Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors du dîner d'Etat offert en l'honneur du Président du Portugal et de Mme Jorge SAMPAIO.


Palais de l'Elysée, le lundi 11 avril 2005.

Monsieur le Président de la République,
Chère Madame,

C'est un plaisir tout particulier de vous recevoir pour cette visite d'Etat. Un plaisir personnel, nourri du souvenir de la chaleur de votre accueil à Lisbonne il y a maintenant près de six ans. Un plaisir partagé par mes compatriotes, tant sont grandes la confiance et l'intimité qui unissent nos deux peuples et nos deux pays. Mon épouse et moi-même, ainsi que tous les Français, vous souhaitons la plus cordiale et la plus amicale des bienvenues.

Le Portugal est à nos yeux un pays singulier. Par delà notre amitié, il entre dans notre relation de l'affection et de la fraternité. Parenté des dynasties depuis les origines de l'Etat portugais, héritage d'empires qui ont contribué à dessiner le visage du monde, grands brassages humains qui marquent notre histoire commune la plus récente, nous avons en partage une longue tradition d'échanges et d'influence réciproque.

Tout unit nos deux nations : notre caractère latin, notre façade atlantique, notre engagement dans l'espace méditerranéen, notre attachement à ces rivages découverts par les navigateurs portugais dont la hardiesse suscite toujours notre admiration. C'est le ferment d'une relation sereine, ancienne et forte, qui nous permet d'agir ensemble pour relever les défis du présent.

Aujourd'hui, bâtir l'Europe est notre destin commun. Le peuple portugais, comme le peuple français, devront bientôt se prononcer sur le Traité constitutionnel européen et ceci par la voie du référendum. Vous comme moi en sommes convaincus : ce Traité ouvre à l'Europe les portes de l'avenir. C'est pourquoi nous mettons tout en œuvre pour que ce grand débat démocratique aboutisse à un succès. Pour donner à l'Europe et donc à nos pays les atouts et les capacités de peser davantage dans notre monde et de s'y épanouir harmonieusement face aux grands ensembles qui montent en puissance tout autour de la planète. Pour promouvoir une Europe plus démocratique où les citoyens trouvent toute leur place. Pour affirmer le modèle social européen, fondé sur la justice et la solidarité. Pour renforcer la compétitivité de nos entreprises dans la grande course économique mondiale. Pour toutes ces raisons, nous sommes profondément engagés.

Lisbonne a donné son nom à cette ambition européenne de parvenir à un développement économique et social équilibré, faisant toute leur place aux questions d'environnement, aux attentes de notre jeunesse et nos deux pays prennent toute leur part dans cette ambition commune.

Le Portugal et la France peuvent ensemble faire bénéficier l'Europe de leur tradition d'ouverture sur le large car il n'est pas de continent que nos pays n'aient voulu explorer. Que ce soit l'Afrique, l'Asie ou l'Amérique Latine, ils entretiennent avec tous des relations indissociables qu'ils sont bien décidés à poursuivre et à approfondir encore.

Notre attachement mutuel à l'Afrique, forgé par des liens profonds et intimes qui nous obligent, doit être un terrain privilégié de coopération au service de la paix, au service du développement.

Animés des mêmes valeurs humanistes et du même souci d'une mondialisation qui soit plus juste et plus équitable, nous sommes résolument engagés dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour faire du Sommet de septembre prochain à New York un grand succès. Je salue la décision du Gouvernement du Portugal de placer ces objectifs au premier rang de ses priorités en matière de coopération.

Ces promesses ne pourront être tenues sans un effort exceptionnel et la mise en place de solutions innovantes, à la hauteur de l'enjeu. Tel est le sens des propositions que la France, avec d'autres, au premier rang desquels le Président LULA du Brésil, souhaite promouvoir en matière de nouveaux mécanismes de financement du développement.

Nous partageons aussi la conviction que le développement démocratique, économique et social de la rive sud de la Méditerranée est l'une des clefs de notre propre avenir. La commémoration, cette année, du dixième anniversaire du processus de Barcelone en est une nouvelle occasion de travailler ensemble, notamment avec l'Espagne, à l'approfondissement des liens de toute nature qui nous unissent à nos partenaires du Sud.

Aidons également l'Union européenne à relever le défi d'une politique maritime commune. Quels pays sont mieux placés que les nôtres, de par leur géographie, de par leur tradition, pour veiller à ce que l'Europe ait une grande ambition maritime ? Je pense aux transports, à la sécurité maritime comme à une gestion raisonnée des ressources halieutiques ou à l'indispensable protection de notre environnement.

Monsieur le Président,

Le Portugal et la France, à l'origine chacun d'une tradition linguistique qu'ils ont en partage avec de nombreux peuples du monde, doivent mobiliser l'Europe pour en faire le champion inlassable et déterminé de la diversité culturelle. Francophonie et Lusophonie incarneront d'autant mieux cette ambition qu'elles sauront resserrer les liens qui les unissent et mettre en commun leurs capacités de proposition. Affirmons ensemble cette exigence d'une Europe respectueuse de la richesse et de la diversité de ses langues.

Vous êtes venu Monsieur le Président avec le souci de soutenir l'enseignement et la diffusion de la langue portugaise en France. Notre appui vous est entièrement acquis, à l'instar de nos propres aspirations pour le développement du français au Portugal. Avec les réseaux de classes bilingues, avec l'enseignement généralisé et le plus précoce possible d'une seconde langue étrangère obligatoire, avec l'accès facilité à l'enseignement supérieur du pays partenaire, nous aurons toutes les solutions pour y parvenir.

Monsieur le Président,

La France est aujourd'hui votre troisième partenaire économique et commercial. Sachons accompagner davantage les énergies et les talents que recèlent nos entreprises, nos universités, nos centres de recherche, nos collectivités territoriales, pour développer un véritable partenariat du savoir, de l'innovation et de la compétitivité. Nous sommes déjà votre premier partenaire scientifique et je me réjouis que pendant votre séjour, à Paris comme à Lyon, vous abordiez en détail ces questions d'avenir.

Nous célébrons aujourd'hui une relation exceptionnelle, forte d'un atout unique légué par notre histoire commune. Je veux parler de ces femmes, de ces hommes, de ces familles qui se sont forgé une double appartenance, devenant ainsi des citoyens européens par excellence. Ils ont apporté à la France leur énergie, leur courage, leurs talents. Ils sont aujourd'hui plus d'un million en France, modèles de réussite et d'harmonie entre leur culture d'origine et leur culture d'accueil. Il n'est pas un secteur d'activité où ne se distinguent ces Franco-portugais, ces luso-descendants, qu'il s'agisse de la vie politique, de l'industrie, des affaires, de la pensée, des arts, des spectacles ou du sport. Plusieurs d'entre eux sont avec nous ce soir. Je leur adresse le salut du cœur, un salut particulièrement amical et chaleureux car ce sont eux, avec tant d'autres hommes et femmes, qui confèrent toute son originalité et toute sa force à la relation entre nos deux pays.

C'est pour célébrer ces affinités exceptionnelles qui unissent nos deux nations que je souhaite maintenant lever mon verre. Je le lève, Monsieur le Président, en votre honneur, et en l'honneur de Madame Jorge SAMPAIO à qui je présente mes très affectueux et respectueux hommages. Je le lève en l'honneur des hautes personnalités qui nous entourent ce soir et qui font vivre l'amitié si profonde et séculaire entre nos deux peuples.

Vive le Portugal !
Vive la France !
Et vive l'amitié franco-portugaise !