Illustration : François MitterrandDiscours de M. François Mitterrand, Président de la République,

Hôtel de Ville de Paris - Jeudi 21 Mai 1981

Monsieur le Maire,


Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

M. le Maire, je vous remercie des vœux que vous venez d'exprimer pour la réussite de cette nouvelle période qui vient de commencer dans l'histoire de la République, ainsi que des souhaits que vous formulez pour le changement dont la France vient d'affirmer la volonté.

Il est bien vrai, que je viens ici conformément à une tradition, mais plus encore que la tradition l'histoire m'en fait un devoir. A Paris est née, un jour de l'été 1792, la première République française, elle nous proposa, avec un temps d'avance, le suffrage universel et avec lui ces mots nouveaux qui devaient faire depuis le tour du monde, les Droits de l'Homme et du Citoyen.

Difficile et douloureuse enfance, si souvent combattue, parfois même abattue, mais renaissant chaque fois du sursaut populaire. Oui c'est à Paris qu'on peut le mieux parler de République et de liberté.

Et c'est à l'Hôtel de Ville de Paris qu'on peut le mieux parler de République et d'égalité. Premier contre-pouvoir, face au château du seigneur, l'Hôtel de Ville s'affirme comme la maison commune, vieux face-à-face du roi et du prévôt, de la cour et de la ville et plus tard en contre-façon de Versailles et de la Commune.

1830, 1848, 1870, 1871, à quoi bon égrener les dates, beaucoup sont devenues des fêtes, mais n'oublions pas qu'elles furent d'abord des combats.

L'absolutisme ne pardonne pas au pouvoir municipal. A celui-ci, moins qu'à tout autre. Ce n'est pas un hasard si Napoléon Bonaparte supprima le Conseil municipal de Paris au bénéfice des Préfets, ce n'est pas un hasard si Louis-Napoléon à son tour accrut la tutelle de l'Etat sur la ville.

Victor Hugo disait : " Qui adresse la parole à Paris, s'adresse au monde entier ".

Je préfère aujourd'hui, à travers vous, m'adresser à toutes les communes de France. J'ai été maire, je suis encore Conseiller municipal, je sais qu'ici bat le coeur de Paris, que c'est ici enfin qu'on peut parler et que je dois parler de République et de fraternité.

Un grand souvenir m'habite en cet instant, c'était le 25 août 1944. Depuis quelques jours Paris avait pris les armes, le Comité parisien de libération et le Conseil de la résistance avaient fait de cet Hôtel de Ville, après la Préfecture de police, le symbole, la tête de proue de la France libérée, libérée par elle-même. 25 août, 26 août, j'ai vécu ces jours, il y a 37 ans, j'étais là, parmi d'autres, pour recevoir le Général de Gaulle, comme lui et comme tant d'autres, j'écoutais la profonde rumeur de la foule qui montait vers les fenêtres, comme lui et comme tant d'autres, je ressentais, ainsi qu'il a écrit dans ses " Mémoires de Guerre ", l'émotion sacrée qui nous étreint tous, hommes et femmes, en ces minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies. A cette minute-là, la France était fraternelle.

Vous l'avez dit, M. le Maire, il y a beaucoup à faire. Mais rien ne se fera sans la fraternité et rien sans la justice.

En cet instant où il est possible d'abandonner ne serait-ce qu'un moment l'âpreté des compétitions politiques, qui mieux, que le Président de la République, mesure l'effort à accomplir? Qui, mieux que lui, peut exprimer la profonde volonté d'union de notre peuple? Chacun restera bien entendu fidèle à ses choix et à ses préférences et je n'entends pas déroger moi-même aux engagements que j'ai souscrit devant le suffrage universel pour répondre à l'aspiration au changement des Françaises et des Français qui m'ont fait confiance.

Le débat, l'expression des différences sont légitimes, sont même nécessaires dans une démocratie, mais au-delà des confrontations j'en appelle à la cohésion de notre pays, source de vitalité, garantie de notre puissance, pour affronter les problèmes du temps.

Oui, M. le Maire, il y a beaucoup à faire. Paris, ville des lumières, est aussi celle de l'imagination parce qu'elle est une ville de mémoire. Sachons à présent inventer l'avenir.

Vive Paris !


Vive la République !






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