Extraits de la conférence de presse, de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du premier jour du sommet du G8


Saint Petersbourg (Russie) , dimanche 16 juillet 2006



Mesdames, Messieurs,

Mesdames, Messieurs,

A l'occasion d'un G8, par ailleurs parfaitement organisé -je reviendrai tout à l'heure sur les différents points que nous avons évoqués-, nous avons, vous l'imaginez, été particulièrement mobilisés par la situation au Moyen-Orient, une situation particulièrement préoccupante à nos yeux.

Nous nous trouvons en effet devant une explosion qui se traduit par des pertes humaines nombreuses à Gaza, au Liban en Israël, par des destructions massives, notamment d'équipements, par ailleurs indispensables à la vie quotidienne des hommes et des femmes de ces régions, de nombreux blessés qui ont besoins d'aide et d'assistance et, notamment, de médicaments.

La France s'en préoccupe, vous l'imaginez bien. C'est une situation qui nous angoisse et qui nous préoccupe, au-delà de ce que l'on peut imaginer. Pertes humaines, blessés, destructions et aussi, cela va de soi, inquiétude pour ce qui concerne nos concitoyens. Nombreux sont les Français qui sont au Liban, où je rappelle que c'était le début de la saison touristique et donc un certain nombre de nos compatriotes étaient allés au Liban. Nombreux sont celles et ceux qui, traumatisés par la situation, souhaitent revenir en France. Je voulais indiquer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour qu'ils puissent le faire et que les moyens, notamment en bateau, seront disponibles dès demain matin pour nos compatriotes qui souhaiteraient revenir du Liban vers la France.

Devant cette situation, nous avons eu un seul souci, ici, entre les membres du G8, c'est de mettre un terme à l'escalade et aux agressions, à la violence. Dans cet esprit, nous avons adopté à l'unanimité une déclaration, que vous allez avoir je pense très prochainement, tout à fait claire -je vous laisserai le soin d'en prendre connaissance-, qui indique à la fois notre réprobation et notre volonté que l'escalade s'arrête et que la situation se renormalise et notamment, qu'il y ait un cessez-le-feu durable, aussi bien à Gaza, qu'au Liban.

Dans cet esprit, nous avons approuvé la décision prise par l'ONU et le Secrétaire général de l'ONU d'envoyer immédiatement une mission. J'avais eu un long contact avec le Secrétaire général de l'ONU, avant-hier soir, et je lui avais suggéré d'envoyer d'urgence une mission de cette nature pour qu'elle ait des contacts avec toutes les parties concernées et qu'elle puisse essayer de rassembler un point de vue commun sur la situation.

Cette mission est actuellement sur place, elle a pour vocation d'affirmer clairement quelles sont les conditions de ce retour à une situation normale. La libération des soldats israéliens détenus en otage, soit par le Hamas, soit par le Hezbollah, l'arrêt des tirs de roquettes Qassam sur Israël en provenance du Liban ou de Gaza et puis le minimum de protection des infrastructures qui ne sont pas encore détruites. C'est angoissant d'imaginer que toutes ces populations vont, pendant de longs mois, peut-être des années, supporter encore les conséquences de ces destructions massives, qu'il s'agisse des routes, des autoroutes, des ponts, des centrales électriques ou d'autres équipements, par ailleurs indispensables à la vie.

Pour ce qui concerne Gaza, notre sentiment clairement réaffirmé a été la nécessité de reprendre le dialogue avec le Président de l'Autorité palestinienne, c'est-à-dire avec M. Mahmoud ABBAS. Ce dialogue était, semblait-il bien parti, j'avais eu l'occasion de recevoir M. Mahmoud ABBAS et M. Ehud OLMERT, quelques temps avant, il y a quelques semaines et j'avais le sentiment que les choses pouvaient s'engager sur la voie de la négociation et du renforcement du processus de paix lorsque les évènements que vous savez sont intervenus. Il est indispensable de rétablir ces relations avec le chef de l'Autorité palestinienne afin que l'on puisse revenir au principe même du processus de paix, qui est inévitable.

Pour ce qui concerne le Liban, nous avons très fortement souligné, dans la déclaration que nous avons votée à l'unanimité aujourd'hui, le caractère capital de la mise en œuvre de la résolution 1559 -les autres aussi, naturellement, mais en particulier la 1559. Il est tout à fait inacceptable qu'un gouvernement -et nous apportons notre plein soutien au gouvernement libanais de M. Fouad SINIORA, cela va de soi- n'ait pas la pleine autorité sur la totalité de son territoire. Tous ceux qui remettent en cause l'autorité du gouvernement libanais sur la totalité de son territoire sont en réalité facteurs de déstabilisation, facteurs d'insécurité, facteurs de déni de souveraineté au peuple et à l'Etat libanais. Par conséquent, nous demandons que les conclusions et les recommandations de la résolution 1559 soient immédiatement mises en œuvre et ceci dans les délais les plus brefs possibles.

Voilà ce que nous avons évoqué aujourd'hui avec, je dois vous le dire, un pincement au cœur en pensant au Liban, qui n'a vraiment pas mérité qu'on le traite de cette façon. Et où les initiatives prises par un certain nombre d'irresponsables se traduisent par un drame vécu par des hommes et des femmes qui en ont surmonté beaucoup déjà, qui méritent le respect, l'attachement, l'amitié, qui méritent la paix. Il ne méritent pas, en tous les cas, que des divisions de la nature de celles que l'on voit, probablement avec la complicité extérieure de tels ou tels intervenants, remettent en cause le minimum qu'ils sont en droit d'espérer, de vie, de stabilité, d'indépendance, et de souveraineté pour ce qui concerne leur pays.

Naturellement, nous n'avons pas parlé que du Liban, même si c'était notre préoccupation essentielle.

(...)

QUESTION – Est-ce qu'on peut encore croire à la paix quand on voit que l'Iran qui soutient le Hezbollah et indirectement aussi le Hamas avec la Syrie, veut ou dit toujours qu'il faut détruire Israël ou le rayer de la carte ? Quand on a tous ces éléments dans cette région, cela sème plus que le trouble ?

LE PRÉSIDENT – D'abord, il faut toujours croire à la paix, rien n'est plus dangereux sur le plan psychologique qu'un comportement qui consisterait à accepter ou à admettre que la paix pourrait être mise en cause. Ensuite, il faut mettre au service de cette conviction, je dirais, une pression internationale, et les moyens nécessaires. C'est ce que nous avons fait ici au G8. Je crois en la paix et je suis sûr que l'on finira par instaurer la paix, d'abord au Liban et puis ensuite, je le souhaite, entre les Palestiniens et les Israéliens.

QUESTION – La G8 recommande la mise en œuvre de la résolution 1559. Or, aujourd'hui, le Liban est cassé, bombardé, le gouvernement est faible, il n'est pas en mesure de mettre en œuvre la 1559. Est-ce que le G8 donne une caution à Israël pour faire cela ? Est-ce que vous, le Président de la France, l'ami du Liban, vous avez demandé au Président américain de demander à Israël d'arrêter de bombarder le Liban, parce que les Libanais attendent cela de la France ?


LE PRÉSIDENT – D'abord, bien entendu, nous n'avons, pas seulement moi, mais l'ensemble du G8 émis les plus extrêmes réserves sur le caractère disproportionné des réactions d'Israël qui avait été provoqué. Deuxièmement, nous avons appelé à la nécessité impérieuse de cesser les bombardements auxquels vous faites allusion et qui s'adressent en réalité à des objectifs qui n'ont rien à voir avec la perspective de la paix et qui ont pour résultat de casser la vie quotidienne, indépendamment des morts et des blessés naturellement qui en sont les victimes.

Ce qui est sûr, c'est que dans toute cette affaire, il y a eu des provocations, et vous savez, c'est le vieux système dont on parlait en 1958, "provocation-répression". C'est un piège que personne ne peut ignorer et ceux qui s'amusent à déclencher ce piège prennent une lourde responsabilité, notamment à l'égard des victimes. Je le pense, dans le cas particulier, à l'égard des Palestiniens de la bande de Gaza, ou à l'égard des Libanais. C'est la raison pour laquelle il nous apparaît, de façon indispensable, que la pression internationale doive se faire pour que la résolution 1559 s'applique. C'est-à-dire que le désarmement de toutes les milices et la restauration de l'autorité du gouvernement démocratique libanais sur l'ensemble de son territoire soient mis en œuvre dans les délais les plus brefs.

Il n'y a pas d'autre solution, toute autre solution ou toute autre initiative se traduira inévitablement par des crises successives, des douleurs, des assassinats. Il faut bien que les Libanais se rendent compte qu'il n'y a pas d'Etat qui puisse exister, surtout pas d'Etat démocratique, si le gouvernement n'a pas la pleine autorité sur l'ensemble de son territoire et s'il laisse librement des milices armées qui prennent leurs instructions on ne sait pas d'où, on ne sait pas de qui et qui peuvent, du jour au lendemain, créer des situations dans le genre de celles que nous avons vus aujourd'hui.


Il faut que les Libanais comprennent qu'ils ont choisi la voie de la reconstruction, notamment sous les précédents gouvernements, qu'ils ont choisi la voie de la démocratie, qu'ils ont choisi la voie de la stabilité et de la souveraineté, et qu'ils doivent fortement condamner tous ceux qui, sous impulsion extérieure, en réalité, mettent en cause ses acquis qui sont ceux de la stabilité et de la tranquillité auxquelles tous les Libanais ont droit. (...)





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