MESSAGE DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC,

PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

A L'OCCASION

DE LA QUATRIEME CONFERENCE INTERNATIONALE

SUR LA PRISE EN CHARGE

EXTRA-HOSPITALIERE ET COMMUNAUTAIRE

DES PERSONNES ATTEINTES PAR LE VIH/SIDA

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PARIS

SAMEDI 4 DECEMBRE 1999

Monsieur le président, Mesdames et messieurs,

Je suis heureux que vous ayez choisi Paris pour tenir cette quatrième conférence internationale sur la prise en charge extra-hospitalière et communautaire des personnes atteintes par le virus du sida.

Placée sous l'égide d'organisations internationales, d'associations et d'institutions engagées au premier rang du combat contre ce fléau, votre conférence sera un lieu privilégié d'échanges.

Intensifier la lutte contre le sida s'impose comme une nécessité au moment où l'ONUSIDA vient de rendre public son dernier rapport, un rapport alarmant qui montre que les réalités dépassent aujourd'hui les prévisions les plus pessimistes : près de 34 millions de personnes dans le monde infectées par le virus, 2,6 millions de femmes, d'hommes et d'enfants tués cette année par le sida.

Certes, dans les pays développés et notamment en France, des progrès considérables ont été accomplis pour la prévention et pour les traitements. Les multithérapies ont rapidement été mises à la disposition des malades. La recherche vaccinale, qui porte en elle le véritable espoir de victoire sur le mal, se poursuit.

Dans la plupart des cas, les progrès thérapeutiques bloquent efficacement la maladie et écartent les infections qui lui sont associées. Ils permettent à de nombreux malades de retrouver foi en l'avenir et goût à la vie.

Mais ces progrès, aussi notables soient-ils, s'accompagnent parfois d'effets secondaires très lourds. Surtout, ils ne garantissent pas une guérison définitive.

Nul ne doit oublier que, même dans les pays développés, le fléau continue à s'abattre sur beaucoup de jeunes vies. Aujourd'hui tout autant qu'hier la vigilance et la mobilisation demeurent nécessaires. Les progrès thérapeutiques ne doivent pas entraîner un relâchement de la prévention. L'adaptation continue des traitements doit être poursuivie. Leur mise à disposition rapide, au profit notamment des malades en situation d'impasse thérapeutique, doit être assurée.

C'est seulement grâce à des efforts persévérants que la maladie continuera à reculer. Le jour viendra où elle sera enfin jugulée.

Mais la situation des pays pauvres est sans commune mesure avec celle que nous connaissons en France. Faute de moyens, faute d'une réorganisation sanitaire permettant d'assurer le suivi des traitements, le sida y tue aujourd'hui plus qu'il n'a jamais tué, parce que les multithérapies tardent encore à être offertes aux malades.

Une action internationale vigoureuse s'impose plus que jamais, notamment en faveur de l'Afrique, si effroyablement touchée par le fléau. Il faut aussi être très attentif à la situation en Europe de l'Est, dont le rapport de l'ONUSIDA vient de montrer la tragique aggravation.

Nous ne pouvons accepter que des millions de malades restent privés d'espoir alors que dans nos pays développés, l'espérance est enfin revenue.

Je l'ai dit à Abidjan il y a deux ans, nous n'avons pas le droit d'accepter qu'il y ait désormais deux façons de lutter contre le sida : en traitant les malades dans les pays développés, en tentant seulement de prévenir les contaminations au sud.

La conscience universelle ne peut se résigner à l'instauration d'une épidémie à deux vitesses.

L'appel que j'ai lancé à déjà permis d'engager des actions en Côte d'Ivoire, au Maroc et bientôt au Sénégal, en Haïti et en Afrique du Sud, notamment pour éviter la transmission du virus de la mère à l'enfant.

Ces initiatives s'ajoutent aux expériences déjà conduites par l'ONUSIDA et par l'organisation panafricaine de lutte contre le sida, notamment au Congo. Les centres de traitement ambulatoire ouverts sous l'impulsion du Professeur Gentilini démontrent chaque jour qu'il est possible d'étendre le traitement du sida aux malades des pays pauvres, en s'appuyant sur les spécificités culturelles de ces pays. Les prises en charges extra-hospitalières sont assurément une voie d'avenir.

Face à une épidémie planétaire, le combat ne peut être que mondial, global et coordonné.

Le temps est venu de donner au fonds de solidarité thérapeutique sa pleine dimension internationale. La France ne peut y parvenir sans l'entier concours de ses partenaires, l'Europe, les Etats-Unis, le Japon, les organisations internationales compétentes et les pays en développement eux-mêmes.

Des rencontres internationales visent régulièrement, notamment au sein d'ONUSIDA, à organiser concrètement la mise sur pied d'une telle stratégie. Je suis très attentif à ces travaux et je soutiens sans réserve les efforts réalisés afin de trouver les meilleures solutions juridiques et techniques.

Vous avez choisi pour votre quatrième conférence de porter une attention particulière aux malades des pays en voie de développement. Tout démontre l'opportunité de ce choix : l'horreur des chiffres et l'ampleur du défi.

Mesdames et messieurs, je connais personnellement nombre d'entre vous et je connais la détermination qui est la vôtre à promouvoir, à travers des projets concrets, une solidarité internationale plus active.

Au premier jour de cette conférence, au cours de laquelle vous allez de nouveau confronter vos expériences et rechercher ensemble les voies d'une généralisation de l'accès aux nouvelles thérapies, je tiens à exprimer à chacune et chacun d'entre vous mes très chaleureux remerciements et à vous assurer de mon soutien constant dans un combat universel qui engage fondamentalement notre conception de l'homme et de la dignité humaine.

Jacques CHIRAC