MESSAGE DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE POUR L'INAUGURATION DE LA " CLAIRIÈRE DES JUSTES "

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THONON-LES-BAINS - HAUTE-SAVOIE DIMANCHE 2 NOVEMBRE 1997

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Messieurs les Rabbins, Mesdames et Messieurs,

Une fois encore, le souvenir nous rassemble.

Le souvenir de millions d'hommes, de femmes et d'enfants juifs, victimes de la folie nazie. Le souvenir de familles à jamais séparées, de vies à jamais brisées. Mais le souvenir aussi de tous ceux, très nombreux, qui, n'écoutant que leur coeur et leur conscience d'homme, sauvèrent des juifs.

Il y a deux ans, j'ai tenu à reconnaître solennellement la responsabilité de l'État français dans l'arrestation et la déportation de milliers et de milliers de juifs.

Oui, trahissant les valeurs et la mission de la France, le gouvernement de Vichy s'est fait le complice, parfois zélé, de l'occupant.

Cinquante ans après, notre pays doit assumer toute son histoire. Le blanc comme le gris. Les heures de gloire comme les zones d'ombre. Pour cela, pour bâtir son avenir sur des bases plus claires, il accomplit aujourd'hui un difficile travail de mémoire.

Mais, si le mal doit être reconnu, le bien ne doit pas être méconnu.

Aux heures les plus noires, la noblesse et l'espérance continuaient de vivre.

Elles étaient dans le coeur des combattants de la France libre, des résistants, si nombreux dans cette belle province. Dans le coeur, aussi et surtout, de tous ces Français anonymes, ces " Justes parmi les nations " qui, au plus noir de la tourmente, sauvèrent les trois quarts de la communauté juive résidant sur notre sol.

" Justes ", ceux qui protestèrent contre les persécutions frappant les Juifs. " Justes ", ces prêtres qui délivrèrent des " certificats de baptême " pour leur venir en aide. " Justes ", Mgr SALIEGE à Toulouse, Mgr DELAY à Marseille, le pasteur BOEGNER et tant d'autres qui, profondément blessés dans leur foi et leur dignité de chrétiens, réagirent publiquement et tentèrent d'intervenir auprès des autorités de Vichy.

" Justes ", ces hommes et ces femmes qui, par solidarité, portèrent l'étoile jaune. " Justes ", ces commerçants qui, sans y être obligés, apposèrent l'affichette jaune sur leur vitrine.

" Justes ", ces doyens de faculté qui, passant outre aux instructions de leur ministre, refusèrent de communiquer la liste de leurs étudiants juifs. " Justes ", ces policiers, ces gendarmes, qui alertèrent les familles juives afin qu'elles puissent échapper aux rafles.

" Justes ", tous ceux qui recueillirent et protégèrent des Juifs, parmi lesquels des milliers d'enfants, ceux qui fabriquèrent des faux papiers, qui trouvèrent des abris sûrs. " Justes ", tous nos compatriotes qui ont soutenu moralement et matériellement, dans les conditions si difficiles de l'Occupation, des familles juives privées de tout moyen de subsistance.

Ces femmes et ces hommes de toutes conditions, de toutes religions, ces " Justes parmi les nations ", nous ne les oublierons jamais. Ils sont l'honneur et la fierté de notre pays. Dans une période sombre marquée par la débâcle, les privations, le désarroi moral, ils ont incarné le meilleur de la France : ses valeurs de fraternité, de justice, de tolérance. Qu'ils en soient remerciés.