PRÉFACE DE LA PLAQUETTE DE PRÉSENTATION

DU SOMMET EUROPÉEN POUR L'ÉDUCATION ARTISTIQUE

ORGANISÉ PAR LE COMITÉ NATIONAL D'ÉDUCATION ARTISTIQUE LE 20 DÉCEMBRE 1999 AU PALAIS DE L'UNESCO

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Paris, le 20 décembre 1999

Je me réjouis très sincèrement que la communauté internationale se saisisse d'un enjeu qui me paraît capital pour les décennies à venir, l'accès de tous à la culture, un idéal porté par les plus grands esprits qui ont éclairé ce siècle et qu'ils nous appartient, aujourd'hui, de faire vivre.

Trop longtemps, sans doute, la culture a été considérée comme un luxe, réservée à l'usage exclusif de quelques uns, cantonnées à la sphère privée, sans incidence sur l'équilibre et la bonne marche d'une société. Outre qu'elle me semble fausse, une telle vision des choses peut se révéler dangereuse à l'heure où nos sociétés se trouvent confrontées à la perte des repères, aux dérives communautaristes et à la marginalisation d'un nombre croissant d'individus.

Plus que jamais il est urgent que des voix s'élèvent pour rappeler que la culture est le socle de l'identité individuelle et collective, qu'elle est ce qui nous rattache à l'autre, qu'elle nous donne un passé et un présent, qu'elle apprend à se situer, à se connaître, à s'accepter et à se dépasser.

Plus que jamais, il est urgent que les pouvoirs publics se mobilisent pour offrir à nos concitoyens, et en particulier aux plus jeunes, la possibilité d'une rencontre avec l'art, qui soit à la fois découverte des grandes oeuvres et accès aux pratiques artistiques.

Parce que c'est l'affaire de tous, c'est d'abord la mission de l'école. Pénétrer ensemble dans l'univers d'un peintre ou d'un sculpteur sous la conduite de son professeur, monter une pièce de théâtre avec ses camarades de classe, jouer dans un orchestre ou chanter dans une chorale, c'est apprendre le dialogue et l'écoute de l'autre, c'est partager une même humanité.

En France, dans notre histoire récente, de grands hommes nous ont montré la voie, nous léguant leurs valeurs et certains de leurs rêves. Jules Ferry d'abord, André Malraux ensuite ont chacun permis d'avancer sur ce chemin, ouvrant au plus grand nombre les portes de l'école puis celles du théâtre et du musée.

À présent, ce sont les enseignements artistiques qui doivent être au centre de nos préoccupations. Lorsque j'étais moi-même Premier ministre, j'avais fait adopter une loi en 1988 qui précisait que les disciplines de la sensibilité font partie intégrante de la formation primaire et secondaire. Cette loi répondait à des attentes fortes qui sont les mêmes aujourd'hui.

Je sais que des expériences fécondes sont lancées ici et là, portées par la passion des professeurs, l'ouverture d'esprit des chefs d'établissement, l'engagement des artistes, je pense notamment aux peintres, sculpteurs, musiciens, comédiens, écrivains du Comité national pour les enseignements artistiques que je connais bien et qui font depuis de nombreuses années un travail tout à fait remarquable. Au cours de mes voyages, j'apprends avec plaisir ce qui se fait hors de nos frontières, souvent impressionné par la qualité, la variété et l'originalité des expériences menées chez nos voisins européens et ailleurs dans le monde.

Il importe de mieux faire connaître toutes ces initiatives, de les mettre en commun et de les coordonner pour trouver ensemble les solutions les meilleures et les plus adaptées.

Voilà un formidable enjeu pour chacun de nos pays, un enjeu de démocratie et un enjeu de paix, à la mesure des espérances qu'ouvre une ère nouvelle.

Jacques CHIRAC