pays du Sud de la francophonie de rattraper leur retard en ce domaine. Je sais que beaucoup de jeunes, notamment à Radio Jeunesse, viennent des pays d'Afrique et, ayant ce retard à combler, ils demandent et on demanderait peut-être, si j'osais, une réponse très concrète dans ce domaine.

Que peut faire la francophonie ?.

LE PRÉSIDENT - On doit et la francophonie peut participer de façon forte à faire cela, on doit d'abord donner aux jeunes, au plus grand nombre possible de jeunes, la clé du trésor, c'est-à-dire les techniques nécessaires pour utiliser les moyens modernes de communication. Cela veut dire leur apprendre les choses et leur donner les moyens, ensuite, de les utiliser. Leur apprendre, c'est leur apprendre naturellement le fonctionnement de ces moyens mais c'est également leur donner plus largement les bases intellectuelles nécessaires. D'où la nécessité d'un effort important en matière d'éducation et de formation, un effort qui doit soutenir les efforts des États et qui doit mobiliser la communauté internationale. Que chaque jeune ait la possibilité d'accéder au savoir en général, à partir de quoi il peut accéder au savoir particulier qui est celui des nouvelles technologies de communication. Et puis, naturellement, il faudra ensuite qu'ils aient la possibilité matérielle, c'est-à-dire les moyens nécessaires, pour être dans cette civilisation nouvelle. Et de ce point de vue, la francophonie peut à la fois mobiliser des moyens sur le plan international ou en son sein, et c'est cela qu'elle entend faire, c'est l'une des conclusions du Sommet de Moncton et c'est l'une des demandes les plus affirmées par les jeunes qui participent à ce Sommet.

QUESTION - Vous allez rencontrer les jeunes aujourd'hui, vous avez souhaité les écouter. Je voulais savoir : avant d'arriver ici à Moncton qu'est-ce que vous vous attendiez à entendre, qu'est-ce que vous attendez à entendre de la part des jeunes et comment connaissez-vous les préoccupations des jeunes ?

LE PRÉSIDENT - Ce que je m'attendais à entendre, c'est cette volonté d'accéder à la modernité. Cette volonté est affirmée non pas seulement comme ça, comme une fin en soi, mais dans un contexte plus général. Vous avez entendu les jeunes qui se sont exprimés hier devant l'ensemble du Sommet, ils exprimaient une sorte de désir très fort de solidarité, de paix, le témoignage émouvant de cette jeune fille qui avait perdu un pied avec une mine antipersonnel.

Une générosité très forte aussi. Vous savez comment les contacts entre les jeunes du nord comme du sud se font sans qu'il y ait absolument aucune barrière intellectuelle ou du coeur entre eux. Et donc cette double affirmation, la volonté de modernité, qu'on leur donne les moyens et la volonté d'utiliser ces moyens de façon généreuse et pacifique, solidaire, la main dans la main, sont les deux témoignages qui m'ont paru les plus forts. Ceci étant, maintenant, je crois que nous serons bien inspirés de les écouter plutôt que de vouloir leur donner un message.

QUESTION - Merci beaucoup d'avoir accueilli Radio Jeunesse. Bonne journée. Vous allez rencontrer les Acadiens, quelle est la symbolique de cette visite à Memramcook ?

LE PRÉSIDENT - C'est une épopée, une odyssée émouvante s'il en est, qui ne peut laisser, j'allais dire, aucun francophone ou aucun Français indifférent. Mais je dirais ne peut laisser personne indifférent parce que c'est une belle odyssée.

QUESTION - Merci beaucoup.