DISCOURS

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

EN L'HONNEUR DE LA SELECTION FRANÇAISE DU FESTIVAL DE CANNES 2003

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PALAIS DE L'ELYSEE

LUNDI 28 AVRIL 2003

Monsieur le Ministre, Monsieur le Président et Cher Gilles Jacob, Monsieur le Maire de Cannes, Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Dans le tumulte de la vie, il est des lumières qui chauffent le coeur et éclairent le chemin.

Assurément, depuis plus d'un siècle, aux quatre points de l'horizon, dans le bruit des villes comme dans la quiétude des villages, le cinéma est l'un de ces phares.

Regard attentif sur le monde et sur les êtres, miroir fidèle des hommes, reflet de leur âme, témoin exigeant de leurs émotions, de leurs rires, de leurs larmes, il poursuit inlassablement l'exploration des richesses et des méandres d'une humanité dans ses doutes et dans sa quête éternelle de sens, de vérité et de beauté.

Art merveilleux, art éminemment et profondément populaire, le cinéma nous ouvre non seulement les portes des univers les plus oniriques mais aussi la voie sur des réalités qui sont généralement plus fortes que les rêves.

Aussi est-ce avec beaucoup de joie que j'accueille ici les équipes artistiques des films qui viennent d'être choisis pour l'édition 2003 du Festival de Cannes. A travers elles, je suis heureux de saluer quelques-uns des plus éminents représentants du cinéma français.

A vous toutes et tous, qui vous préparez à monter les célèbres marches du Palais et à partager la ferveur et la fièvre du Festival, j'adresse mes félicitations très sincères et mes encouragements, à la veille de ce qui est aussi, pour les films et les équipes en compétition, un véritable marathon professionnel et médiatique.

Quel rendez-vous en effet que Cannes ! Manifestation prestigieuse qui réunit, pendant douze jours, artistes, photographes, journalistes, spécialistes et aficionados, célèbres et anonymes, qui décide du destin des films les plus brillants et qui focalise, en cet instant magique, l’attention du monde entier.

Je tiens, Monsieur le Président, à vous dire notre reconnaissance pour avoir, comme Délégué général hier et comme Président aujourd'hui, hissé le festival au sommet. Sous votre égide, son palmarès s'est imposé comme la récompense suprême. Il est aujourd’hui la manifestation cinématographique de référence. Avec le concours précieux de Véronique Cayla, Directrice générale, et Thierry Frémeaux, Délégué artistique, vous avez su faire vivre et évoluer le Festival, dans la fidélité aux principes qui fondent sa renommée : ne rien céder sur l’exigence ; montrer et faire connaître les cinémas les plus divers ; s’ouvrir au monde ; découvrir les talents nouveaux tout en continuant à consacrer l’art accompli.

La richesse et la variété des oeuvres que vous avez présentées ou que vous présenterez cette année à Cannes attestent du talent et de la vitalité du cinéma français. A l’heure où, partout en Europe, les cinémas nationaux cherchent difficilement la voie d'un renouveau, la France a su maintenir un cinéma fort. Un cinéma ouvert sur le monde, qui sait aussi séduire et rencontrer les goûts du public, en particulier ceux des jeunes. Un cinéma qui a su bâtir son renouveau à travers une nouvelle génération d'actrices et d'acteurs, de metteurs en scène ou de producteurs. Le cinéma français a retrouvé ces dernières années les voies du succès sans rien perdre de son exigence, de ses capacités de recherche, de ses capacités d’innovation. Il faut se réjouir et se féliciter de cet élan. Car notre cinéma est un véritable trésor national. Il est une chance pour notre pays et nous avons le devoir impératif, tous ensemble, de tout faire pour en préserver la vitalité artistique et aussi naturellement, l'un ne va pas sans l'autre, le dynamisme économique.

Je veux profiter de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui pour vous dire ma détermination et celle du Gouvernement, et du Ministre, à soutenir et à défendre le 7ème art, élément essentiel de notre culture nationale et de notre rayonnement international.

Je n'ignore pas les difficultés ni les inquiétudes que connaissent aujourd'hui certaines professions du cinéma : je pense aux producteurs et aux distributeurs indépendants dont la situation est souvent fragile ; je pense aussi aux industries techniques soumises à une concurrence sévère et aux terribles effets des délocalisations. Faisant suite au rapport de Monsieur Jean-Pierre Leclerc, le ministre de la Culture et de la Communication, Jean-Jacques Aillagon, annoncera prochainement, au prochain Conseil des Ministres, je crois, les mesures que le Gouvernement entend prendre pour mieux soutenir notre cinéma. Nos mécanismes ont, depuis plus de cinquante ans, fait la preuve de leur efficacité et de leur pertinence. Sans eux, notre cinéma ne serait évidemment pas ce qu'il est. C'est pourquoi, il nous faut les préserver, les conforte, les adapter aux évolutions du temps et du monde.

Les chaînes de télévision doivent bien sûr continuer à contribuer à l'essor et au développement du cinéma. Mais nous savons que la croissance des financements ne pourra plus venir exclusivement de là. Le développement impressionnant du DVD constitue certainement, comme cela vient d'ailleurs d'être décidé, un relais de financement nouveau. D'autres pistes méritent d'être explorées, qu'il s'agisse de l'implication des régions ou de la modernisation de notre dispositif fiscal afin d'encourager davantage les tournages dans notre pays.

Enfin, bien sûr, l’avenir du cinéma français dépend de sa capacité à s’exporter. Ses performances à l’étranger, ces deux dernières années, ont été remarquables. Tous ensemble, il nous faut intensifier nos efforts afin de mieux assurer la présence de notre cinéma sur les écrans du monde.

En cet instant, et devant son épouse Mélita que je salue, à nouveau, très affectueusement, comment ne pas penser à Daniel Toscan du Plantier ? Il aimait Cannes. Il savait combien la venue de professionnels du monde entier était l’occasion unique de promouvoir notre cinéma et de convaincre de la force de nos films. Il sera présent dans tous les coeurs, à travers l’hommage solennel que le Festival de Cannes a très justement choisi de lui rendre.

Mesdames, Messieurs, Quand nous pensons au Festival de Cannes, nous pensons bien sûr aux lumières du spectacle et à la part de rêve offerte à chacun.

Mais Cannes, c'est aussi la rencontre. Celle des artistes et, au-delà, celle des cultures. Pendant douze jours, c’est l’âme des pays et des peuples qui dialogue, sans frontières ni tabous, par-delà les différences, les origines et les histoires, dans le beau langage universel du cinéma qui est en réalité le langage du coeur.

Dans cette période si troublée où les hommes ont parfois tant de mal à se comprendre et à se parler, Cannes, comme une parenthèse précieuse dans la dureté des temps, impose, par la force de l’image et de l’émotion, la tolérance et le respect.

Défendre notre cinéma, c’est aussi cela. C’est défendre un art national, un patrimoine en devenir, une industrie. Mais c’est bien davantage. C’est défendre tous les cinémas. C'est défendre toute l’infinie palette des émotions humaines, des sensibilités et de leurs expressions. C’est se battre, sur ce front comme sur d’autres, contre l’uniformité qui ne peut qu'appauvrir les hommes. C'est préserver cette mémoire de l'histoire des hommes, si précieuse pour éclairer leur route et pourtant si fragile.

C’est pour cela que nous nous battons en Europe. Pour que la légitimité des aides publiques à la culture soit définitivement reconnue et confortée par la Commission européenne.

C’est pour cela que nous nous sommes fermement opposés à toute ouverture du secteur cinématographique et audiovisuel dans le cadre des négociations de l’OMC.

Et c’est pour cela aussi que nous appelons de nos voeux la mise en place d’une convention internationale, sous l’égide de l’Unesco, qui inscrira la diversité culturelle dans le droit international.

Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Le prestige et le rayonnement du Festival de Cannes doivent beaucoup à l’indépendance sourcilleuse dont n’ont cessé de faire preuve ceux qui ont la lourde charge, chaque année, d'en établir la sélection.

A vous, qui avez été choisis pour porter les couleurs de la France dans cette compétition internationale, je souhaite bonne chance et, au-delà de Cannes, je souhaite beaucoup de succès.

Et parce que la renommée du Festival de Cannes tient, en grande partie, à la qualité de son palmarès, et donc à l’exigence, au professionnalisme mais aussi à l’audace de ses jurés, mes voeux s’adressent également à eux et à leur Président, Patrice Chéreau, auquel je suis heureux de rendre un très amical hommage.

A vous toutes et tous, ce soir, je veux redire l’attachement de la France à son cinéma, sa légitime fierté de soutenir les artistes, les techniciens et les professionnels que vous êtes, et ma détermination, avec celle du Gouvernement, à défendre à vos côtés, nos films, le talent de nos créateurs et la vitalité de notre culture.

Je vous remercie.