DISCOURS DE M. JACQUES CHIRAC

SUR LA POLITIQUE CULTURELLE

(CAMPAGNE ELECTORALE POUR L'ELECTION PRESIDENTIELLE)

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THEATRE DU PALAIS ROYAL

LUNDI 8 AVRIL 2002

Chers Amis,

L'engagement culturel est une passion. Passion d'apprendre et de transmettre. Passion de donner et de découvrir. Passion de soi, de son histoire, de son patrimoine, de ses racines et passion de l'autre, que l'on rencontre dans sa beauté et sa vérité.

Cet engagement est le vôtre.

Vous tous, artistes, créateurs, acteurs de la culture, vous partagez le même rêve. Celui d'une France plus ancienne qu'elle ne le sait, plus grande qu'elle ne le croit, plus audacieuse, plus généreuse qu'elle ne l'imagine. Une France qui déborde ses frontières, par sa langue, par ses oeuvres, par son passé, par son génie. Une France qui porte dans le monde un message de respect, de dialogue, de solidarité.

Ce rêve, c'est aussi le mien. C'est le nôtre.

Je suis heureux d'être avec vous, aujourd'hui, dans ce théâtre du Palais Royal où nous accueille Francis Nani. Je vous remercie d'être venus si nombreux.

J'ai entendu, à travers les paroles fortes qui ont ouvert cette réunion, votre appel pour un renouveau de notre ambition culturelle.

Cette ambition, je souhaite que nous la portions tous ensemble, au-delà des choix politiques des uns ou des autres. Car, à mes yeux, la culture n'a jamais été et ne doit jamais devenir une affaire de parti, une affaire de clan. N'est-ce pas d'ailleurs tous ensemble que nous voulons défendre et préserver pour nous-mêmes, mais aussi pour toutes les autres nations, la diversité et le dialogue des cultures ?

Comment encourager la vitalité culturelle de notre pays, cette vitalité que je retrouve et que je ressens dans chacun de mes déplacements ? Comment mieux accompagner le talent de nos artistes, de nos créateurs, de nos auteurs, le dynamisme de nos industries culturelles ? Comment préserver et valoriser notre patrimoine ? Comment mieux répondre aux attentes de chaque Français ? Voilà les questions qui se posent à un moment où l'action de l'Etat hésite et marque le pas.

La France a su inventer un modèle de politique culturelle auquel nous sommes tous profondément attachés. Mais aujourd'hui, des interrogations, des doutes, des critiques, des demandes fortes se manifestent chez tous ceux qui agissent pour la culture dans notre pays. Collectivités locales, dont l'engagement est majeur. Associations, toujours plus actives. Institutions et compagnies qui font vivre le théâtre et la danse, la musique, le cirque et toutes les formes de spectacle vivant. Acteurs du marché de l'art, qui jouent un rôle si fort dans la diffusion de la création. Entreprises et particuliers, qui veulent prendre leur part de l'action commune.

Tous déplorent l'essoufflement et la crispation d'un Etat qui, à trop vouloir embrasser, diriger et contrôler, n'assure plus, comme il le devrait, ses missions premières. Tous regrettent de voir leurs capacités d'initiative bridées et freinées par des règlements désuets, une fiscalité inadaptée, une tutelle d'un autre âge, une paralysie budgétaire, une absence de projet. Tous constatent que, malgré la formidable expansion culturelle des dernières décennies, trop de nos concitoyens ont été laissés au bord du chemin.

Oui, l'heure est venue de donner une impulsion nouvelle à la politique culturelle.

C'est pourquoi j'entends placer cette politique au coeur du projet que je propose aux Français pour les cinq ans à venir.

J'entends d'abord que l'Etat s'en donne les moyens. Le budget du ministère de la culture doit cesser d'être la "variable d'ajustement" qu'il a trop souvent été : il doit être "sanctuarisé". Face à un environnement qui s'est profondément modifié, sous l'effet conjoint de la décentralisation, de l'intégration européenne et de la mondialisation, le ministère de la culture doit renforcer ses compétences et son expertise. Il doit mieux prendre en compte, dans son organisation, les questions juridiques, fiscales, européennes, qui intéressent au premier chef nos créateurs, nos industries culturelles et les acteurs du marché de l'art.

Renforcé dans sa capacité budgétaire, renforcé dans son expertise et éclairé dans ses priorités, le ministère de la culture pourra alors assumer pleinement les responsabilités qu'il doit porter au service d'une triple ambition : libérer l'initiative et toutes les énergies, pour que la culture devienne vraiment l'affaire de tous. Assurer l'égalité des Français dans l'accès à la culture. Défendre et favoriser la diversité culturelle en France, en Europe et dans le monde.

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C'est autour de ces trois priorités que je vous propose de sceller un nouveau pacte pour la culture.

Premier objectif : libérer l'initiative. Instaurer une nouvelle règle du jeu.

Cela vaut d'abord pour l'Etat. Nous avons des grands établissements prestigieux : le Centre Georges Pompidou, Versailles, l'Opéra, le Musée du Louvre, la Bibliothèque Nationale de France, la Comédie Française, la Cité de la Musique, que je souhaite voir complétée par la grande salle symphonique qui lui fait défaut. Demain, la Cité des Archives et le Musée du Quai Branly. Ces grands établissements, nous devons les remettre au centre de notre politique culturelle. Chacun doit voir clairement confirmées son autonomie et sa vocation nationale. Chacun doit voir affirmées, comme faisant partie de ses missions essentielles, l'éducation, l'innovation, la recherche, la présence sur les réseaux. Chacun doit prendre toute sa part de la décentralisation culturelle et du rayonnement international de la France. C'est ainsi que ces établissements, que notre tradition historique a concentrés à Paris, s'ouvriront aux régions et seront à la disposition de chaque Français.

Définition claire des objectifs, moyens inscrits dans la durée, autonomie, responsabilité, contrôle et évaluation. Tels sont les principes qui doivent inspirer les relations entre l'Etat et ces fleurons de l'excellence culturelle. Ils donneront son véritable sens au légitime exercice de sa tutelle. Car, c'est la leçon qu'il faut tirer de certaines crises récentes, autorité ne veut pas dire autoritarisme, pas plus qu'autonomie ne veut dire indépendance.

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Libérer l'initiative, c'est ensuite encourager et impliquer dans notre vie culturelle tous les acteurs de la société civile : particuliers, associations, fondations, entreprises. La culture doit devenir pleinement l'affaire de tous.

A cette fin, je propose qu'une loi vienne faciliter l'action de tous ceux qui oeuvrent pour la culture et encourager le mécénat des entreprises et des particuliers.

Il est temps de simplifier toutes les règles applicables aux fondations pour qu'elles deviennent des acteurs à part entière de notre vie sociale et culturelle. Dans cet esprit, je souhaite également que chaque entreprise dans laquelle l'État garde une participation montre l'exemple, en se dotant, quand ce n'est pas déjà le cas, d'une fondation dédiée à une action d'intérêt général et notamment culturelle. Chaque fois que ces entreprises ouvrent leur capital - je pense notamment à EDF- le capital des fondations qui leur sont rattachées devrait être augmenté.

Il est temps que les dons des particuliers à des oeuvres d'intérêt général bénéficient d'une réduction d'impôt vraiment significative, et que le mécénat d'entreprise soit lui aussi simplifié et encouragé. Oui, nous devons passer, à l'égard du mécénat, d'une culture de réticence et de soupçon à une culture de confiance et de reconnaissance !

Il est temps que la vie des milliers d'associations qui, avec leurs bénévoles, constituent le terreau de notre vie culturelle voient enfin leur action soutenue et leur vie administrative et fiscale facilitée. Je propose que l'on étende le bénéfice du chèque emploi-service aux petites associations culturelles. Je propose aussi, au-delà des mesures déjà prises en la matière, de mettre en place une fiscalité allégée en matière d'impôts sur les sociétés ou de taxe sur les salaires pour les associations.

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Libérer l'initiative, c'est enfin reconnaître et respecter les collectivités locales, qui consacrent au financement de la culture deux fois plus de moyens que l'Etat. Le nouveau partenariat que je veux leur proposer en faveur du patrimoine doit en être l'une des illustrations.

Si le patrimoine est notre héritage, il est d'abord une exigence. Il doit être partout préservé, partout accessible et offert au plaisir de la découverte.

Aux collectivités, à tous les acteurs de ce secteur essentiel de notre vie culturelle, propriétaires publics ou privés, associations, fondations, et particulièrement la Fondation du patrimoine, je propose un nouveau contrat. Un contrat qui s'inscrive dans une nouvelle loi-programme. Pour que cette loi porte tous ses fruits, je veux que s'instaure un véritable esprit de concertation entre les services de l'Etat et ses interlocuteurs sur le terrain. Qu'il s'agisse des procédures d'inscription et de classement, des prescriptions en matière de restauration, de la direction des travaux ou de leur mise en oeuvre, il faut rechercher plus de simplicité, de proximité et d'efficacité. Il faut respecter les délais et consommer les crédits votés par le Parlement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il faut des choix de protection et de restauration toujours expliqués, justifiés, partagés.

C'est en se fondant sur ces principes que l'Etat pourra réaffirmer sa légitime autorité, autorité qu'il exprime en particulier à travers le classement. Dois-je souligner qu'il lui appartient que le Centre des Monuments Nationaux retrouve le sens de ses missions et la sérénité qui n'aurait jamais du le quitter ?

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Notre deuxième ambition, c'est d'assurer l'égalité d'accès des Français à la culture.

Nous en sentons bien l'urgence, au moment où les violences qui traversent la société française sont autant de blessures, autant de coups portés à notre cohésion nationale, au pacte républicain. Une culture partagée porte en elle ce lien social dont nous avons tant besoin.

A cet égard l'éducation est la première clé de l'égalité. Si aucune famille ne peut plus concevoir aujourd'hui une éducation sans sport, trop peu d'entre elles ont accès au bénéfice de l'éducation artistique. C'est pourquoi je propose que, dans ce domaine, l'Etat définisse et permette un meilleur partage des tâches avec les communes et les régions. La charge est lourde en effet pour nos communes qui assument à la fois la sensibilisation artistique, en concertation avec l'Education Nationale et l'enseignement pré-professionnel dispensé par les conservatoires, les écoles nationales de musique et les conservatoires d'art plastique.

Les régions doivent se voir reconnaître de véritables compétences culturelles et en particulier prendre progressivement en charge l'enseignement pré-professionnel. L'Etat doit les y aider. Ainsi, les communes seront libérées de cette charge et pourront, comme elles le souhaitent, et comme elles y sont prêtes, intensifier et généraliser l'initiation et la sensibilisation culturelles. Quant à l'Education Nationale, au-delà des pratiques artistiques, elle doit donner toute sa place à l'histoire de l'art, en faire une discipline à part entière, comme c'est le cas chez nombre de nos voisins.

Dans les cinq ans à venir, grâce à une meilleure coopération entre tous les acteurs, grâce aussi à un engagement renouvelé de l'Etat, nous devrons avoir généralisé l'accès de chaque enfant à l'éducation artistique.

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Au-delà, si nous voulons gagner de nouveaux publics, beaucoup reste à faire pour assurer l'égalité des territoires face à la culture. L'objectif, c'est de corriger les déséquilibres de façon pragmatique et adaptée. Je pense, par exemple, à la lecture publique et au réseau des bibliothèques, dans une société où l'écrit reste la clef du savoir et de la formation, où l'illettrisme fabrique chaque jour de la souffrance et de l'exclusion.

Pour cela, l'Etat doit proposer aux collectivités des contrats pluriannuels qui garantissent ses concours financiers. Ainsi, elles pourront plus facilement structurer leur propre politique. Il doit aussi créer des souplesses nouvelles, indispensables aux petites communes pour coordonner leurs actions, mettre en commun leurs moyens et partager leurs équipements. C'est un impératif dans les zones rurales. Il revient enfin à l'Etat d'encourager les expériences innovantes, les efforts d'amélioration du service public, les initiatives comme les formules de "carte-culture", voire de "chèque culture".

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Pas d'égalité sans aménagement du territoire. Pas d'égalité non plus, si nous ne parvenons pas à remettre au service de la culture cet instrument unique de diffusion qu'est la télévision et particulièrement la télévision publique.

Au moment où s'engage la renégociation de la directive "Télévision sans frontières", nous allons d'abord nous battre afin de préserver nos acquis, essentiels pour nos artistes, créateurs et producteurs.

Par ailleurs, j'admire trop la tradition culturelle de la télévision française, le talent de ses producteurs et de ses programmateurs, pour admettre la marginalisation qu'y connaît aujourd'hui la culture. C'est pourquoi je veux un service public fort, au financement garanti et moins tributaire de la publicité. Un service public respectueux de ses engagements et de ses missions.

Je souhaite par ailleurs que le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel veille à ce que le lancement de la télévision numérique terrestre soit l'occasion d'une nouvelle offre télévisuelle où la musique et le spectacle vivant trouvent toute leur place.

Enfin, Internet peut constituer une chance extraordinaire pour élargir l'accès à la culture. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur les efforts qu'il nous faut déployer pour que les Français puissent accéder de manière élargie à l'informatique et aux réseaux à haut débit. Mais je veux dire ici qu'à travers la numérisation des fonds des grandes institutions, l'offre culturelle française doit être beaucoup plus présente et mieux coordonnée sur les réseaux. C'est la voie de l'avenir.

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Troisième objectif, troisième priorité : défendre et favoriser la diversité culturelle en France, en Europe et dans le monde.

Pourquoi ?

Parce que nous récusons les deux formes de stérilisation qui menacent aujourd'hui la vie de l'esprit : d'un côté le repli sur soi, le refus agressif de toute altérité, qui apparaît comme la part maudite de la mondialisation. De l'autre, l'arrogance médiocre d'un bruit de fond, uniforme et dénué de sens, qui usurpe le nom de culture. Oui, la pluralité des cultures, la variété des arts, la multiplicité des sciences, le concert des langues expriment l'irréductible polyphonie de l'esprit ! C'est vrai à l'échelle de la planète comme pour chaque nation. Ainsi, notre République est une. Sa langue est le français. Mais chacun sait que nos langues et cultures régionales font partie de notre richesse.

La diversité, c'est d'abord celle des créateurs et des artistes. Pour eux, pour vous, la reconnaissance se paie souvent au prix fort, celui d'une vie parfois soumise à de longues périodes d'aléas et de difficultés. C'est pourquoi il reviendra au futur ministre de la culture d'organiser une véritable réflexion collective sur vos conditions de vie et de travail, sur votre protection sociale.

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Assurer la diversité culturelle, c'est aussi mieux prendre en compte les industries culturelles qui sont l'une des forces de notre pays et qui portent une part importante de notre création.

L'Etat et la loi doivent jouer tout leur rôle. Je veux d'abord redire mon attachement à la loi de 1981 sur le prix du livre, inspirée par notre ami Jérôme Lindon. Je veux affirmer ma détermination à faire voter et appliquer le projet de loi sur le droit de prêt. Je veux également que la loi permette aux collectivités locales d'aider les librairies de création, comme elles peuvent aider les cinémas d'art et d'essai et les théâtres.

Par ailleurs, je m'engage à conforter notre système d'aide au cinéma, qui contribue, avec le succès que l'on sait, à sa vitalité et à son rayonnement. Je m'engage à ce que, dans le cadre d'une harmonisation des fiscalités européennes, la France agisse pour que la TVA sur le disque soit enfin amenée au même taux que la TVA sur le livre. Pour mieux protéger nos artistes, pour mieux soutenir leurs créations, je souhaite que soit mise à l'étude la création d'un Centre National de l'Edition Phonographique, sur le modèle du Centre National du Livre et du Centre National du Cinéma. La musique, la chanson sont des vecteurs puissants de notre culture et de notre langue. Elles doivent être défendues sur notre sol, comme au niveau européen.

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L'Europe, qui est l'expression même d'une diversité culturelle à la fois brillante, foisonnante et fragile, est l'espace naturel d'une culture française rayonnante. C'est à l'échelle de l'Europe que doit se mener le combat contre l'uniformisation culturelle et s'élaborer une véritable politique de coopération entre les cultures.

Oui, la France doit avoir l'ambition de proposer et faire partager par l'Europe un vrai projet culturel ! A l'heure de la circulation et de la reproduction des oeuvres sur les réseaux, priorité devra d'abord être donnée à la protection des droits des créateurs, à la modernisation et à l'harmonisation du droit d'auteur en Europe, pour affronter avec succès la bataille du " copyright " et assurer la pérennité du droit d'auteur " à la française ". Nous devrons, avec la même détermination, engager un combat sans merci contre le piratage.

Mais une politique culturelle européenne exige aussi de rapprocher, dans les différents pays de l'Union, les conditions, notamment fiscales, qui régissent la circulation, l'achat et la vente des oeuvres d'art. C'est une exigence absolue pour qu'une concurrence plus équilibrée règne entre les grandes capitales européennes du marché de l'art, dont Paris fait partie, et qu'elles puissent cumuler leurs atouts au lieu de s'affaiblir dans une concurrence acharnée.

A la France de jouer un rôle moteur pour que l'Europe s'implique dans la régulation des industries culturelles, afin d'éviter la formation de monopoles, et permette aux industries de programme d' affronter la mondialisation !

A la France de jouer un rôle moteur pour que l'Europe, enfin, bâtisse concrètement un espace culturel européen, à travers de grands programmes d'aide et de coopération. Des programmes qui permettront aux régions de mieux restaurer leur patrimoine. Des programmes qui uniront entre eux musées et bibliothèques des différents pays et régions de l'union, autour d'ambitieux projets d'expositions, de numérisation et de mise en réseau de leurs fonds. Des programmes qui permettront aux jeunes créateurs de séjourner à l'étranger, pour se former et s'y faire connaître, et aux spectacles vivants de voyager de ville en ville, bien au-delà de nos frontières. Les dépenses culturelles de l'Union représentent aujourd'hui tout au plus 0,4% de son budget. L'identité européenne mérite à l'évidence bien davantage !

A la France d'entraîner l'Europe dans son combat pour que la Charte pour la diversité culturelle, adoptée à l'automne dernier par l'UNESCO, devienne, demain, la base d'un nouvel instrument du droit international, qui reconnaîtra pleinement le droit des Etats à aider les créateurs par les mécanismes de leur choix. Nous devons faire vivre ce dialogue mondial des cultures pour lequel j'ai plaidé au lendemain des événements du 11 septembre et qui me semble la seule réponse au risque d'un " choc des civilisations ".

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Cette grande ambition d'une Europe des cultures et de la connaissance n'aura de sens et de portée que si la France sait aussi adapter et moderniser sa diplomatie culturelle.

Le moment est venu de repenser l'action de nos centres culturels à l'étranger, de leur donner accès à toutes les ressources des technologies de l'information et de la communication et d'établir un meilleur partage avec les alliances françaises, principales propagatrices de la langue française dans le monde. En un mot, je souhaite que soit redéfinie une stratégie plus dynamique de la France à l'étranger.

Dans cet esprit, je propose qu'un établissement public -une nouvelle agence - anime la politique d'échanges culturels et fédère, à l'image du British Council ou du Goethe Institut, l'ensemble des implantations culturelles françaises à l'étranger. Autonome, il donnera au réseau culturel et à chacun des centres la souplesse de gestion et la capacité de réaction qui lui font défaut. Il se donnera en particulier pour mission de mieux faire connaître nos créateurs.

Dans le même esprit, nous devons mener avec détermination la bataille des images et du son. A l'heure d'internet et du satellite, notre outil audiovisuel extérieur doit être impérativement repensé. Il y a là une véritable priorité pour les pouvoirs publics au service de notre langue et de tout l'espace francophone. Cet espace francophone pour lequel j'ai récemment développé de nouvelles propositions devant le Haut Conseil de la Francophonie.

Voilà comment nous pourrons gagner la bataille de la diversité culturelle !

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Chers Amis, en prenant devant vous l'engagement de placer la culture au coeur de notre ambition pour la France, en voulant réconcilier l'Etat et la liberté d'initiative et de création, en voulant réunir l'égalité et la diversité dans une même politique, j'entends rester fidèle à la tradition universaliste et humaniste qui est celle de notre pays.

La France, riche d'un formidable héritage culturel, s'enrichit de sensibilités diverses et nombreuses qui font notre culture vivante et rayonnante, fidèle à sa vocation universelle.

Notre langue n'exprime pas seulement notre culture. Elle exprime en même temps celle de tant de peuples proches et lointains qui l'ont reçue en partage. Grâce à la francophonie, qui ajoute encore à l'universalité de notre pensée et de nos valeurs, la France est au coeur de la diversité culturelle.

A la fin de l'un de ses plus beaux textes, "La crise de la culture", Hannah Arendt décrit ainsi la femme ou l'homme de culture : "Quelqu'un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé".

A nous, demain, de donner à chaque Français la chance de choisir ses compagnons spirituels, la chance de devenir cette femme ou cet homme de culture qui n'est autre que la figure achevée du citoyen.

Je vous remercie.