Intervention radiotélévisée de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, sur l'évolution de la situation au Kosovo.


Palais de l'Elysée- Lundi 12 avril 1999

Mes Chers Compatriotes,

Une nouvelle fois, je voudrais faire le point avec vous sur le drame du Kosovo.

Vendredi dernier, le secrétaire général de l'ONU a pris une initiative qui constitue une nouvelle étape dans la recherche d'un règlement politique. Ce matin, les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance se sont réunis. Après-demain, les chefs d'Etat et de Gouvernement des quinze pays de l'Union européenne se retrouveront à Bruxelles et, comme je l'ai souhaité, ils consacreront l'essentiel de leurs travaux à la situation au Kosovo. Face à ce conflit sur le sol européen, l'Union européenne doit en effet jouer tout son rôle.

Vous le savez tous aujourd'hui : il n'y a aucun doute sur la responsabilité du régime serbe, qui est à l'origine de cette crise et qui poursuit méthodiquement son action criminelle d'épuration ethnique. Ces atrocités, dont on ne connaît encore vraisemblablement qu'une partie, ces cortèges de réfugiés, cette immense douleur qui frappe tant d'enfants, de femmes et d'hommes innocents, sont une honte pour l'Europe et une honte pour le monde.

Aucune femme de coeur, aucun homme de coeur ne peut contester le bien-fondé de la réaction de la communauté internationale. Il fallait mettre un terme à une barbarie qui s'exerce depuis trop longtemps.

Les opérations que nous conduisons ensemble commencent à produire leurs effets.

Que devons-nous faire maintenant ?

Il faut, d'abord, maintenir cette pression militaire sur le régime serbe, aussi longtemps que n'auront pas été satisfaites de justes exigences morales et politiques.

Cette phase est difficile. Nous l'assumons, le Gouvernement et moi-même. La paix ne se gagne qu'après de longs efforts dans lesquels la facilité n'a pas sa place.

Il faut, dans le même temps, améliorer et adapter sans cesse l'aide humanitaire fournie par la communauté internationale à plus de 500 000 réfugiés chassés de chez eux par les forces serbes. Un effort considérable de solidarité est engagé. Vous y apportez une contribution exemplaire que je tiens une nouvelle fois à saluer.

Il faut aussi agir en faveur de ceux qui demeurent au Kosovo, dont nous connaissons mal la situation et pour lesquels nous avons les plus grandes inquiétudes. Nous devons trouver d'urgence les moyens de les aider.

Il faut enfin renforcer le soutien apporté aux pays d'accueil, l'Albanie, la Macédoine, le Monténégro, pour permettre à ces pays de faire face à l'afflux des réfugiés tout en les aidant, en aidant ces pays à préserver leur stabilité.

Mais notre détermination militaire et notre engagement humanitaire s'inscrivent dans une perspective plus large, dans une véritable vision politique et diplomatique. Ce qui est en cause, c'est l'équilibre même de notre continent, c'est l'avenir de tous les peuples des Balkans, y compris, bien sûr, le peuple serbe, qui doivent trouver leur place au sein d'une Europe en paix, démocratique et respectueuse de la dignité humaine.

C'est pourquoi nous attachons la plus grande importance à l'initiative du secrétaire général des Nations Unies. Je m'en étais entretenu avec lui. Je m'en suis également entretenu hier avec le Président CLINTON, avec nos partenaires européens, et aujourd'hui même avec le Président ELTSINE.

Ce plan, qui donne tout son rôle à l'ONU, repose sur quelques principes simples déjà exprimés par les Alliés, principes autour desquels toute la communauté internationale pourrait se rassembler : arrêt de la répression et retrait de toutes les forces serbes du Kosovo, retour des réfugiés dans des conditions de sécurité garanties par une force internationale. L'ensemble de ces exigences pourrait ouvrir la voie à un règlement politique de la crise, dès lors qu'elles seraient acceptées sans ambiguïté par les dirigeants serbes.

C'est dire que cette perspective est encore fragile, mais je peux vous assurer de la détermination de la France à poursuivre ses efforts.

Tous les entretiens que j'ai eus au cours de ces derniers jours font apparaître, et c'est nouveau, une large convergence de vues tant sur le rôle du Conseil de sécurité que sur la nécessaire association de la Russie dans la recherche d'une solution politique du conflit. Deux convictions que la France, vous le savez, défend depuis l'origine.

C'est dans cet esprit que les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union européenne se réuniront mercredi à Bruxelles pour travailler ensemble sur les différents aspects de la crise et examiner avec M. Kofi ANNAN, qui sera présent, les suites à donner à son initiative.

Mes Chers Compatriotes,

Les démocraties doivent être unies et courageuses. L'esprit de Munich, le renoncement et la compromission, n'ont jamais apporté que le malheur. Alors que nous faisons ensemble tant d'efforts pour construire l'Europe de la paix et des libertés, nous ne pouvons pas laisser sur notre continent tant de femmes et d'hommes victimes de la violence et de l'intolérance au seul motif de leur race ou de leur religion. L'histoire nous a hélas appris où une telle lâcheté pouvait conduire. C'est pourquoi je suis particulièrement fier de la générosité, de la lucidité et de la détermination du peuple français.