ALLOCUTION PRONONCÉE PAR MONSIEUR JACQUES CHIRAC

PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

A L'OCCASION DE LA REMISE DES INSIGNES

DE L'ORDRE NATIONAL DE LA LÉGION D'HONNEUR

A

DES ANCIENS COMBATTANTS AMÉRICAINS ET FRANÇAIS

DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

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WASHINGTON - VENDREDI 19 FEVRIER 1999

Messieurs les Sénateurs,

Monsieur l'Ambassadeur,

Messieurs les anciens combattants,

Mesdames et Messieurs les Délégués du Conseil supérieur,

Mes chers compatriotes,

C'est sous le signe de la fidélité et aussi sous le signe de la reconnaissance que nous sommes réunis ici, à l'Ambassade de France à Washington.

La France, par ma voix, veut rendre un hommage particulier aux anciens combattants américains et français qui, ensemble, ont porté les armes, voilà plus de quatre-vingts ans, pour sauvegarder notre liberté et faire triompher des valeurs qui appartiennent aujourd'hui à l'humanité tout entière.

C'est donc un rendez-vous du souvenir et de l'amitié que je suis heureux de vous accueillir. Je me réjouis tout particulièrement de votre présence, Monsieur le secrétaire aux Vétérans. Je me réjouis beaucoup de votre présence, Monsieur le Maire et je suis heureux de saluer également la communauté française de la capitale fédérale, une communauté que j'ai déjà rencontrée notamment en 1996, qui ne cesse de se développer, et qui fait preuve d'un dynamisme dont je veux la féliciter.

J'ai souhaité, mes chers compatriotes, que vous soyez associés à cette cérémonie qui symbolise la force singulière de l'amitié franco-américaine.

Depuis plus de deux cents ans, nos deux pays se sont levés ensemble pour gagner, défendre ou reconquérir leur liberté.

En Amérique et en Europe, des plaines de Yorktown aux plages de Normandie, des hommes et des femmes se sont battus pour préserver les principes fondateurs de l'Indépendance américaine et de la Révolution française. Dans le sang et la souffrance, au prix de leur vie, des soldats de nos deux pays ont combattu côte à côte, avec leurs alliés, pour défendre une certaine idée du monde.

Cette fraternité d'armes s'est nouée chaque fois qu'étaient en cause la liberté et la dignité de l'homme.

Cette fraternité d'armes qui lie les Etats-Unis et la France nous savons, nous, Français, ce que nous lui devons.

Il y a quelques mois, nous avons célébré le quatre-vingtième anniversaire de l'Armistice de 1918. Les Français n'oublient pas le soutien qui leur a été apporté par les nations alliées. J'ai voulu exprimer aux vétérans américains notre gratitude, notre reconnaissance pour ceux qui ont participé aux combats de la Grande Guerre. J'ai souhaité qu'ils soient, pour eux-mêmes et en souvenir de tous ceux qui, hélas, sont morts au champ d'honneur, au même titre que les anciens Poilus français, décorés de la Légion d'honneur.

Près de 300 anciens combattants américains, des hommes et des femmes, ont déjà reçu la plus haute distinction française. Je suis heureux de remettre personnellement la Croix de chevalier de la Légion d'honneur à quatre hommes, quatre frères d'armes, trois Américains et un Français, réunis ici ce soir, à notre Ambassade, où les entoure notre communauté.

A travers vous, Messieurs, ce sont tous ceux qui ont participé à ces combats que je souhaite honorer. A travers votre exemple, c'est le caractère exceptionnel, unique, de l'amitié franco-américaine qui m'incite à former ce voeu : "let us make friendship between peoples across the Atlantic a lever to help build the kind of world we wish to bequeath our children !"

Avant de vous remettre, Messieurs, les insignes de votre grade, j'évoquerai en quelques mots, comme le veut la tradition et l'usage en France, les mérites qui ont justifié votre nomination.

Monsieur LEROY HUTZLER devait être parmi nous aujourd'hui. Malheureusement, il a été hospitalisé hier. Alors, je voudrais très simplement qu'il sache que nous pensons tous à lui aujourd'hui, que nous lui souhaitons un bon rétablissement et que je lui adresse la reconnaissance de la France pour son courage en 1918

Monsieur HERBERT W. BOWEN

Vous aviez tout juste vingt ans quand vous avez rejoint le corps des Marines, à Parris Island, en Caroline du Sud. Dès votre débarquement en France, à Brest, vous avez été engagé, avec la compagnie A du 13e régiment, dans toutes les opérations, jusqu'à la signature de l'Armistice. Cette Croix de la Légion d'Honneur, M. BOWEN, récompense votre courage et vos services.

Monsieur STANLEY W. COOLBAUGH

Vous rentrez aux Etats-Unis en mars 1919 malade, victime de cette terrible grippe qui avait décimé soldats et civils, ajoutant encore aux malheurs de la guerre. A vingt ans, vous vous étiez engagé dans l'armée américaine pour aider

les Français à libérer leur pays. Vous débarquerez avec le 71e régiment d'artillerie avant de partir pour le front et de connaître l'âpreté des combats. Cette Croix de la Légion d'honneur témoignera de vos sacrifices et de notre reconnaissance.

Monsieur Franck W. BUCKLES

Vous êtes l'un des plus jeunes anciens combattants de la Première Guerre mondiale : vous n'aviez que dix-sept ans lorsque vous avez rejoint l'armée des Etats-Unis. Vous débarquerez en France en janvier 1918 comme simple soldat. Vous serez caporal en 1919. En raison de votre jeune âge, vous avez été affecté à un détachement d'ambulanciers, le First Fort Riley Detachment. Vous avez vu toute l'horreur des combats en portant secours à vos camarades. Pour votre courage et votre dévouement, je suis heureux de vous remettre cette Croix de la Légion d'honneur.

Monsieur Albert BOMEA

Vous êtes Français et vous vivez depuis très longtemps en Pennsylvanie. Vous êtes donc l'un des membres de cette communauté française que je saluais il y a quelques instants. Vous n'aviez pas encore dix-huit ans quand, en août 1918, le jeune marseillais que vous êtes se présente à Toulon pour s'engager dans la Marine. Après une rapide formation, vous embarquez sur le Waldeck-Rousseau. Jusqu'en 1919, vous participerez à la mission de patrouille, de surveillance et de défense de nos eaux territoriales et de nos ports, dans lesquels débarquaient les renforts que nous envoyait l'Amérique. Cette Croix de la Légion d'honneur récompense les services que vous avez rendus si jeune à notre pays.

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Le 19 décembre 1918, le général PERSHING écrivait à l'intention des soldats américains combattant sur le sol français : "Your achievments, which are scarcely to be equalled in american history, must remain a source of proud satisfaction to the troops who participated in the last campaign of the war". La fierté que vous pouvez ressentir est bien légitime et vos hauts faits resteront, Messieurs, dans la mémoire des Français. Nos compatriotes, ici, peuvent en témoigner, comme ils témoignent, par leur présence, de la gratitude et de l'affection que la France vous porte.

Messieurs, avant de vous remettre les insignes de votre rang dans l'Ordre National de la Légion d'honneur, je tiens à adresser à chacun d'entre vous ma reconnaissance et mes très chaleureuses félicitations.