PREFACE DE

M. JACQUES CHIRAC, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

PARUE DANS LA NOTE N°17 DE LA FONDATION ROBERT SCHUMAN INTITULEE " POUR EN FINIR AVEC L’HECATOMBE ROUTIERE "

PARIS

26 JUIN 2003

L’automobile est un symbole de liberté, elle ne doit pas devenir un instrument de mort.

Pour prendre la mesure de l’insécurité routière, il faut passer par quelques chiffres. La note que Béatrice Houchard a rédigée pour la Fondation Robert Schuman a raison de les rappeler. Ils ne rendront jamais compte de la douleur des familles, des destins brisés, de l’horreur quotidienne que représentent les accidents de la route. Mais, avec toute la froideur des statistiques, ils parlent le langage de la vérité. Le verdict qu’ils rendent sur nos sociétés est terrible.

Chaque jour, 22 personnes sont tuées sur les routes de France, 120 dans les quinze pays de l’Union européenne. Tous les ans, entre 7.000 et 8.000 de nos concitoyens trouvent ainsi la mort et 26.000 voient leur existence brisée par un accident grave, qui laissera des séquelles ineffaçables.

Cette hécatombe est d’autant plus insupportable qu’elle frappe d’abord les jeunes. La route est la première cause de mortalité entre 20 et 30 ans.

Il est incroyable de voir le silence et la résignation qui entourent encore ces décès. Combien de familles frappées par le deuil ont-elles eu le sentiment de se heurter au mur d’une indifférence générale ?

Malgré la régularité effrayante des statistiques, on s’est longtemps refusé à voir dans l’insécurité routière un problème politique. Les accidents de la circulation sont restés cantonnés à la rubrique des faits divers. Ils sont encore trop souvent présentés comme des drames individuels, alors qu’ils engagent notre responsabilité collective.

Nous ne saurions accepter que la route reste, au milieu de la civilisation, un îlot de barbarie et d’inconscience. Il n’y a aucune fatalité à ce que tant de Français et d’Européens périssent sur les routes, à ce que chaque départ en vacances ou chaque samedi soir soit marqué par autant d’accidents. Pour une population identique à celle de la France, le Royaume-Uni enregistre chaque année deux fois moins de morts.

C’est parce qu’il faut refuser le fatalisme et la banalisation que j’ai souhaité une mobilisation des pouvoirs publics et de toute la collectivité nationale pour donner un véritable coup d’arrêt à la violence routière.

Les premiers résultats sont encourageants. Les accidents mortels ont reculé de près de 30 % au cours du premier trimestre 2003 par rapport à l’année précédente. Cela représente des centaines de vies épargnées. Mais cet effort doit s'inscrire dans la durée. Rien n’est acquis. La lutte contre l’insécurité routière nécessite l’engagement de chacun.

La mobilisation et la détermination des pouvoirs publics restent entières. Faire disparaître le sentiment d’impunité par des contrôles réguliers et des sanctions efficaces, édicter des règles claires et comprises par tous, organiser une formation de qualité, informer et sensibiliser par des campagnes répétées, améliorer la sécurité des véhicules et des infrastructures routières : sur tous ces points, nos marges de progrès sont encore très importantes.

Il faut aussi agir à l’échelle européenne. D’abord pour diffuser les bonnes pratiques : la présente note s’y emploie, en décrivant les expériences très intéressantes menées en Suède, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Mais aussi pour rapprocher les politiques nationales. Il y a un fort besoin d'harmonisation en Europe, d'autant plus nécessaire que les échanges s'accroissent.

Les premières automobiles sont apparues il y a un siècle, mais nous avons encore beaucoup à faire pour adapter notre réglementation et nos comportements à cette révolution industrielle. Nous devons nous engager résolument dans la lutte contre l’insécurité routière, au niveau national comme au niveau européen. Des milliers de vies en dépendent.