INTERVENTION

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

LORS DE LA RÉUNION DES CHEFS D'ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT DES PAYS AYANT LE FRANÇAIS EN PARTAGE

À L'OCCASION DU SOMMET MONDIAL DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

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JOHANNESBURG - AFRIQUE DU SUD MARDI 3 SEPTEMBRE 2002

Sire, Messieurs les chefs d'État et de Gouvernement, Chers Amis,

Je suis heureux de vous accueillir pour cette réunion de chefs d'État et de Gouvernement ayant le français en partage. Organisée alors que la communauté internationale cherche les voies du développement durable, elle confirme que la francophonie est tournée vers l'action et vers l'avenir.

Si nous savons démontrer un engagement pionnier, nous formerons une communauté écoutée dans le monde. De même que la ratification rapide par nos pays du traité instituant la Cour pénale internationale a accéléré son entrée en vigueur, de même, notre détermination à faire vivre les principes de Rio nous vaudra d'être respectés. C'est ainsi que, dans un monde menacé d'uniformisation, nous affirmerons la valeur de la diversité, par l'exemple plutôt que sur un mode défensif.

Les francophones ne sont pas, par nature, plus vertueux que les autres, mais nous avons, ensemble, plusieurs atouts dans cette bataille. Nous formons une communauté où sont représentés tous les continents, la plupart des grands espaces culturels mondiaux et tous les niveaux de développement. Pourtant, notre nombre et notre langue commune nous permettent de travailler ensemble, de former une sorte d'échantillon représentatif du monde contemporain. Utilisons cette caractéristique pour nous porter volontaires sur des projets pilotes, pour investir ensemble les lieux où se prépare l'avenir.

Deuxième atout, notre diversité. Mettons-là à profit pour faire vivre un authentique dialogue des cultures. Car c'est de la confrontation de nos réponses aux interrogations fondamentales sur l'Homme et sur sa place dans le monde que nous trouverons les solutions aux impasses actuelles. Je souhaite que nous réfléchissions à Beyrouth, pendant notre Sommet, aux moyens de faire mieux vivre le dialogue entre nos cultures. Sous l'impulsion de notre Secrétaire Général, à qui je rends un amical et chaleureux hommage, nous avons posé les jalons d'un tel dialogue. Reste à lui donner corps.

Enfin, notre langue commune est porteuse de valeurs particulièrement nécessaires pour aborder le défi du développement durable. De quoi s'agit-il en effet ?

Il s'agit de faire en sorte que l'économie soit soumise à une loi supérieure imposant le respect de l'Homme, de l'homme d'aujourd'hui et de l'homme de demain, et donc de la nature. C'est l'éthique : une notion au coeur de l'humanisme dont les francophones se veulent porteurs.

Il s'agit ensuite de faire en sorte que la richesse du monde soit mieux répartie. C'est la solidarité : un mot-clé en français.

Je voudrais vous rappeler, à vous qui êtes des amis, des partenaires privilégiés, les décisions prises par la France dans cet esprit.

Dans le domaine du commerce, nous avons fixé à Doha des orientations qui vont permettre aux pays en développement de mieux accéder aux marchés : démantèlement de toutes les protections contre les productions en provenance des pays les moins avancés ; programmes d'assistance technique pour aider les nouveaux exportateurs à accéder aux marchés ; engagement général à lancer une négociation sur la réduction des subventions à l'exportation ; volonté aussi de supprimer les entraves à l'accès des pays pauvres à des médicaments à bas prix. La France et l'Union européenne sont déterminées à se battre pour que ces engagements soient respectés.

Pour l'aide publique au développement, j'ai décidé à Monterrey la relance de l'effort de la France, dans le cadre de l'engagement européen de Barcelone. Nous augmenterons de moitié notre APD au cours des cinq prochaines années, pour atteindre alors 0,5% de notre PIB, première étape vers les 0,7% dans dix ans.

Naturellement, je souhaite que les pays francophones soient les premiers bénéficiaires de cette augmentation, qui prendra plusieurs formes. Je citerai en particulier : - La poursuite des annulations de dette au profit des pays les plus pauvres. Il est heureux que nous ayons atteint maintenant la phase où les annulations sont effectives. - Un nouveau régime pour les pays à revenu intermédiaire très endettés. La France proposera que leur dette puisse être partiellement allégée en contrepartie d'efforts de réduction de la pauvreté, en particulier pour l'éducation et la santé, et d'investissements dans les domaines cruciaux du développement durable, tels que l'eau ou l'énergie. Pour favoriser enfin ces partenariats public/privé indispensables à la réalisation des grandes infrastructures du développement, j'ai décidé, avec Tony BLAIR, le lancement d'une initiative pour faciliter la mobilisation des fonds privés dans les pays pauvres. Elle convaincra les entreprises réticentes à s'engager dans des programmes d'envergure. Cette proposition sera présentée à nos partenaires de l'Union européenne et du G8. - Naturellement, nous devrons veiller, à Beyrouth, à ce que les budgets de nos opérateurs augmentent. * Pour conclure cette introduction je voudrais vous faire deux propositions. Au cours des dernières années, nous avons progressé dans l'organisation d'une concertation politique de qualité en vue de la préparation des grands rendez-vous mondiaux. Nos ministres, qui se sont réunis hier, ont d'ailleurs adopté une déclaration commune. Nous pourrions aller plus loin. Première proposition : à Beyrouth, nous pourrions décider de consacrer le Sommet de Ouagadougou, où nous invite notre ami le Président Blaise COMPOARÉ, au thème du développement durable et à l'application du Plan d'action de Johannesburg.

Deuxième proposition : pour concrétiser cette décision, nous demanderions à l'OIF et ses opérateurs de mettre au point un dispositif facilitant l'accès de nos membres aux financements multilatéraux. Je vous le rappelle : qu'il s'agisse du FED ou de MEDA, les deux-tiers à peine des sommes engagées par l'Union européenne sont consommés. Il en va de même pour les grands fonds mondiaux tels que l'AID ou le Fonds pour l'Environnement. Et les projets francophones ne reçoivent pas assez d'attention de la part du Fonds mondial pour la santé, de l'Alliance pour la vaccination ou de la Facilité spéciale pour l'éducation. Comme nous sommes en train de le faire pour le NEPAD, nous devons donc mieux nous organiser pour profiter de ces fonds et démontrer à la communauté internationale l'exemplarité francophone.

Je vous remercie et suis heureux d'ouvrir notre débat.