PROPOS TENUS EN PRÉSENCE DE LA PRESSE À L'OUVERTURE DE LEUR ENTRETIEN

PAR MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

ET MONSIEUR VLADIMIR POUTINE PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

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SOTCHI - RUSSIE

VENDREDI 19 JUILLET 2002

M. POUTINE - Monsieur le Président, permettez-moi encore une fois de vous saluer bien cordialement en Russie. Je suis très heureux que nous ayons pu réaliser l'accord conclu à Kananaskis. Et j'espère qu'il ne fait pas trop chaud pour vous ici. Je crois qu'en France cela doit être à peu près pareil. Vous savez, bien sûr, Monsieur le Président, que de nombreux gens en Russie, qui aiment la France et qui ont un grand respect pour vous personnellement, ont été très inquiets de l'attentat contre votre personne commis à Paris. Et, Dieu merci, tout est bien fini. Mais ce n'est qu'une preuve supplémentaire à quel point les forces d'extrême-droite, les pro-fascistes sont dangereux. Mais nous avons avec vous, Monsieur le Président, un vaste champ de questions à discuter de nature plus positive. Le rôle de votre pays dans la politique internationale est très grand et je suis certain qu'après le renforcement du pouvoir présidentiel, après les événements de votre pays en politique intérieure, ce rôle ne pourra que s'accroître. Et nous avons un vaste champ pour la coopération. Cela concerne avant tout nos liens bilatéraux. J'entends par-là, dans mon idée, que vous avez souhaité la création d'un conseil de sécurité, un conseil bilatéral présidé par les ministres des Affaires étrangères et avec la participation des ministres de la Défense. Pour nous, la position de la France est très importante en ce qui concerne la relation avec l'Union européenne et je serai très intéressé, Monsieur le Président, d'avoir votre opinion et votre vision en ce qui concerne la construction de la nouvelle architecture de sécurité en Europe et bien sûr les problèmes aigus comme la situation dans les Balkans, la lutte contre le terrorisme, le Proche-Orient. À ce propos, il y a deux heures, j'ai parlé au téléphone au Premier ministre SHARON. Il m'a demandé de vous transmettre ses voeux les plus amicaux. Et, bien sûr, nous parlerons des liens économiques bilatéraux. Cette coopération se développe bien. Le chiffre d'affaires est de plus en plus important bien qu'il reste assez modeste par rapport à nos autres partenaires. Outre cela, il y a des signes très positifs. La France a élargi le nombre des banques russes dont les garanties sont acceptées pour des accords économiques extérieurs conclus avec la Russie, à un niveau de risque plus acceptable pour nous. Et d'après ce que je sais, les relations de coopération dans le domaine aérospatial, que vous suivez personnellement, se développent d'une manière extrêmement forte. Bref, nous sommes très heureux de pouvoir vous saluer ici, Monsieur le Président, et j'espère que ce jour et demi que vous passerez chez nous sera utile.

LE PRÉSIDENT - Monsieur le Président, je vous remercie d'abord de votre accueil, naturellement, et je suis très sensible à votre propos et à votre hospitalité. Nous nous sommes rencontrés à maintes reprises, récemment encore à Kananaskis, et j'ai toujours beaucoup d'intérêt à entendre vos analyses sur le monde de demain et son architecture. Les choses évoluent très vite. La Russie est en train de reprendre rapidement toute sa place, éminente, dans le monde. C'est une très grande nation. C'est vrai sur le plan économique. C'est vrai sur le plan politique. L'Europe évolue, elle va s'élargir, elle va se transformer. Elle se renforce et, par conséquent, les liens entre la Russie et l'Europe sont essentiels pour le monde de demain, aussi bien pour vous que pour nous. Et puis l'évolution stratégique, la lutte contre le terrorisme, l'accord entre la Russie et l'OTAN et la prise définitive de sa place par la Russie dans le G8 et, demain, le plus vite possible, dans l'OMC, tout ceci crée des situations nouvelles, un monde nouveau. C'est à partir de là que nous devons envisager de cheminer la main dans la main, l'Europe et la Russie. La France tient à y jouer son rôle. Je suis donc heureux d'avoir la possibilité de parler de tous ces sujets avec vous. Et je vous remercie.