Point de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République.


New York- Hôtel Intercontinental, dimanche 22 octobre 1995.


LE PRESIDENT:

Vous savez qu'à la demande expresse du Président Algérien, Monsieur Zéroual, j'avais accepté de le rencontrer dans un bureau de l'ONU à l'occasion du cinquantenaire, comme il est d'usage d'ailleurs entre les chefs d'Etat et de gouvernement à cette occasion.

Hier soir, lorsque nous sommes arrivés, nous avons été informés du fait que la partie algérienne insistait beaucoup pour que cet entretien ait une publicité médiatique, c'est-à-dire qu'il se déroule sous l'oeil des caméras et des photographes. Je n'ai pas cru devoir répondre à cette exigence pour une raison simple. Je concevais cet entretien comme un entretien avec le chef de l'Etat Algérien actuel. La campagne électorale ayant commencé en Algérie depuis ce matin, je ne voulais pas qu'il y ait d'ambiguïté avec le candidat, et par conséquent j'ai indiqué - j'ai fait indiquer - aux services du Président Zéroual que je souhaitais que, comme je l'avais conçu, cet entretien soit un entretien de travail et hors de toute médiatisation.

J'ai rencontré ce matin le Président Zéroual, à l'ONU, en présence du secrétaire général, Monsieur Boutros-Boutros Ghali. Nous avons parlé 10 à 15 minutes, non pas sur le fond, mais sur cette modalité. Chacun étant resté sur sa position, le Président Zéroual a décidé, dans ces conditions, de demander le report de cet entretien qui n'a donc pas eu lieu sur le fond, comme il était convenu.

QUESTION:

Est-ce que cette annulation va affecter les relations entre la France et l'Algérie ?

LE PRESIDENT:

- Le Président Zéroual a souligné que cela ne devait en rien les affecter. Les relations entre la France et l'Algérie sont anciennes, elles ont connu des hauts et des bas, des facilités et des difficultés. Je souhaite pour ma part, naturellement, que ces relations dans le cadre d'un processus démocratique et à son issue, redeviennent ce qu'elles doivent être, c'est-à-dire des relations amicales et confiantes.

QUESTION:

Monsieur le Président, est-ce que vous regrettez que cet entretien n'ait pas pu avoir lieu sur le fond ?

LE PRESIDENT:

- Je n'étais pas demandeur, vous le savez, de cet entretien et par conséquent, je n'ai pas de regret particulier à formuler, c'est un problème d'appréciation par le Président Zéroual des conditions de cet entretien. Je voudrais revenir à la question précédente, c'est-à-dire au fond des choses. Pour indiquer que j'ai pour le peuple Algérien, que je connais bien, vous le savez, beaucoup de respect et d'amitié. Ce peuple aujourd'hui souffre, il a droit à la considération, et je sais que dans son immense majorité, il veut la paix. Il a droit à l'amélioration de ses conditions de vie, il a droit à l'exercice normal des libertés, il a le droit de vivre dans un pays démocratique. La crise qui aujourd'hui se déroule en Algérie ne peut, de mon point de vue, trouver d'issue que dans un processus conduisant, je le répète, à la démocratie. Et la nature des relations politiques, économiques, culturelles de la France avec l'Algérie dépendra bien entendu de ce processus démocratique et de son aboutissement.

Les autorités algériennes ont décidé de commencer par des élections présidentielles. On peut avoir sur ce choix les idées que l'on veut. Je n'ai pas l'intention, cela va de soi, de faire la moindre ingérence dans les affaires algériennes en portant un jugement sur ce point. Mais en revanche, il y a deux conséquences, qui à mon avis doivent en être tirées. La première est que ce scrutin doit être aussi transparent que possible et que donc, tous les moyens nécessaires doivent être donnés aux observateurs, notamment aux observateurs internationaux à l'occasion de ce scrutin. D'autre part cette élection doit être le préalable, dès que possible, à des élections législatives qui seules permettront de dégager en Algérie une majorité permettant de soutenir l'action d'un gouvernement qui devra réaliser le redressement à la fois économique et social de l'Algérie. Ceci implique naturellement l'ouverture d'un dialogue aussi large que possible avec toutes les forces économiques, sociales, politiques, culturelles, religieuses qui excluent la violence comme moyen d'expression, de façon à soutenir ce processus démocratique.

Quant à la France, il est tout à fait légitime qu'elle détermine sa politique à l'égard de l'Algérie en fonction des valeurs qui sont les siennes, c'est-à-dire des valeurs de la démocratie. Si celles-ci sont respectées, l'Algérie peut compter, sans réserve, sur le soutien amical de notre pays. Si l'évolution des choses impliquait d'autres options, alors naturellement la France en tirerait les conclusions.

QUESTION:

- Monsieur le Président, est-ce que vous pensez que l'annulation de cette rencontre à la demande du Président Zéroual va calmer les Islamistes ?

LE PRESIDENT:

- Ce n'est pas du tout mon problème. Mon problème était de faire passer un message au chef de l'Etat algérien. Je vous ai dit en gros ce que j'aurais souhaité pouvoir lui dire.

Je vous remercie.