TRIBUNE DE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE PARUE DANS "LA VOIX DU NORD"

DIMANCHE 29 SEPTEMBRE - LUNDI 30 SEPTEMBRE 1996

L'ESPRIT DE CREATION

Le Nord-Pas-de-Calais mène un combat exemplaire.

Symbole des régions industrielles françaises depuis le XIXème siècle, il n'a pas été épargné par les épreuves. Combien d'usines et de mines ont dû être fermées ? Combien d'emplois perdus au profit de pays dépourvus de protection sociale, où le travail est à peine rémunéré ? Combien de familles confrontées, quotidiennement, au chômage et à la précarité ?

Le Nord-Pas-de-Calais aurait pu céder à la tentation du repli et du renoncement. Il ne l'a pas fait. En moins d'une génération, 50 % des emplois ont été renouvelés. Des entreprises performantes se sont créées. Les échanges avec les pays voisins se sont développés. Ils irriguent désormais toute l'économie locale.

L'exemple du Nord-Pas-de-Calais doit être médité.

La mondialisation, avec ses frontières effacées, la compétition qu'elle impose, est un défi, en même temps qu'une chance. Elle nous oppose à de redoutables concurrents. Mais, en contrepartie, elle nous ouvre de nouveaux marchés, de nouvelles possibilités d'expansion, de nouveaux emplois. Il ne dépend que de nous de tirer le meilleur profit de cette nouvelle donne, avec nos ressources, notre énergie, nos talents.

Hier encore, les chefs d'Etat avaient une conception traditionnelle de la politique étrangère, n'imaginant pas d'apporter leur soutien aux industries qui exportent, aux entreprises qui s'implantent à l'étranger, aux marchés qu'il faut arracher face à la concurrence internationale. Aujourd'hui, il ne se passe pas de jour sans que j'intervienne pour défendre nos intérêts industriels hors de nos frontières, pour faire progresser une négociation commerciale difficile, pour favoriser la conclusion d'un contrat.

La croissance, il faut aller la chercher là où elle est. Sur les marchés extérieurs, bien sûr, et c'est la vocation naturelle de nos entreprises, fortes de leur technologie et de leur savoir-faire. Mais aussi, et surtout chez nous, tant il est vrai que l'activité et l'emploi dépendent d'abord d'initiatives locales et de projets à taille humaine.

La dimension locale de l'existence reste essentielle : les êtres ne sont pas de nulle part, ils procèdent d'un bourg, d'un quartier, d'une ville, d'une région où ils trouvent leurs repères et accèdent à leur épanouissement. Plus les relations politiques et économiques seront planétaires, plus forte sera la nécessité de renouer avec l'authenticité d'une relation de voisinage, d'un produit de terroir, d'une activité conçue et vécue dans un environnement familier.

Qu'un salarié ait l'idée de se mettre à son compte, qu'un petit entrepreneur achète une machine, agrandisse son bâtiment, embauche un chômeur, qu'il trouve les crédits nécessaires, et voici que s'amorce le cercle vertueux de l'expansion et de l'emploi.

Nous sommes tous les artisans de l'avenir de la France. Du petit entrepreneur qui se lance, à la grande entreprise qui renforce ses positions à l'exportation. Des collectivités locales qui font tout pour faciliter l'implantation de nouvelles activités, aux associations qui, patiemment, effectuent un indispensable travail de formation et de réinsertion au profit des plus fragiles d'entre-nous.

C'est dans cet esprit que j'ai demandé au gouvernement de mettre en oeuvre un plan en faveur des petites et moyennes entreprises, pour encourager ceux qui investissent et créent des emplois.

C'est dans le même esprit que je m'attache à soutenir les initiatives locales, les projets novateurs, aussi bien économiques que sociaux ou culturels. Et j'attends que toutes les forces se mobilisent en faveur de ces projets : des préfets aux banquiers, des associations en faveur du développement local aux sociétés de capital-risque. Il s'agit d'inventer un véritable partenariat de croissance locale.

Trop de structures mal coordonnées découragent les volontés d'action et paralysent les initiatives. Il revient à tous les responsables locaux, avec le soutien de l'Etat, d'apporter une aide à tous ces entrepreneurs qui butent sur les difficultés administratives, souhaitent recruter des techniciens très spécialisés, ne savent pas où obtenir les crédits nécessaires, cherchent des soutiens pour exporter.

Les Français sont naturellement habités par l'esprit de création. Cet esprit fera notre richesse.

C'est tous ensemble que nous devons accomplir une véritable révolution des mentalités.

Trop longtemps, nous avons voulu croire que l'Etat détenait, à lui seul, les solutions à tous les problèmes. Mais les impératifs de l'économie moderne exigent que l'Etat cesse de régenter les initiatives, d'alourdir les formalités et de ralentir les décisions. Loin d'être un soutien à l'esprit d'entreprise, il paralyse trop souvent la volonté d'entreprendre.

L'Etat doit aujourd'hui se recentrer sur ses missions essentielles. Sa tâche, dans un pays moderne comme le nôtre, est d'accompagner, et non plus de brider les forces vives, celles qui font la croissance et réduisent les inégalités.

Il faut prôner la culture du risque pour libérer la créativité là où elle désire s'exprimer : à la base, dans la boutique ou l'atelier, dans le projet d'un jeune, dans la volonté d'expansion d'un entrepreneur, dans la vision généreuse d'un animateur associatif.

Il n'y a pas d'issue dans la morosité. Douter de nos atouts, c'est en définitive jouer contre nos propres intérêts. Il y a tellement mieux à faire !

Je serai demain parmi vous dans le Pas-de-Calais. Avec les responsables du département j'apporterai mon soutien à tous ceux qui ont des projets de qualité et qui ont envie de se battre pour faire vivre leur région. Je veillerai à ce que la réponse de l'Etat soit à la mesure des attentes d'aujourd'hui.