MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

INVITÉ DU

19/20 SUR FRANCE 3

PRÉSENTÉ PAR MONSIEUR STÉPHANE GAILLARD

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ANGOULÊME - CHARENTE

JEUDI 21 SEPTEMBRE 2000

STÉPHANE GAILLARD: - Merci, Monsieur le Président, d'avoir accepté notre invitation. Je rappelle que cette interview se déroulera en deux temps. Vous êtes l'invité du journal régional et ensuite vous répondrez aux questions nationales et internationales avec Élise LUCET dans le 19/20, partie nationale.

Revenons un petit peu sur la journée. Ce matin, vous avez rencontré des acteurs de ce qu'on appelle " le carrefour pour l'innovation sociale, le travail et l'emploi ", c'est-à-dire que les initiatives- pour la réinsertion, pour un meilleur dialogue social- peuvent partir du terrain.

LE PRESIDENT: - Je voudrais tout d'abord dire que je suis heureux de me trouver ici, vous remercier de votre accueil et dire à tous les habitants de ce beau département et de cette région, mes sentiments d'estime et d'amitié.

Oui, ce matin, j'ai vu sur le terrain une organisation regroupant à la fois les pouvoirs publics, des associations, des organisations professionnelles et syndicales, ayant pour objet de faciliter l'insertion et donc de lutter contre le chômage et contre l'exclusion.

Je crois, en effet, que dans le monde d'aujourd'hui, si le cadre de la solidarité doit être fixé par l'État, des actions de solidarité les plus efficaces émanent, finalement, du territoire. J'en ai eu ce matin une preuve supplémentaire, cela m'a beaucoup impressionné.

QUESTION: - Une décentralisation qui tarde tout de même à se mettre en place. On sait que la Commission mise en place justement par Lionel JOSPIN est mal en point avec le départ des huit présidents de régions de droite. Cela veut-il dire que la décentralisation se bloque en ce moment et y-a-t-il une difficulté de financer les collectivités territoriales ?

LE PRESIDENT: - Je ne voudrais pas politiser les choses. Ce n'est pas dans ma vocation. Mais je voudrais dire que la décentralisation, de même d'ailleurs que ce que l'on appelle la déconcentration, le transfert aussi, d'un certain nombre de responsabilités exercées aujourd'hui par des fonctionnaires à des élus. Je pense, par exemple à la police de proximité. Tout cela est indispensable si l'on veut adapter notre démocratie à notre temps, si l'on veut être efficace, si l'on veut respecter les droits des uns et des autres, si l'on veut profiter de tout ce que les hommes, chaque homme, chaque femme dans notre pays portent de capacités et d'initiatives, de progrès.

Cette décentralisation, pour ne prendre que ce sujet-là, a été engagée il y a maintenant plus de vingt ans et elle n'est pas achevée, elle doit se poursuivre. C'est un problème qui touche à la vie dans notre pays et dans un monde marqué par la mondialisation, les progrès, les technologies de communication, etc.

Donc, je crois qu'il faut faire un très grand effort pour adapter nos systèmes, décentraliser, donner le droit à l'expérimentation, faire en sorte que dans le respect de notre pacte social, c'est-à-dire dans notre Constitution, que l'on ait la possibilité de bénéficier de toutes ces énergies. C'est très exactement ce que j'ai vu ce matin. J'ai vu ce matin, vous l'évoquiez à l'instant, des hommes et des femmes qui donnaient le meilleur d'eux-mêmes à partir d'une parfaite connaissance du terrain pour régler des problèmes concrètement, qui sont ceux que l'on voit ici ou ailleurs et qui ne peuvent pas être appréhendés de la même façon naturellement par des responsables parisiens.

QUESTION: - Alors, vous savez que vous êtes dans une région où la tempête a sévi, on a vu une véritable cohésion sociale autour de cette tempête. Est-ce que cela ne vous ennuie pas, un petit peu, de ne pas voir cette même mobilisation autour d'un acte de démocratie qu'est le référendum ?

LE PRESIDENT: - Le référendum n'est pas un ouragan ! N'est-ce-pas ? Il ne faut pas le prendre ainsi. Je voudrais d'abord dire que cette région a été particulièrement touchée, la solidarité départementale et régionale s'y est exprimée de façon exemplaire et ceci à tous les niveaux. Les niveaux des citoyens, les niveaux des responsables locaux, départementaux et régionaux, naturellement de l'EDF, des services, de tous les services de l'État, des pompiers, etc. Il y a eu une mobilisation, ici, ailleurs aussi, d'ailleurs, mais particulièrement ici parce que l'ampleur du désastre était très grande, admirable. Et dans leur douleur, les Charentais peuvent être fiers de l'image qu'ils ont donné de la solidarité. Ils lui ont donné un véritable visage. Alors, à partir de là, naturellement, maintenant, il faut réparer, il y a encore beaucoup à faire et beaucoup doit être fait. Demain, nous allons en discuter au Conseil général du département où je suis invité et des efforts supplémentaires doivent être fait notamment, naturellement, dans le domaine forestier.

QUESTION: - Alors, un mot puisque vous allez rencontrer les élus locaux. Vous leur avez bien vanté le référendum. Est-ce que vous pensez que vous allez être suivi, écouté ? Est-ce que vous avez entendu de leur côté une certaine compréhension ?

LE PRESIDENT: - Oh, ce n'est pas au niveau des maires que les problèmes se posent. Les maires sont des gens engagés civiquement et politiquement, au sens noble du terme, mais pas au sens partisan du terme. Et qui savent parfaitement ce qu'est la démocratie dont ils représentent un des aspects les meilleurs, les plus exemplaires. C'est au niveau des citoyens qui doivent prendre conscience de l'importance qu'il y a à participer au destin national. Ils peuvent prendre conscience que le vote est le seul moment où il y a une égalité parfaite entre tous les citoyens, sans aucune espèce de restriction et que par conséquent il faut participer.

On ne peut pas à la fois s'interroger sur la décentralisation, sur le fait que des ordres viennent d'en haut, que l'on ne participe pas à l'élaboration des décisions, que l'on ait pas entendu ou écouté. Et puis le jour où on vous demande de participer, être non pas un spectateur mais un acteur, dire : " moi, j'ai autre chose à faire ". Il y a là, une certaine contradiction. Mais tout cela est un problème de culture.

Il est important que dans l'évolution de notre société, le référendum parmi d'autres réformes comme la décentralisation permette de rapprocher les citoyens des décisions qui sont prises et qui les concernent en premier chef.

Et donc, je souhaite qu'on utilise davantage le référendum, chaque fois que cela est nécessaire, tant sur le plan local que d'initiative populaire ou le référendum national comme celui de dimanche, de même que je souhaite que l'on accélère la décentralisation et l'adaptation de notre démocratie.

QUESTION: - Bien, Monsieur le Président, je vous remercie, je rappelle que vous êtes toujours l'invité du 19/20 dans quelques instants pour évoquer cette fois les questions nationales et internationales. Merci.

LE PRESIDENT: - Je vous remercie.