CONFÉRENCE DE PRESSE CONJOINTE

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

ET DE MONSIEUR LIONEL JOSPIN PREMIER MINISTRE

À L'ISSUE DE LA RÉUNION INFORMELLE DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT

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GAND - BELGIQUE

VENDREDI 19 OCTOBRE 2001

LE PRÉSIDENT -

Mesdames, Messieurs,

Nous avons donc eu la première partie du sommet qui a été consacrée à deux points importants de l'ordre du jour, les deux autres, vous le savez, étant inscrits sur l'agenda de travail du dîner. Ces deux premiers points étaient, les problèmes économiques et monétaires, c'est-à-dire d'une part la situation économique et d'autre part, l'euro, et puis, les problèmes liés à la lutte contre le terrorisme, qui ont fait l'objet de la deuxième partie de nos travaux.

Sur le premier point, je ne ferai pas de commentaire. Le Premier ministre indiquera tout à l'heure ce qui a été évoqué et décidé. Sur le deuxième, je voudrais vous dire comment la France approche ce problème de la lutte contre le terrorisme et de la situation actuellement, notamment en Afghanistan.

Près de maintenant un mois après les attentats du 11 septembre, l'onde de choc de cette tragédie n'a pas encore fini de se propager. Au-delà de l'émotion, nous sommes aujourd'hui confrontés à la nécessité de l'action, c'est évident, et donc nous devons savoir quels sont exactement nos objectifs et les moyens d'atteindre ces objectifs.

Il nous faut, sans aucun doute, mieux définir le défi qui nous est lancé. Il nous faut en mesurer l'ampleur. Il nous faut en cerner l'origine, cela pour apporter des réponses non pas seulement de circonstance, mais des réponses durables à la violence d'une haine aveugle et immédiate, instantanée. Nous devons répondre par une stratégie à long terme tendant à lutter efficacement contre le terrorisme, et notamment le terrorisme international.

L'Europe est sans aucun doute bien placée pour éclairer ce chemin. Elle a été au rendez-vous le 21 septembre. Nous devons réaffirmer aujourd'hui notre volonté commune et développer une véritable stratégie européenne de lutte contre le terrorisme. C'était bien l'objectif de notre réunion de cet après-midi et c'est dans cet esprit que, pour notre part, nous nous sommes exprimés en nous prononçant notamment sur plusieurs axes, dont d'ailleurs nous avions préalablement parlé avec la présidence belge.

D'abord, l'action militaire : cette action est conduite par les États-Unis, elle est engagée depuis plusieurs jours, elle est indiscutablement justifiée puisqu'elle s'exerce dans le cadre de la légitime défense telle qu'elle a été reconnue par le Conseil de sécurité de l'ONU. Son objectif est simple et clair : il s'agit non pas de combattre un peuple, naturellement, mais de combattre un système, de mettre à bas un système, qui est le réseau Al-Qaïda, et le régime à l'intérieur duquel ce système s'est installé et a prospéré, c'est-à-dire le régime des Taleban, qui est aujourd'hui le principal artisan des actions terroristes dans le monde, je parle du système.

La France contribue à cette action. C'est une action difficile. C'est une action qui sera sans aucun doute longue. Il s'agit de cibler directement les responsables et il s'agit de le faire sans agresser le peuple afghan qui est également victime de ce régime archaïque.

Ce qui conduit au deuxième point, c'est-à-dire l'affirmation du fait que l'Union européenne doit se mobiliser pour aider ce peuple victime, le peuple afghan. Avec, nous pensons, trois objectifs. D'abord, une aide humanitaire exceptionnelle. C'est la décision qui a été prise d'ailleurs par l'Union européenne, qui a déjà débloqué plus de 300 millions d'euros, les intervenants essentiels devant être les agences humanitaires et les ONG, dont le courage et la connaissance du terrain sont absolument irremplaçables. Il faut naturellement leur donner le maximum de moyens pour agir car nous ne pouvons pas accepter l'idée d'un drame humanitaire en Afghanistan.

Le deuxième point, c'est de favoriser la transition politique dans ce pays. Le régime des Taleban doit être indiscutablement remplacé, ce n'est pas un régime démocratiquement mis en place. Son comportement interne, vis-à-vis des Afghans, et externe, dans l'aide qu'il apporte sans réserve au terrorisme international, justifie qu'il soit remplacé. Les Afghans doivent pouvoir bénéficier d'un gouvernement stable, représentatif de l'ensemble de la population, qui empêche également la résurgence du terrorisme sur leur territoire. Et, donc, tout doit être fait pour permettre ou faciliter cette transition.

Enfin, il faut préparer la reconstruction économique et sociale de ce pays meurtri par des décennies de guerre.

Le troisième point que nous avons souligné, c'est le devoir que nous avons à l'égard de nos peuples, nous les Quinze. Tout doit être fait pour garantir et assurer la sécurité de nos peuples contre les menaces terroristes qui pourraient apparaître. Et nous devons renforcer à la fois les actions nationales, c'est ce qui est fait par chacun des pays, chacun des gouvernements, mais aussi avoir des mesures communes là où c'est nécessaire. Il nous faut une véritable politique européenne de protection civile qui prenne en compte les nouvelles dimensions de la menace terroriste. Je pense naturellement à cette dimension chimique, biologique, bactériologique. La Commission travaille déjà, et bien, dans ce domaine, et il faut accélérer cette coordination et l'approfondir. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que l'on désigne un coordinateur européen pour la protection civile. Et l'approbation a été unanime et la décision prise immédiatement. Cela figure dans la déclaration adoptée par le Conseil.

Nous devons également nous doter des moyens permettant de lutter contre le terrorisme sur les terrains judiciaire, financier, policier, de renseignement. Il y a eu des progrès très sensibles faits depuis le 21 septembre dans ce domaine, grâce notamment à l'activité très soutenue des Conseils des ministres de l'Union dans ces différents domaines, notamment les ministres de l'Intérieur, les ministres des Finances, les ministres de la Justice, les ministres des Transports, etc. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a encore des progrès à faire et que l'essentiel, aujourd'hui, il nous semble, réside dans la nécessité de réaliser véritablement cet espace judiciaire européen, que la France demande depuis longtemps mais qui semble jusqu'ici patiner. Les terroristes doivent savoir qu'il n'y aura pour eux aucune terre d'asile en Europe.

C'est pourquoi l'engagement que nous avons pris au sujet du mandat d'arrêt européen est à nos yeux si important. La France appuie résolument, vous le savez, cette démarche. Elle l'a fait dans les Conseils des ministres de la Justice. Il est vrai que le dernier Conseil des ministres de la Justice a été un peu décevant puisque les discussions ont piétiné. Il faut que chacun fasse preuve de volonté politique. Il faut que tous, nous acceptions les changements qui résulteront dans notre droit interne de l'institution de cet espace judiciaire européen, et de ce mandat d'arrêt européen de façon, je le répète, à avoir un système moderne de lutte contre le terrorisme. Nous ne pouvons plus accepter que le terrorisme puisse jouer des différences de législation dans nos différents pays pour se mettre en réalité tranquillement à l'abri. Il en va de même d'ailleurs pour ce qui concerne la lutte contre le financement des actions terroristes, lutte pour laquelle il y a eu tout de même des progrès importants faits à l'initiative des ministres des Finances et dans le cadre, maintenant, du GAFI. Mais là encore, il y a des différences de législation qui ne sont plus acceptables, aujourd'hui, compte tenu de l'enjeu.

Nous devons aussi prendre à bras le corps le règlement des crises régionales. Ces crises ne sont pas en elles-mêmes la source du terrorisme, mais il est évident qu'elles donnent au terrorisme une sorte d'alibi, un faux alibi probablement, mais un alibi, et que, par conséquent, il faut faire le maximum pour retrouver la paix et la sérénité là où il y a des crises.

Vous avez compris naturellement que je pense à la crise israélo-palestinienne et à la nécessité que l'ensemble de la communauté internationale se mobilise, notamment l'Union européenne, avec les États-Unis, avec le Secrétariat général de l'ONU, avec les pays arabes modérés de la région, pour faire en sorte qu'Israéliens et Palestiniens reviennent à la table des négociations et repartent dans un processus de paix. Il y a sur ce point un paragraphe important et clair dans la déclaration.

Après le Moyen-Orient, nous devons traiter le problème des pays et des zones où le droit, en réalité, ne s'applique pas. En quelque sorte des zones de non-droit. Partout où les flux financiers et les armes circulent sans contrôle, où les hommes et les femmes sont chaque jour assassinés, où le pouvoir est livré à des bandes sans aucune responsabilité politique, partout où les principes de l'ONU sont bafoués, il existe un risque évident de mouvements pour qui le terrorisme est un moyen d'action parmi d'autres.

Enfin, il faut bien souligner qu'il existe une dimension culturelle au défi qui nous est lancé. C'est ce que j'avais voulu souligner dans une récente intervention devant l'UNESCO. Non seulement les terroristes prétendent poursuivre des objectifs politiques, mais ils se targuent en plus de défendre une culture, une civilisation. C'est une double imposture. Ce sont des imposteurs et il faut les dénoncer comme tels. Et l'Europe, à ce sujet, doit évidemment affirmer une vision du monde fondée sur le dialogue des cultures et le respect de l'autre.

C'est tout cela que nous avons évoqué cet après-midi. C'est en gros autour de cette conception des choses que l'ensemble du Conseil s'est rassemblé et la substance même de la déclaration qui a été adoptée.

Voilà, si vous voulez bien, je vais demander au Premier ministre de rappeler la première partie de nos travaux qui, elle, était de nature économique et monétaire.

LE PREMIER MINISTRE - Monsieur le Président de la République, Mesdames, Messieurs, par économie de temps et comme nous l'avons fait d'ailleurs devant ce conseil informel, je vous rendrai compte de ce qui a concerné l'approche de la situation économique après le 11 septembre et puis du bilan de la préparation de l'euro qui est un rendez-vous extrêmement important pour les Européens dans soixante-quinze jours environ.

Tous les gouvernements européens évidemment scrutent la situation économique et son évolution avec attention, non seulement parce qu'il y avait déjà une conjoncture préalable, notamment aux États-Unis et au Japon, mais parce que le 11 septembre a eu des conséquences que nous ne pouvons pas d'ailleurs encore tous mesurer.

L'analyse est assez partagée et je m'exprimerai par deux mots, la prudence et la confiance. La prudence parce que l'économie européenne est indiscutablement affectée, le choc économique subi aux États-Unis a des répercussions en Europe. La confiance parce que nous pensons que les données de l'économie européenne permettent à celles-ci d'absorber ce choc : les finances publiques sont saines ; la consommation est stimulée souvent par des réductions fiscales ; le surinvestissement dans les nouvelles technologies, même s'il a existé en Europe, a été moins important qu'aux États-Unis donc l'éclatement de la "bulle spéculative" moins pénalisante.

L'opinion, celle de la Commission, celle des États membres, celle semble-t-il aussi de la Banque centrale dont le président s'est exprimé en tout cas à propos de l'euro est que, si notre économie est pilotée de manière appropriée, elle est suffisamment dynamique et saine, je parle de l'économie européenne en général, pour surmonter rapidement les conséquences des attentats du 11 septembre.

Un certain nombre de pistes d'actions collectives ont été esquissées, avec l'idée centrale que nos politiques économiques doivent être réactives afin de s'adapter en temps réel à l'évolution de la conjoncture. Nous avons suggéré que les ministres de l'économie et des finances soient chargés à l'ECOFIN de cet examen constant pour que nous puissions réagir de façon rapide.

Il y a aussi un consensus entre nous, m'a-t-il semblé, pour dire que tous les moyens de la politique économique doivent être utilisés pour limiter l'ampleur et la durée du ralentissement en Europe. La politique monétaire est peut être l'outil principal de cette réponse collective, vous savez qu'elle a été actionnée le 17 septembre et nous l'avons saluée. La déclaration adoptée souligne d'ailleurs que le bas niveau de l'inflation devrait dégager des marges de manoeuvre supplémentaires pour aller plus loin et j'ai indiqué qu'il était important d'exploiter ces marges de manoeuvre afin d'éviter toute utilisation excessive de l'arme budgétaire.

La politique budgétaire doit également, sans remettre en cause nos objectifs de moyen terme, traduire notre préoccupation de réactivité. Le principe que nous avons tous retenu de laisser jouer les stabilisateurs économiques automatiques permet de ne pas amplifier le choc de confiance issu du 11 septembre.

Enfin, dans une perspective de soutien à la croissance de moyen terme, nous avons décidé de mobiliser les financements dans la Banque européenne d'investissement au profit d'un effort ambitieux en faveur des investissements européens d'infrastructure. Dans ce cadre, il me semble que les mesures de consolidation annoncées tout récemment par le ministre de l'économie et des finances en France visent à soutenir la consommation et l'investissement dans les mois qui viennent. Elles visent aussi à aider les secteurs directement touchés, et elles doivent donner à l'économie française cette réactivité nécessaire dont je parlais pour absorber le choc sans dégradation de notre position budgétaire à moyen terme.

Le second point qui a été examiné dans la première partie de ce conseil, touche à l'euro, à dix semaines de l'introduction des pièces et des billets. Nos débats se sont articulés autour d'un rapport d'évaluation de la Commission, et là aussi il y a eu une déclaration.

Les constats globaux que nous avons tirés, qui sont d'ailleurs en accord avec l'analyse de la Commission, sont encourageants, les préparatifs pour le passage à l'euro avancent bien. L'évaluation de la Commission est en particulier très encourageante pour ce qui concerne la France. Si l'on prend les bonnes pratiques identifiées par la Commission, on constate qu'elles ont été mises en oeuvre très tôt par la France. L'ensemble des acteurs du passage à l'euro, banques, commerçants, consommateurs, administrations, Gouvernement, ont travaillé à cela, vous le savez, au sein du Comité national de l'euro.

Nous avons pensé pour autant que nos efforts ne devaient pas s'arrêter là et que notre mobilisation devait être encore renforcée, parce que l'on se rapproche de l'échéance. Deux domaines à cet égard ont été évoqués. D'une part le fait que la préparation des plus petites des entreprises demeure insuffisante, nous devons donc les aider encore pour franchir, sans heurt, le basculement à l'euro.

D'autre part nous devons veiller à écarter toute hausse des prix à l'occasion du passage à l'euro. Les indicateurs économiques à cet égard sont positifs, puisqu'ils montrent que le niveau d'inflation est très faible dans nos pays et en particulier en France. Mais il existe des pratiques abusives ponctuelles qui peuvent avoir, même si elles sont limitées, des effets psychologiques négatifs en laissant apparaître une perception, pourtant fausse, d'une "valse des étiquettes".

Nous avons tous dit, et y compris dans la déclaration, que nous devions veiller à ce que les engagements de stabilité des prix soient tenus, nous serons très vigilants sur ce point et les abus devront être dénoncés fermement.

La Commission a souligné également dans son rapport un point sur lequel j'ai tenu à insister, c'est la question des paiements transfrontaliers. Aujourd'hui en France, vous le savez, la tarification bancaire des paiements nationaux, paiements par carte, retraits au distributeur, paiements par chèque, virements, est pour l'essentiel gratuite ou en tout cas très favorable aux consommateurs. Des situations de ce type, pas toujours aussi favorables, existent naturellement dans les autres pays européens.

À l'inverse, la tarification des paiements transfrontaliers est élevée, parfois même prohibitive, pour des raisons d'ailleurs assez peu compréhensibles. Ainsi un résident français retirera gratuitement des billets dans un distributeur automatique à Strasbourg, mais il paiera des frais à Gand ; ce n'est pas Gand, cette ville magnifique qui nous accueille qui est visée, cela peut jouer naturellement dans les deux sens.

Il faut mettre fin à cette situation, dès que possible, car en effet comment convaincre les Français et les Européens de l'utilité de la monnaie unique, si les commissions de change d'antan étaient maintenues sous forme de frais de gestion. Cela serait incompréhensible. Nous avons insisté, parce que si une négociation a débuté à Bruxelles pour aligner les tarifs transfrontaliers de la zone euro sur les tarifs nationaux, nous trouvons que les discussions techniques n'avancent pas comme elles devraient avancer. À l'initiative de notre pays, le Conseil européen a souhaité, aujourd'hui, donner l'impulsion politique nécessaire à son bon achèvement. La négociation devra donc être achevée avant Laeken.

Voilà, Monsieur le Président, l'essentiel de ce que je voulais ajouter pour informer correctement les journalistes que nous rencontrons avec plaisir.

QUESTION - Permettez-moi, Monsieur le Président, deux questions de Al-Jazira. D'abord, M. PRODI a déclaré à Bruxelles qu'il était déçu du mini-sommet de cet après-midi. Est-ce qu'il a raison de l'être ? Et ma deuxième question : vous avez déclaré, les chefs d'État et de gouvernement, le 12 septembre, que la démocratie et le développement, c'est le chemin pour résoudre le problème du terrorisme. Mais le sommet du 21 septembre n'a pas parlé de cela, ni de démocratie dans le monde arabe, ni de développement. Et, aujourd'hui, on ne parle pas de démocratie et de développement dans le monde arabe...

LE PRÉSIDENT - Pour la première question, j'ai rencontré M. PRODI en arrivant. Je lui ai expliqué pourquoi il avait mal interprété les choses. Il en a bien volontiers convenu et il n'y a pas eu l'ombre d'un problème, comme d'ailleurs l'a noté, en début de séance, le Président, le Premier ministre belge, M. VERHOFSTADT.

Quant à la deuxième question, nous avons parfaitement parlé de démocratie et de développement, vous le verrez dans la déclaration. L'objectif, précisément, de notre action, je l'ai dit tout à l'heure, en Afghanistan, action que nous approuvons comme elle a été approuvée par l'ensemble des Nations Unies, par le Conseil de sécurité, à l'unanimité, consiste à éradiquer un système archaïque et dangereux. Dangereux pour les Afghans et dangereux pour le monde. Et à lui substituer un système que nous souhaitons démocratique et auquel nous donnerons tous les éléments nécessaires pour assurer son développement.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez insisté sur la nécessité de réaliser l'espace judiciaire européen, et en particulier sur l'urgence de mettre en place le mandat d'arrêt européen. Vous avez dit aussi, je crois, si je ne me trompe pas, que jusqu'ici cela patinait. Est-ce que vous pensez que la date qui avait été fixée le 21 septembre, c'est-à-dire le 7 décembre, va être respectée ? Et est-ce que le Conseil européen, aujourd'hui, a une nouvelle fois, dans sa déclaration officielle, insisté, exigé la réalisation de ce mandat d'arrêt ?

LE PRÉSIDENT - Oui, je crois que la date sera respectée parce que les ministres de la Justice ont beaucoup travaillé. Et on est, je pense, assez près d'une solution qui répondra à la fois aux objectifs recherchés et aux exigences de certains États membres. Donc je pense que la date sera respectée.

QUESTION - Deux questions : première question à propos du mini-sommet, à nouveau. Beaucoup ont vu dans ce mini-sommet l'émergence d'un directoire au sein de la politique étrangère et de sécurité commune. Que répondez-vous à ces critiques ? Deuxième question : dans le projet de conclusions, il était question de la chute du régime des Taleban comme but légitime de guerre. Pourquoi est-ce que cette mention finalement a disparu ?

LE PRÉSIDENT - Sur la deuxième question, je n'ai pas de réponse parce que je ne vois pas très bien à quoi vous faites allusion.

Sur la première question, je l'ai dit tout à l'heure, mais je veux bien y revenir de façon un peu plus précise. Il n'y a évidemment aucune volonté d'élaborer un directoire. C'est une vieille, vieille idée qu'on ressort régulièrement. Je la vois ressortir chaque fois qu'il y a une initiative quelconque depuis trente ans. C'est vrai en particulier chaque fois que la France et l'Allemagne adressaient une lettre à leurs partenaires avant un sommet. On disait : "ah ! C'est le directoire franco-allemand !" Et puis, naturellement, quand ils ne l'adressaient pas, on disait : "ah ! Mais, si on tombe en panne, c'est parce que les Français et les Allemands n'ont pas voulu mettre, donner l'impulsion nécessaire". Tout cela, ce sont évidemment des propos sans intérêt.

Sur cette réunion que nous avons faite qu'aujourd'hui : nous avons régulièrement, pour des raisons strictement militaires et qui ne concernent que nous, Allemands, Anglais, Français, des réunions. À l'échelon des chefs d'état-major, à l'échelon des ministres de la Défense, à l'échelon des chefs d'État et de gouvernement.

C'est tout à fait régulier. Nous avions besoin de nous voir et nous avons décidé de profiter de cette opportunité, de notre présence ici, pour le faire. J'avais d'ailleurs, dès mercredi en début d'après-midi, informé le Premier ministre belge, M. VERHOFSTADT, qui n'y avait vu aucun inconvénient, que des avantages. Il n'y avait aucun problème. Personne n'avait soulevé la moindre question. Là-dessus, il y a eu une démarche très vive de M. BERLUSCONI pour contester cette initiative et on a ainsi posé un problème qui n'existait pas. La réunion s'est tenue. Elle n'avait absolument pas pour objet de parler de l'ordre du jour du sommet européen. Elle avait simplement pour objet de nous donner l'opportunité le plus commodément possible d'évoquer un certain nombre de problèmes militaires qui nous concernent nous, et que nous. Ce qui a naturellement été fait. Et nos partenaires l'ont ensuite parfaitement compris et le Premier ministre belge, en tant que Président du Conseil, l'a indiqué dès le départ. C'était un quiproquo.

Voilà, je tiens à vous le dire de façon à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Il n'y a aucune espèce de volonté de faire émerger un directoire en matière de politique étrangère et de sécurité. Cette idée qui, je le répète, est vieille comme le monde, est dépourvue de tout fondement. Et d'ailleurs de tout intérêt.

QUESTION - Est-ce que cette concertation entre la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne signifie que l'on se rapproche du moment où la France pourrait s'engager militairement en Afghanistan sur le terrain ?

LE PRÉSIDENT - C'est une question qui n'est pas pour le moment, je dirais, d'actualité. La France a fait connaître que, si la question se posait, elle l'examinerait et qu'elle le ferait naturellement d'une façon très ouverte, mais en tenant compte de la mission et des modalités, de l'objectif et des modalités. Et, dans l'état actuel des choses, la question est prématurée. J'ajoute que, pour des raisons évidentes, un minimum de discrétion est nécessaire dans ce domaine.

QUESTION - Je voulais vous poser à tous deux la même question : est-ce que le fait que la France refuse d'extrader ses nationaux continue à poser problème dans le cadre de la constitution du mandat d'arrêt européen ?

LE PREMIER MINISTRE - Non, la France est favorable à la mise en oeuvre d'un mandat d'arrêt européen. Nous sommes prêts à aller loin dans la réalisation de l'espace judiciaire européen. Un certain nombre, non pas de réticences, mais de problèmes peuvent être posés par quelques pays membres et nous nous efforcerons de participer sur ce plan à la réalisation d'un consensus et avec une ambition qui, en ce qui nous concerne, est réelle parce que nous sommes convaincus, à l'expérience, que c'est la garantie de l'efficacité.

QUESTION - Je voulais savoir si vous prévoyez que le Président DUISENBERG va servir tout son mandat de huit ans et, sinon, qui va le remplacer ?

LE PRÉSIDENT - Cette question n'est pas d'actualité en 2001.

QUESTION - Le Président PRODI a indiqué hier qu'il y a beaucoup de suggestions pour qu'après les attentats du 11 septembre, vu le ralentissement de la croissance économique générale, on ralentisse l'élargissement. Est-ce que vous partagez ce point de vue ? Croyez-vous qu'après le 11 septembre, à cause de la croissance économique qui n'est pas aussi bonne qu'avant, aussi chez les pays candidats, on puisse reconsidérer la date de la fin des négociations ?

LE PREMIER MINISTRE - C'est ce soir, au cours du dîner, que nous devrions parler des problèmes d'élargissement ainsi que de l'avenir de l'Europe, du futur débat institutionnel mais, sans anticiper sur la discussion, je n'ai rien vu dans les relations avec nos collègues, dans les analyses de la Commission, qui puisse permettre d'accréditer cette thèse. Nous n'avons nullement a priori commencé à penser que la situation économique plus incertaine devrait ralentir l'élargissement. Par contre, les exigences qui sont formulées à propos de l'élargissement en direction des pays candidats, mais aussi en direction des États membres de l'Union, sont peut-être effectivement renforcées mais c'est tout ce qu'on peut dire. Il y a un point peut-être sur lequel je voudrais insister -et ce n'est pas du tout parce que c'est une journaliste polonaise qui me pose la question- : c'est qu'il y a certainement un domaine sur lequel nous serons très attentifs c'est la lutte contre le terrorisme et le souci de traquer les financements illégaux. C'est un dossier qui a pris maintenant une importance absolument cruciale, y compris pour notre sauvegarde collective, et c'est un point sur lequel il faudra que nous soyons tout à fait intransigeants. C'est une question très importante, concrète, mais qui ne vise pas notamment le pays au nom duquel vous vous exprimez.

QUESTION - Monsieur le Premier ministre, vous avez une expérience, maintenant, des Conseils européens. Est-ce que vous considérez qu'il y a des progrès dans la coordination budgétaire et est-ce qu'aujourd'hui, vous avez eu le sentiment, mitigé ou pas, que la France était mise en accusation plus ou moins voilée, je le dis avec prudence, sur ses propres déficits publics ?

LE PREMIER MINISTRE - Vous avez raison de formuler votre question avec prudence parce que ces tonalités n'étaient absolument pas présentes dans la discussion d'aujourd'hui et je dirais au contraire que par rapport à plusieurs suggestions que j'ai faites dans le débat pour amender la résolution, j'ai eu le plaisir de voir que nos propositions étaient acceptées dans la tonalité sur tel ou tel sujet. Donc soyez rassuré pour notre économie.

LE PRÉSIDENT - Je vous remercie.