ALLOCUTION

DE MONSIEUR JACQUES CHIRAC

PRESIDENT DELA REPUBLIQUE

RECEPTION DES CONSEILS ECONOMIQUES

ET SOCIAUX RÉGIONAUX

***

PALAIS DE L'ELYSEE

MERCREDI 19 JANVIER 2000

Monsieur le Président,

Monsieur le Président du Conseil économique et social,

Monsieur le Président de l'association des régions de France,

Messieurs les Présidents,

Madame, Messieurs,

Je vous remercie, Monsieur le Président, de vos propos chaleureux. Je voudrais vous dire que je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui à l'Élysée. Je connais vos assemblées, je peux dire depuis toujours. Je connais leur sérieux, je connais leur pondération. Je connais la qualité de leur travail, à l'écart des clivages politiques, dans des enceintes où tout peut se dire, et d'ailleurs où généralement tout se dit, avec le seul souci du développement régional, et ceci dans un climat d'écoute et de respect mutuel.

Depuis la création des conseils économiques et sociaux régionaux, c'est je crois la première fois que leurs représentants sont réunis dans cette maison, qui est celle de la République dont vous évoquiez tout à l'heure les valeurs qui sont les vôtres. Je suis heureux de vous y souhaiter la bienvenue.

Les conseils, vous l'avez dit, Monsieur le Président, ont maintenant un quart de siècle. Ils se sont imposés comme des assemblées indispensables à l'élaboration de politiques régionales équilibrées et ce n'est certainement pas le Président Raffarin qui me contredira. Jour après jour, ils ont apporté à l'aménagement du territoire et au développement régional l'expérience des forces vives de notre pays, le dynamisme aussi de ceux qui créent l'activité et l'emploi, l'esprit de dialogue d'hommes et de femmes qui font vivre au quotidien notre démocratie sociale, l'engagement de ceux qui font vivre la vie associative. Vos assemblées sont aujourd'hui indissociables de l'institution régionale. Leur apport est considérable, notamment pour la préparation des budgets et des contrats de plan, nous l'évoquions tout à l'heure avec le bureau du Conseil économique et social. Il est désormais pleinement reconnu, et il l'est d'abord par les conseils régionaux eux-mêmes, je crois qu'on peut le dire.

J'ai souhaité que cette rencontre, que je voulais simple et amicale, c'est ce que vous aviez souhaité, Monsieur le Président, se tienne en présence du Président du Conseil économique et social, M. Jacques Dermagne, et du bureau de cette assemblée, car il est bon que vous puissiez développer encore et ensemble des approches et des réflexions communes, travailler en réseau, faire progresser au plan national une démarche permettant de mieux associer la société civile à la vie de la cité.

J'ai également convié M. Jean-Pierre Raffarin à se joindre à nous, au nom de l'association des régions de France. Vos assemblées oeuvrent sans relâche pour le développement des régions aux côtés de leurs élus. Cette collaboration entre représentants des citoyens et acteurs de la vie économique et sociale -et je crois que le mot n'est pas exagéré- est exemplaire. La présence de M. Raffarin, que je salue amicalement, nous permet de le souligner.

J'ai souvent l'occasion de dire toute l'importance que j'attache au dialogue social. La société française, vous l'avez dit tout à l'heure, Monsieur le Président, change en profondeur. Nos compatriotes sont las des systèmes centralisés, des organisations pyramidales, des démarches d'autorité. Ils aspirent de plus en plus à pouvoir prendre en mains leur propre destin. L'affirmation des pouvoirs locaux est naturelle à une époque où la règle doit être de traiter les problèmes au plus près des communautés de vie, là où l'on connaît le mieux les réalités et aussi les gens.

Pour que nos compatriotes reprennent confiance dans la vie publique de notre pays, il faut que s'affirme une véritable démocratie de proximité, à l'écoute des Français, soucieuse de leur permettre de réaliser leurs projets et aussi d'accomplir leurs talents.

Sur les questions qui préoccupent le plus nos compatriotes -la sécurité, l'emploi, la formation, la solidarité-, il est en effet de plus en plus évident que les solutions efficaces passent par une libération des initiatives et des énergies locales, en s'appuyant sur les atouts de chaque région, sur son histoire, sur son présent. Elles passent aussi par l'adaptation aux réalités du terrain de règles et de procédures nationales trop souvent conçues dans l'abstrait.

L'uniformité est aujourd'hui une référence du passé ; la reconnaissance de la diversité, une valeur d'avenir.

Les attentes à l'égard des pouvoirs locaux vont croissant. Notre démocratie doit faire en sorte que chaque décision engageant la collectivité soit prise au niveau qui permet d'obtenir les résultats les plus efficaces et les plus rapides : le rôle de l'Etat restera essentiel mais, de plus en plus, c'est aux niveaux régional et local que les bonnes décisions se prendront, ou par accord entre les partenaires sociaux.

En nous conformant à ce type de démarche, nous ferons progresser une société de la confiance, du contrat et de l'initiative, une société davantage tournée vers l'innovation et l'expérimentation, porteuse de projets, dynamique, participative, capable d'inventer de nouveaux équilibres par le dialogue et par l'échange.

La démocratie locale n'attend pas que les pouvoirs centraux donnent le signal du mouvement pour avancer, créer, changer les comportements et les méthodes d'action au service de l'intérêt général.

Vos assemblées sont au confluent de la démocratie locale et de la démocratie économique et sociale. Celles-ci ne doivent pas être opposées. Elles sont en réalité complémentaires. C'est en faisant toute leur place aux acteurs de la vie économique et sociale pour déterminer les grandes orientations de la politique régionale et suivre leur mise en oeuvre que les élus seront le mieux éclairés pour faire les choix qui changent ou engagent l'avenir de la collectivité. Aux élus de délibérer et de trancher, au nom de la région. C'est leur responsabilité devant les citoyens. Elle est clairement établie. Mais il importe qu'ils puissent remplir cette mission en étant constamment nourris de vos analyses, de vos réflexions et de vos propositions.

Ce que vous apportez aux assemblées politiques, c'est votre compétence professionnelle, votre sens de l'équilibre et du concret, votre pondération, vos projets pour l'avenir.

Cela est particulièrement vrai, bien sûr, quand il s'agit de la formation des jeunes, des infrastructures de transports et de l'action économique, trois domaines d'intervention où le rôle naturel des régions s'est fortement affirmé. La région est une collectivité de projets plus que de gestion. A cet échelon plus encore qu'aux niveaux local ou départemental se fait sentir le besoin d'inscrire l'action publique dans l'expérience des activités et des métiers qui font la richesse d'un territoire et dessinent son avenir. Tel est votre rôle. Il est irremplaçable. Et ce qui est vrai au niveau local l'est aussi au niveau national, dès lors que les acteurs économiques et sociaux demeureront attentifs à toujours fonder leurs recommandations sur une expertise incontestable.

L'ancrage du dialogue social dans notre démocratie doit être renforcé. Cela n'implique pas, bien sûr, que l'Etat doive se tenir toujours à l'écart du champ social, comme si le législateur n'avait pas pour vocation de poser des principes, d'établir des garanties, de donner l'impulsion aux changements nécessaires pour développer l'activité et pour améliorer les systèmes de protection sociale.

C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'ai voulu en 1996 que le Parlement se prononce chaque année sur l'équilibre de la sécurité sociale. C'est une réforme à mes yeux essentielle et je suis très attentif à ce que les nouveaux droits du Parlement dans ce domaine soient toujours respectés.

Je promulguerai aujourd'hui, c'est ainsi, en l'état, comme la Constitution le prévoit, la loi sur la réduction du temps de travail, dans toutes celles de ses dispositions qui n'ont pas été jugées contraires à la Constitution par la récente décision du Conseil constitutionnel. Mais cette décision juridictionnelle affecte les conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale que le Parlement vient, par ailleurs, de déterminer. Pour que les droits du Parlement soient pleinement respectés, je souhaite qu'une loi de financement rectificative soit soumise dans les meilleurs délais au Parlement.

Mesdames, Messieurs,

Le crédit que les conseils économiques et sociaux régionaux ont su acquérir, l'expérience accumulée dans chaque région de France, le travail de votre association, vous permettent aujourd'hui de donner un sens accru à votre engagement. Au service de vos régions, vous êtes aussi au service du pays tout entier. A la place qui est la vôtre, vous démontrez en effet que le renouveau de notre vie démocratique est possible et que les Français ne demandent qu'à s'engager, pourvu d'avoir le sentiment de pouvoir agir et d'être utiles. Le sentiment que les initiatives ne seront pas découragées, enfermées dans trop de réglementations et de contrôles. En un mot, le sentiment qu'on ne perd pas son temps quand on le donne au service de la communauté.

Je voudrais que ce propos soit aussi un message d'encouragement et de reconnaissance pour chacun des membres de vos assemblées. Je vous demande de le leur transmettre, de leur dire toute mon estime et toute mon amitié.

L'autorité de vos assemblées, l'audience dont elles bénéficient, reposent avant tout sur leur engagement. Votre pouvoir, c'est celui de la conviction. Et votre force de conviction, c'est votre travail, votre expérience, votre réussite professionnelle, votre disponibilité. De tout cela, je tenais particulièrement à vous rendre hommage.

Mais cette rencontre doit aussi être l'occasion d'un échange amical.

Et je voudrais terminer en vous remerciant et en souhaitant aux membres de vos assemblées, comme je l'ai fait pour ce qui concerne le Conseil économique et social, une année 2000 qui soit riche de projets et de réalisations et aussi de bonheur pour chacun de ses membres.

Je vous remercie.