Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lu par Mme Simone VEIL à l'ocasion des Etats généraux de la Démocratie locale et de la Parité.

Palais du Luxembourg, Paris le lundi 7 mars 2005.

Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames les Ministres,
Mesdames les Maires,

Je veux d'abord vous dire toute l'importance que j'attache à la tenue de ces premiers États Généraux de la Démocratie locale et de la Parité. Ils marquent à mes yeux une nouvelle étape, essentielle, sur le long et patient chemin de la parité, qui est un chemin de justice mais aussi de légitimité et de représentativité de nos institutions et de notre vie publique.

Pour la première fois en effet, plusieurs centaines de femmes, maires de leur commune, vont débattre de l'avenir de la Cité et réfléchir ensemble aux moyens d'améliorer la participation des femmes à la vie publique. Je vous félicite pour votre mobilisation et je remercie Monsieur le Président du Sénat d'avoir pris cette initiative. Je salue également les sénatrices et sénateurs qui participeront à vos travaux.

La vitalité de toute démocratie se mesure à la place qu'elle réserve aux femmes.

C'est d'abord une question d'égalité. Le principe d'égalité, qui est au cœur de la démocratie, implique que l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives soit juridiquement garanti. Il commande également de s'assurer concrètement, au-delà des seuls principes, de la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, pour que les responsabilités dans la prise de décision publique soient effectivement partagées. Lorsque, de fait, l'élection écarte les différences avant de considérer les compétences et le souci de servir, notre démocratie est dévoyée. Trop longtemps, elle s'est contentée de garantir l'égal accès en négligeant l'objectif d'égale représentation. Elle s'en est trouvée affaiblie.

Agir en faveur d'une meilleure représentation des femmes dans la vie publique, ce n'est pas seulement agir en faveur de l'égalité. C'est aussi faire prendre une certaine orientation à notre vie démocratique. Chacun le sent, les décisions prises par des femmes ne sont pas toujours les mêmes que celles des hommes, et elles ne sont pas toujours prises de la même manière.

Élire des femmes, j'en ai la conviction, qui se fonde sur mon expérience de notre vie publique, c'est faire toute sa place, dans la prise de décision publique, au genre qui incarne et sait faire prévaloir la vie humaine, avec ses forces et ses vulnérabilités. C'est faire toute leur place aux qualités de tolérance, de ténacité et à ce goût de la liberté que l'histoire si particulière des femmes leur a conféré, avec une pleine citoyenneté acquise il y a à peine soixante ans et des droits conquis de haute lutte. C'est tourner le dos à une certaine brutalité dans la vie politique et publique. C'est se donner les moyens de réagir plus vigoureusement aux menaces de régression contre la mixité et l'égalité des sexes qui se font jour dans notre société. Dans l'action politique, c'est enfin se préoccuper encore plus de l'efficacité et de l'acceptabilité des décisions comme des résultats concrets à en attendre, en reléguant plus souvent au second plan esprit de conquête et manifestations de pouvoir.

En favorisant une meilleure représentation des femmes, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 et les lois du 6 juin 2000 et du 11 avril 2003 nous ont déjà permis d'accomplir de premiers progrès. Chaque scrutin à venir nous en fera accomplir de nouveaux. Notre démocratie s'en trouvera modernisée. Mais nous ne sommes pas, loin s'en faut, au bout du chemin, notamment en ce qui concerne l'accès aux fonctions exécutives locales ou au Parlement. Je souhaite que le Gouvernement entreprenne une réflexion sur les moyens de rendre la parité réellement effective à l'occasion des scrutins uninominaux. Cela doit se faire dans un dialogue consensuel avec les partis politiques, car il leur appartient au premier chef de s'impliquer toujours davantage en faveur d'une meilleure représentation des femmes.

Mais le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes ne se résume pas à l'accès aux responsabilités politiques. Le combat doit également être mené sans relâche pour garantir dans les faits l'égalité de traitement à l'embauche, l'égalité de rémunération, mais aussi l'égalité des chances dans les déroulements de carrière. J'ai demandé au Gouvernement de présenter, dans de brefs délais, un projet de loi tendant à les garantir par le dialogue social. Il nous faut par ailleurs lutter avec détermination et persévérance contre les discriminations dont les femmes sont encore victimes. Ce sera l'une des missions essentielles de la Haute autorité de lutte contre les discriminations.

Toutes celles et tous ceux qui oeuvrent en faveur de l'égalité et du respect des droits des femmes le savent, l'Europe est dans ce domaine aussi, un puissant moteur de changement. A chaque étape de sa construction, l'Union européenne a toujours su œuvrer avec volontarisme pour faire progresser l'égalité et faire reculer les discriminations. En hissant l'égalité entre les femmes et les hommes au rang des valeurs de l'Union, valeurs que devront respecter tous les pays membres comme les candidats à l'adhésion, la Constitution interdit désormais tout retour en arrière. Avec elle, le mouvement vers l'égalité devient irréversible. Parce qu'elle donne à la Charte des droits fondamentaux, qui consacre les droits des femmes, une force légalement contraignante ; parce qu'elle renforce la dimension de l'égalité dans toutes les politiques de l'Union ; parce qu'elle nous donne les moyens de mieux combattre l'exploitation sexuelle des femmes et les violences domestiques, l'Europe, une nouvelle fois, nous accompagne et nous montre le chemin commun vers cette nouvelle frontière qu'est l'égalité.

Jacques CHIRAC