Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Marc RAVALOMANANA, Président de la République de Madagascar à l'occasion de la visite de travail à Madagascar du Président de la République.


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ANTANANARIVO - MADAGASCAR - MARDI 27 JUILLET 2004


LE PRESIDENT RAVALOMANANA - Monsieur le Président de la République française, très cher ami, Mesdames et Messieurs, c'est avec plaisir que nous accueillons aujourd'hui en terre malgache un grand ami de Madagascar. Mes premiers mots sont de vous souhaiter, à vous et à la délégation que vous dirigez, Monsieur le Président, la bienvenue et un agréable séjour à Madagascar. Je ne doute pas que malgré sa brièveté, vous avez pu vous rendre compte de visu de la réalité des actions que nous avons entreprises en commun.

La réception ce matin des travaux d'assainissement des quartiers d'Anosibe sur la route nationale numéro 1 est, à plus d'un titre, un symbole : ce quartier a toujours été délaissé alors qu'il constitue l'ouverture de la capitale et du pays vers l'ouest, vers l'avenir. Mais ce quartier est aussi le poumon de la capitale puisque les paysans y viennent pour écouler leurs produits. C'est la porte vers l'avenir car la mise en valeur des régions du moyen ouest et de l'ouest de Madagascar passera nécessairement par cette route nationale qui porte bien son nom de "Route Nationale 1".

Nous sommes heureux que la France y soit associée car elle est notre premier partenaire bilatéral et même multilatéral, à travers les agences européennes. L'aide budgétaire que nous avons reçue de l'Union européenne au mois de juin, et la France y est pour beaucoup, est une bouffée d'oxygène dans la politique d'austérité que nous menons actuellement.

Monsieur le Président, cher ami, les relations entre Madagascar et la France sont au beau fixe et nous avons déjà eu de longs entretiens, aussi bien à Paris que ce matin. Vous avez eu la gentillesse de faire un crochet par Madagascar sur la route de vos vacances et par conséquent, de retarder celles-ci pour encore une journée de travail : soyez-en remercié, Monsieur le Président. Pour terminer, Monsieur le Président, permettez-moi de vous souhaiter encore une bonne route pour l'île Soeur, et un intermède agréable avant la reprise.

LE PRESIDENT - Est-ce que le Président m'autorise à demander à René-Paul VICTORIA de venir se mettre à côté de moi ?

Le Président RAVALOMANANA - Oui

LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs, je voudrais d'abord exprimer au Président, qui est pour moi un ami, ma très grande gratitude pour son accueil, et un accueil de surcroît tout à fait exceptionnel et ma reconnaissance. J'ai été profondément touché par l'accueil réservé par la population d'Antananarivo et par tout ce que j ai pu lire sur les visages, dans les regards, dans les gestes d'une population qui, manifestement, entendait accueillir son Président et l'invité de son Président avec beaucoup de coeur, beaucoup de générosité. Et je reviendrai avec cette forte image dans mon coeur de la population malgache.

J'étais venu pour saluer la population de Madagascar mais également pour avoir avec le Président des entretiens dans le cadre des relations entre Madagascar et la France, et entre Madagascar et l'Europe, et des problèmes du monde auxquels il est naturellement attaché. Madagascar et la France ont un passé, une histoire qu'elles assument, mais elles sont déterminées à regarder l'avenir d'un même regard, ensemble, et de progresser vers le développement durable, la paix et la démocratie, la main dans la main. Madagascar, la France, l'Europe, la main dans la main.

C'est donc dans cet esprit que nous avons évoqué d'une part nos relations bilatérales : elles sont bonnes, il n y a pas de contentieux, nous souhaitons simplement que nos rapports commerciaux s'amplifient, que la France puisse importer davantage de Madagascar, puisse investir davantage à Madagascar, dans tous les domaines, essentiels de la vie mais aussi les domaines du tourisme, de l'industrie, de façon à créer le travail et les biens nécessaires pour l'amélioration du niveau de vie de l'ensemble de la population malgache.

Le Président a engagé une politique de réformes, il faut le dire, courageuse, intelligente, nécessaire pour l'ensemble de la population malgache et au bénéfice de l'ensemble de la population malgache, bien entendu. C'est sa grande détermination et, dans la mesure de ses possibilités, la France soutiendra l'effort du Président et de l'Etat malgaches. Elle les soutiendra en particulier au sein de l'Europe où nous entendons être des avocats permanents de Madagascar aux côtés du Président malgache pour la coopération et l'aide que l'Europe peut apporter au développement durable de Madagascar.

Elle veut également être cette amie, avocat auprès des institutions financières internationales, la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et d'autres, de façon, en particulier, à ce que le passé et les erreurs du passé puissent être un peu épongés notamment en obtenant le plus vite possible, et en tous les cas avant le mois d'octobre, d'atteindre le point à partir duquel les dettes seront très sensiblement diminuées et, notamment les dettes de la France, totalement effacées.

Donc tout ceci était l'objet de nos discussions avec le Président et je lui en suis tout à fait reconnaissant. Notre objectif, c'est, je le répète, de nous engager la main dans la main, dans un effort accru en faveur du développement de cette Grande île, superbe, qui a toute son originalité, toute sa force, toute sa spécificité, qui est dans le monde elle-même et qui entend naturellement être respectée et qui mérite d'être aimée. Voilà ce que nous avons évoqué avec le Président.

Et puis c'est pour moi tellement évident que j'oubliais l'essentiel : c'est quelque chose d'important, c'est que la France a une partie de son coeur dans l'Océan Indien, c'est La Réunion, en particulier. La Réunion est aussi une grande île peuplée, dynamique et qui a, depuis longtemps, les yeux tournés vers Madagascar. Le renforcement des relations de toute nature, politique, économique, sociale et culturelle entre La Réunion et Madagascar est quelque chose à quoi les Français sont très attachés et en particulier les Réunionnais. La présence à mes côtés du Député-Maire de Saint-Denis de La Réunion, M. René-Paul VICTORIA, Saint-Denis qui est la plus grande ville française outre-mer, cette présence à mes côtés de M. VICTORIA montre bien à quel point la France est consciente à la fois de ses responsabilités mais aussi de ses intérêts, affectifs et économiques, avec Madagascar. C'est le sens de la présence de René-Paul VICTORIA, je voulais le souligner.

LE PRESIDENT RAVALOMANANA - Avant les questions, permettez-moi aussi de saluer et de remercier le Député-Maire de Saint-Denis de La Réunion. Merci beaucoup, merci bien d'être venu, et d'avoir organisé la visite de Monsieur le Président de la République française à Madagascar. Donc, la prochaine fois, nous serons à La Réunion.

QUESTION - Bonjour et bienvenue à Madagascar. Je voudrais avoir votre impression sur la situation politique et économique qui prévaut actuellement à Madagascar et votre vision en ce qui concerne l'avenir de ce pays après ces deux années de changement de régime.

LE PRESIDENT - Je me garderai bien de porter un jugement qui aurait l'air d'une ingérence dans les affaires intérieures de Madagascar. Je constate simplement que sous la pulsion des réformes nécessaires pour l'ensemble du peuple malgache, engagées par le Président -réformes qui comme toujours sont difficiles, ont des côtés positifs, des côtés qu'il faut assumer qui le sont moins et, on l'a vu, notamment dans le domaine des prix, mais ces réformes étaient indispensables, inévitables-, elles permettent de penser que, dans les années qui viennent, Madagascar pourra retrouver la plénitude de ses chances qui, il faut le dire, n'ont pas toujours été assumées comme elles auraient dû l'être. Donc, je suis très optimiste sur le fait que Madagascar est déterminée sur le chemin de la démocratie et sur le chemin du développement durable.

QUESTION - Monsieur le Président, la position de la France a été assez critiquée en 2002 lors des événements politiques à Madagascar, il y a eu un malaise dans les relations franco-malgaches à l'époque. Est-ce que toutes ces tensions sont aujourd'hui définitivement apaisées ?

LE PRESIDENT - Je le pense. Quand il y a des événements politiques, il y a toujours des malaises. Ce que je peux vous dire, c'est que, dès que j'ai vu qu'il y avait un problème, j'ai envoyé notre Ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de VILLEPIN à l'époque. Et, je crois que cela a permis de mettre les choses au clair et ce que je peux vous dire, en tous les cas, c'est que, du côté français, nous avons toujours la même estime, le même respect et le même désir de soutenir, de marcher d'un même pas avec le peuple malgache et d'avoir avec les autorités qui le représentent les relations les plus fraternelles, les plus sincères, les plus dépourvues d'ambiguïté possible.

QUESTION - Monsieur le Président, votre visite à Madagascar est qualifiée d'historique. Est-ce qu'on peut aussi s'attendre à des décisions historiques en ce qui concerne la coopération entre nos deux pays, après l'entretien que vous avez eu avec le Président RAVALOMANANA ?

LE PRESIDENT - La coopération entre nos deux pays se poursuit, je dirais, de façon tout à fait convenable. Elle doit pouvoir se développer. Il n y a pas de doute que le développement de Madagascar suppose la solidarité de l'Europe, et notamment de la France, naturellement, parce que nous avons des liens historiques particuliers, et aussi du monde. J'ai évoqué quelques unes des prochaines étapes notamment en ce qui concerne le Fonds Monétaire, l'annulation de la dette, l'aide économique et financière de l'Europe et vous pouvez être assurés que cette coopération va se développer. Elle va se développer pour une raison simple : d'abord c'est légitime, c'est normal, c'est, je dirais, moral. Et la deuxième raison c'est que les autorités malgaches ont su inspirer confiance, pas à la France parce que nous avions naturellement confiance, mais à l'Europe et au monde. Il est certain qu'aujourd'hui, on a confiance en Madagascar et ça facilite bien les choses.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que la question des exilés politiques de la crise de 2002, et en particulier celle de l'ancien Président Didier Ratsiraka, a été évoquée lors de votre entretien avec le Président Ravalomanana et qu'en est-il ressorti ?

LE PRESIDENT - Nous n'avons pratiquement pas évoqué ce problème, qui ne se pose pas d'ailleurs. Un certain nombre, quelques personnalités malgaches sont en France et elles sont soumises à la tradition et à la loi françaises qui supposent le plus parfait respect et la plus parfaite discrétion. Cette discrétion, vous citez l'ancien Président Ratsiraka, est, nous semble-t-il, respectée et en tous les cas, nous n'avons pas eu de plaintes de ce côté-là. Il est évident que, si elle n'était pas respectée, conformément à la tradition démocratique et à la loi française, la France en tirerait toutes les conséquences. Elle ne peut pas accepter d'avoir sur son territoire des gens qui militent d'une façon ou d'une autre contre un pays avec lequel la France entretient par ailleurs des relations fraternelles.

QUESTION - Je crois que quatre prisonniers français de Guantanamo vont être ou ont déjà été libérés, je crois qu'ils vont arriver en France aujourd'hui, j'aimerais connaître votre réaction à ces libérations, et savoir aussi ce qu'il va advenir du sort des trois autres prisonniers qui restent.

LE PRESIDENT - De longues et intenses négociations ont permis de renvoyer en France quatre de nos ressortissants qui étaient détenus sur la base de Guantanamo. Quatre sur six ou sept, je dis bien sur six ou sept, car le septième, nous ne sommes pas sûrs qu'il est français. Je peux vous dire que c'est l'aboutissement de longs efforts. Nous poursuivons les discussions avec les autorités américaines pour obtenir la remise des deux ou trois autres détenus.

Tous ceux qui ont contribué à ce retour, et en particulier la Croix Rouge Internationale, dont le rôle a été très important, et à qui je tiens à exprimer toute ma reconnaissance, et à ceux et celles aussi qui ont participé à cette difficile négociation. Les quatre ressortissants français qui sont revenus en France seront naturellement remis à la justice qui a ouvert, comme vous le savez, une information judiciaire sur leur cas, sur ce qui concernait leurs activités. La justice, conformément au droit français, se prononcera.