Interview accordée par le Président de la République à "Al Arabiya ". (Extraits)

Interview accordée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République à la chaîne satellitaire" Al Arabiya ". (Extraits)

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Palais de l'Elysée - difusée le 18 septembre 2006.


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QUESTION - Permettez-moi, Monsieur le Président, d'évoquer la situation qui prévaut au Sud Liban. Vous avez été le premier à réclamer un cessez-le-feu immédiat et le déploiement d'une force de protection internationale, c'était le 14 juillet. Vos efforts ont porté leurs fruits à travers l'adoption au Conseil de sécurité de la résolution 1701. La FINUL a commencé à se mettre en place. Quelle sera, à votre avis, la prochaine étape vers une solution durable ?

LE PRESIDENT - D'abord, j'ai été très traumatisé par ce qu'a subi le Liban, ces destructions massives, et disproportionnées, par rapport à la situation politique telle qu'on pouvait l'apprécier. Elles ont profondément traumatisé le peuple libanais, avec lequel, vous le savez, la France entretient depuis très longtemps des relations d'estime et d'amitié.

Je me suis réjoui que l'ONU, par un vote unanime, ait adopté la résolution 1701 qui donne un cadre dans lequel, je l'espère, pourra se développer la paix, en particulier au Liban. Dans ce cadre, à la demande du gouvernement libanais, et en accord avec le gouvernement israélien, une FINUL modernisée s'est développée. Avec la France et l'Europe, ce qui était très important, mais aussi avec l'ensemble des pays d'Asie et la Russie. La communauté internationale a marqué ainsi sa solidarité, en exprimant une volonté de paix au Liban. Ce n'est pas seulement l'Europe, c'est l'ensemble de la communauté internationale et notamment, pour l'Asie, des pays musulmans et non musulmans, puisque nous y comptons la Chine.

Je souhaite que le gouvernement libanais puisse, après quarante ans d'absence, imposer sa présence et son autorité sur l'ensemble du territoire libanais, tant il est vrai qu'il n'y a pas de pays, il n'y a pas de nation, si une partie du territoire de ce pays ou de cette nation échappe à l'autorité du pouvoir central démocratiquement élu. C'est donc essentiel. Cela supposera, c'est l'étape à venir, qu'il y ait un accord intérieur au Liban pour faire en sorte que toutes les forces politiques puissent s'exprimer en tant que telles, démocratiquement participer à la vie du pays, mais à l'exclusion de milices armées, qui sont incompatibles avec un Etat souverain.

QUESTION - Cette offensive israélienne que vous venez de qualifier, encore une fois, d'opération disproportionnée : comme vous le savez, des villages rasés ou presque, des familles entières dont beaucoup d'enfants ont été tués sous les décombres de leur maison - 30 000 maisons ont été détruites. Vous avez évoqué le mois dernier la nécessité de tenir une conférence internationale pour la reconstruction. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette initiative?

LE PRESIDENT - Il est certain que le Liban a été traumatisé et déchiré par cette crise qui a remis en cause tout l'effort qu'avait fait le peuple libanais depuis quelques années. Cela justifie une action solidaire de la communauté internationale, une action de relèvement et de reconstruction. Un premier pas a été fait, notamment à l'initiative du Premier ministre suédois, qui a réuni un certain nombre de donateurs pour apporter une aide à la reconstruction du Liban. Cela, c'était, je dirais, l'urgence. La France a beaucoup appuyé cette initiative du Premier ministre suédois.

Il faut maintenant faire les choses de façon plus approfondie, ce qui implique une conférence internationale permettant de rassembler les moyens nécessaires à la reconstruction de l'ensemble du Liban, au soutien à sa monnaie et à la reconstruction de ses équipements et de ses conditions de vie. J'ai donc proposé que cette réunion se tienne et j'aurai l'occasion de développer cela à l'Assemblée générale de l'ONU. Où se tiendra-t-elle ? A Beyrouth, à Paris, ou ailleurs, peu importe. Ce qui est important, c'est que la solidarité internationale s'exprime en faveur du redressement et de la reconstruction du Liban.

QUESTION - En tous cas, la France est à la tête d'un grand élan de solidarité avec le peuple libanais. Et on ne peut pas parler de la reconstruction sans parler de Rafic HARIRI, un de vos grands amis, absent aujourd'hui. Quelle sera la position de la France si le rapport de la commission d'enquête sur son assassinat n'est pas déterminant, cette fois-ci ?

QUESTION - Je ne veux pas préjuger de ce que dira la justice. Nous avons été en France et, notamment moi, en tant qu'ami, traumatisés par l'assassinat sauvage du Premier ministre Rafic HARIRI, qui a tant fait pour son pays, qui a redressé son pays politiquement, moralement et matériellement. Et à qui le Liban doit rendre un hommage mérité, un hommage historique.

Nous avons fait partie de ceux qui ont demandé, et obtenu de l'ONU, une commission d'enquête, qui est aujourd'hui présidée par une personnalité éminente, le juge BRAMMERTZ, qui va déposer prochainement son rapport. Par ailleurs, une procédure, légitime, nécessaire, essentielle, sur le plan moral comme sur le plan politique, est engagée pour la création, acceptée par l'ONU et qui doit maintenant entrer rapidement dans les faits, d'un tribunal international, qui pourra juger, le cas échéant, à partir des conclusions du rapport de M. BRAMMERTZ, ceux qui seraient à l'origine de l'assassinat de Rafic HARIRI, et d'autres assassinats qui ont eu lieu, hélas, depuis.

QUESTION - Autre dossier chaud, les Etats-Unis et l'Union européenne demandent constamment aux Palestiniens de renoncer à la violence. On semble oublier, dans le même temps, que la violence israélienne fait tous les jours des victimes au sein de la population civile. Quel est votre message, Monsieur le Président, aux deux parties aujourd'hui ?

LE PRESIDENT - Un message indispensable de paix. Ce conflit, depuis très longtemps, empoisonne en quelque sorte les relations internationales et comporte de nombreuses conséquences et nourrit en particulier un terrorisme que nous connaissons. Il n'y a pas d'autres solutions que la paix. La paix suppose, bien entendu, le rétablissement de la confiance qui a disparu entre Israël et les Palestiniens. Il y a eu une période de progrès vers la paix. Il y a eu SADATE et BEGIN, il y a eu RABIN et ARAFAT, il y a eu des moments où la confiance était un peu revenue. Elle doit être rétablie, sinon on ne fera rien.

Nous souhaitons que la situation actuelle de la Palestine soit bien prise en considération dans ce qu'elle a de dramatique pour les Palestiniens. Le fait que près d'un million de personnes se trouvent privées de leur revenu, parce que l'on ne paie plus les salaires des fonctionnaires, avec les conséquences humaines et sociales que cela comporte ; le fait que l'Autorité palestinienne soit dépourvue des moyens indispensables à son action, notamment parce qu'Israël ne paie pas ce qu'il doit, en particulier les taxes qu'il perçoit à la place de l'Autorité palestinienne. Il y a là la nécessité absolue d'une mobilisation, de la fin du blocus, de la réalisation d'une initiative de redressement économique pour répondre à la situation dramatique que l'on connaît actuellement en Palestine. Je souhaite beaucoup que la proposition de la France soit suivie : nous proposons que le Quartet se réunisse d'urgence pour préparer une conférence internationale dans laquelle on définirait les garanties que la communauté internationale pourrait donner aux deux parties, ce qui suppose que ces deux parties aient repris, tout de même, le dialogue et déterminé ensemble les modalités d'un accord.

QUESTION - Une question sur le gouvernement palestinien, un gouvernement d'Union nationale, qui sera formé dans quelques jours. Croyez-vous, Monsieur le Président, que cette étape pourra aider à débloquer la situation dans les Territoires palestiniens et peut-être lancer le processus de paix avec Israël ?

LE PRESIDENT - Je le souhaite, parce qu'il n'y a pas d'autre issue possible que la recherche de la paix et qu'il faut pour cela rétablir la confiance, car la méfiance est mauvaise conseillère. Et c'est ce qui prévaut actuellement, en fait, entre les deux parties. Je fais toute confiance à M. Mahmoud ABBAS, et je lui rends un hommage particulier en tant que Président de l'Autorité palestinienne, pour trouver une solution qui permette à chacun de s'associer à un effort pour la paix et la stabilité. M. Mahmoud ABBAS est en négociation avec l'ensemble de la nouvelle majorité en Palestine et j'espère que, au terme de cet effort, un gouvernement permettra de résoudre les problèmes, notamment matériels et financiers, qui, sinon, finiront par créer dans cette région une véritable crise humanitaire.

QUESTION - La France se concerte souvent avec l'Egypte et l'Arabie saoudite. Quels sont les sujets sur lesquels vous avez les mêmes points de vue ?

LE PRESIDENT - Nous avons une concertation très ancienne et permanente, amicale et confiante avec ces deux pays. Avec l'Arabie saoudite, où j'ai eu l'occasion de faire un voyage officiel qui était vraiment marqué par l'amitié et l'estime réciproques. J'ai aussi eu l'occasion de recevoir récemment à Paris le Prince héritier.

De la même façon, nous avons avec l'Egypte des relations très anciennes, très cordiales, très chaleureuses, très confiantes. Et je me suis réjoui, par exemple, de la remarquable intervention, exceptionnelle de qualité et d'intelligence, de Mme MOUBARAK lors de l'Atelier culturel qui a eu lieu la semaine dernière en France. Je tiens à le dire ici, parce qu'elle a impressionné !

Nous avons avec ces pays, et avec beaucoup d'autres pays de la région, des relations de confiance et d'amitié. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tous les détails, mais ce sont des relations de confiance et d'amitié.





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