G8 de Sea Island : Éléments d'intervention du Président de la République concernant le Grand Moyen Orient, "GMO"

G8 de Sea Island : Éléments d'intervention de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, concernant le grand Moyen Orient, "GMO" - document de travail -


Depuis cinq mille ans, le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord sont un des creusets de la civilisation. C'est là que furent inventées l'agriculture et l'écriture.

C'est là que sont nées les premières villes et les premiers Etats.

C'est là que furent rédigées les premiers codes de lois. C'est là enfin que les trois religions du Livre ont trouvé leur inspiration et leur élan.

Cet héritage est aux sources de nos valeurs les plus fondamentales : la liberté et la dignité humaine. Dépositaires d'une histoire prestigieuse, de riches cultures, les peuples de cette région aspirent naturellement à trouver leur place dans la mondialisation, à tracer leur chemin vers davantage de démocratie et de développement économique.

Certains pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ne nous ont pas attendus pour s'engager dans la voie des réformes. Depuis longtemps déjà, des forces de changement y sont à l'œuvre, à la recherche d'un équilibre entre le legs de la tradition et les exigences de la modernité.

L'adoption par les Chefs d'Etat de la Ligue Arabe, le 23 mai dernier à Tunis, d'une déclaration sur le « processus de développement et de modernisation » revêt une grande signification politique. Je veux saluer la détermination des dirigeants qui ont su faire le choix du mouvement. Je veux aussi saluer la vitalité des sociétés civiles qui ont placé ce débat sur la place publique.

Le G8 propose aujourd'hui aux pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord un « partenariat pour le progrès et un futur commun ».Cette initiative, nous le savons tous, a été longuement débattue au sein du G8 et dans le monde arabe. Le résultat auquel nous sommes parvenus peut contribuer, de manière utile et forte, au progrès des réformes engagées par les pays de la région.

La réussite de cette initiative dépendra, en définitive, de notre capacité à établir, avec les gouvernements et les peuples du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord un partenariat authentique, fondé sur le pragmatisme, le respect, la confiance et le dialogue.


1) Le pragmatisme, c'est d'abord de reconnaître l'évidence : les conflits qui déchirent la région sont aujourd'hui les premiers obstacles à son développement.

Nous devons prendre la mesure des ressentiments et des frustrations qu'engendre – d'un bout à l'autre du monde arabe – le spectacle quotidien de la violence et des humiliations dans des lieux aussi chargés d'histoire et de symboles.

Dans ce contexte, notre responsabilité première est de nous engager, sans réserve, en faveur du règlement de ces conflits. De faire prévaloir les principes que nous entendons promouvoir : la primauté du droit, le respect des droits de l'homme.

Au Proche-Orient, nous n'avons pas fait preuve collectivement de la détermination nécessaire. Nous sommes restés trop longtemps otages des préalables et des pré-conditions. Regardons les dégâts de ces quatre années d'Intifada, ces milliers de civils innocents fauchés par la violence aveugle.

Nous devons sans délai – parce que nous le pouvons – ramener les parties sur la voie d'un règlement politique et enrayer l'escalade de la violence. Nous devons accélérer, voire imposer la mise en œuvre de la Feuille de route du Quartet, avec l'objectif de deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, conformément aux résolutions des Nations Unies. Nous devons aussi réfléchir sérieusement à une présence internationale sur le terrain, que notre communiqué de Gênes en 2001 évoquait déjà.
N'oublions pas enfin que, pour être durable, la paix dans la région devra être globale, et inclure un règlement des volets syrien et libanais.

En Iraq, un transfert effectif du pouvoir doit être mis en œuvre, sous l'égide des Nations Unies, afin que ce pays aujourd'hui plongé dans le chaos retrouve sa pleine souveraineté, avec un gouvernement crédible, responsable, pourvu de toute l'autorité nécessaire. C'est en ce sens que nous devons travailler au sein du Conseil de Sécurité.

Si nous ne nous engageons pas davantage, tous ensemble, dans ces voies de règlement, quelle sera notre crédibilité collective ? Quelle sera notre légitimité à promouvoir des réformes pourtant nécessaires ?

omment désarmerons-nous la méfiance de ceux qui nous soupçonnent d'intentions cachées ou de chercher à imposer à la région, sans respect pour son identité et sa diversité, un modèle qui lui est étranger ?

Comment ferons-nous cesser le sentiment d'hostilité à l'Occident, si répandu au Moyen-Orient, si destructeur pour la cohabitation pacifique de nos pays ? Soyons prêts à aider. Mais veillons à ne pas provoquer. Au risque de nourrir les extrémismes et d'enclencher le piège fatal du « choc des civilisations » que nous cherchons précisément à conjurer.


2) Le partenariat que le G8 offre aujourd'hui aux pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ne doit pas être imposé mais librement choisi.

Les droits de l'homme, proclamés par la Déclaration Universelle de 1948, et la démocratie sont des valeurs universelles.

Mais il n'est pas de formule démocratique toute faite qu'on pourrait transposer d'un pays à l'autre. La démocratie n'est pas une méthode mais une culture. Le fruit d'une histoire, d'une profonde maturation, de combats et de débats politiques. La démocratie dans le monde arabe ne s'enracinera ainsi solidement et durablement que si c'est d'abord une démocratie arabe. Vouloir que la liberté, le respect des droits de l'homme, l'état de droit s'imposent dans un pays, c'est d'abord respecter la liberté et l'indépendance de ce pays.

Car la réforme ne se décrète pas de l'extérieur. Elle s'accomplit à l'intérieur. Et les valeurs imposées ne s'assimilent jamais. Elle gardent toujours le goût de l'humiliation.

Les réformes politiques d'abord. Les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord n'ont pas besoin de missionnaires de la démocratie. Mais ils doivent savoir qu'ils peuvent compter sur nous pour les accompagner sur le chemin des réformes qu'ils ont choisi. Nous disposons à cette fin d'instruments efficaces qui permettent d'appuyer les processus sans ingérence.

Les réformes économiques ensuite, afin de libérer le potentiel d'initiative et de croissance. Pour faire reculer la pauvreté. Pour permettre à cette région, qui fut longtemps dans l'histoire à l'avant-garde de la science, de l'industrie et du commerce, de trouver toute sa place dans la mondialisation.

Les réformes sociales enfin, afin de permettre aux femmes et aux hommes de cette région d'exprimer tous leurs talents. Pour ouvrir à la jeunesse, qui en représente plus de la moitié de la population, d'autres perspectives que le chômage, la révolte et l'extrémisme. Pour en finir en particulier avec l'analphabétisme et donner aux générations nouvelles accès, par l'éducation, aux trésors de leurs cultures et à tous les savoirs du monde.


3) Nous voulons construire notre « futur commun » sur le respect et le dialogue.

C'est cet esprit de respect mutuel qui, depuis 1995, anime le partenariat euro-méditerranéen.
C'est ce même esprit que nous devons insuffler au partenariat que nous inaugurons aujourd'hui entre le G8 et les pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord.

Ce nouveau partenariat n'a pas vocation à se substituer aux instruments existants de l'Europe ou des Etats-Unis. Mais il doit, au contraire, s'appuyer sur le capital de confiance patiemment acquis.

Le « Forum pour le Futur » que nous lançons aujourd'hui sera le cadre naturel de ce nouveau dialogue. Il nous appartient de le faire vivre. D'en faire un lieu d'écoute et d'échange. Un lieu d'initiative aussi où les pays de la région pourront exprimer leurs besoins et leurs attentes et où les pays du G8, avec ceux qui voudront les rejoindre, pourront coordonner leur réponse.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord se joue pour une bonne part l'avenir du monde.

L'avenir de la paix, tant les forces et les passions aujourd'hui déchaînées ébranlent la stabilité et la sécurité.
L'avenir du dialogue des civilisations et de nos valeurs communes à un moment où menacent les intégrismes de tout bord et les dogmatismes.

Tel est l'enjeu de notre partenariat et des réformes. Tel est notre responsabilité face à l'histoire et devant les générations futures.





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