Extraits de l'entretien accordé à Europe 1

M. Jacques CHIRAC, Président de la République, invité de M. Jean-Pierre ELKABACH sur Europe1. (Extraits)

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Paris, le lundi 18 septembre 2006.



(...)

JEAN-PIERRE ELKABBACH - Au Liban, qui a connu cet été trente cinq jours de guerre, le cessez-le-feu prévu par la résolution 1701 des Nations unies, voulu et préparé par la France, est respecté. Ce cessez-le-feu est fragile. A quelles conditions l'apaisement, pour vous, peut-il être durable,
Monsieur CHIRAC ?

LE PRESIDENT - D'abord, il est nécessaire. Le premier objectif, c'est de renforcer l'autorité du gouvernement libanais sur l'ensemble de son territoire car il n'y a pas de pays qui puisse vivre si une partie de son territoire échappe à l'autorité de son gouvernement. C'est donc essentiel. C'est dans ce contexte que les Nations unies ont pris certaines résolutions qui vont dans ce sens et qui faciliteront les choses, je l'espère. C'est d'abord la 1559 et c'est ensuite la 1701 que vous avez évoquée à l'instant. Et je souhaite qu'elles soient mises en œuvre, sans réserve. C'est l'intérêt du Liban et de la paix dans la région.

JEAN-PIERRE ELKABBACH - Vous savez que l'attitude de la France a provoqué de l'incompréhension et des reproches à un moment. Vous n'avez pas envoyé tout de suite des militaires, vous vous en souvenez, pour servir de casques bleus. On a dit "la France hésite", "la France tergiverse et elle ne sait pas ce qu'elle veut". Comment avez-vous pris cette polémique ?

LE PRESIDENT - Avec sérénité. Elle émanait d'observateurs superficiels. Les règles d'action et d'intervention de l'ancienne FINUL étaient incompatibles avec un renforcement de l'efficacité et de la sécurité des soldats. Il fallait donc, d'abord, obtenir des Nations unies, et en particulier du département des opérations du maintien de la paix, les modalités nouvelles permettant à cette nouvelle FINUL de se protéger et d'agir efficacement. J'ai eu de longues conversations avec le Secrétaire général des Nations unies et quand j'ai eu l'assurance que ces règles seraient appliquées, que nos soldats pourraient exercer leur mission de façon normale, c'est à ce moment-là que j'ai décidé de les envoyer. Il aurait été irresponsable de s'engager dans des actions sans en connaître les conséquences et les modalités.

JEAN-PIERRE ELKABBACH - Maintenant, les casques bleus ou autres ont des garanties contre d'éventuelles provocations. Ils ont le droit de riposter. Et comme vous l'avez souhaité, Monsieur CHIRAC, les casques bleus vont venir d'Europe, d'Asie. La Chine a dit ce matin qu'elle envoyait mille soldats···.

LE PRESIDENT - ··· et la Russie.

JEAN-PIERRE ELKABBACH -···et la Russie, des pays musulmans, comme le Qatar, la Malaisie, l'Indonésie seront bientôt cinq mille au Sud-Liban, dont deux mille Français que Michèle ALLIOT-MARIE rencontre ce matin, au siège de la FINUL à Nakoura. Est-ce que vous pensez qu'Israël tiendra sa promesse d'un retrait total des soldats du Sud-Liban ?

LE PRESIDENT - Je le pense. Israël avait mis comme condition, et on peut le comprendre, que la FINUL soit renforcée et soit déployée dans le Sud Liban. Eh bien, ces conditions étant remplies, je pense qu'Israël tiendra ses engagements.

JEAN-PIERRE ELKABBACH - Et le Hezbollah. Est-ce que vous pensez qu'on pourra empêcher le Hezbollah de se réarmer, quand on sait que, par exemple, le Premier ministre du Liban, M. SINIORA, dit et nous a dit à Beyrouth que les militants du Hezbollah ne sont ni des ennemis, ni des étrangers, mais sont des Libanais.

LE PRESIDENT - Vous savez, la situation politique est fragile au Liban. Et donc il faut en tenir compte. Il est tout à fait normal qu'il y ait un courant qui exprime politiquement, notamment, la partie Hezbollah de l'opinion publique libanaise. Je ne le conteste pas. Ce qui est contestable, c'est de l'exprimer par la force, par des milices armées.
Il n'est pas, je vous le répète, de pays qui puisse accepter qu'une partie de son territoire soit contrôlée par des milices armées.

JEAN-PIERRE ELKABBACH - Et vous répétez ce matin, Monsieur CHIRAC, que la solution ne sera militaire, qu'elle sera politique.

LE PRESIDENT - Naturellement, comme toujours.

JEAN-PIERRE ELKABBACH - Entre le Liban et vous, les gens pensent qu'il y a une sorte d'attachement. Comment dire ? Sentimental, affectif ? C'est vrai ?

LE PRESIDENT - C'est tout à fait exact. Et ce n'est pas entre le Liban et moi, c'est entre la France et le Liban. Il y a des liens très anciens, très profonds, très solides. Nous avons été très peinés, perturbés, par ce qui est arrivé au Liban, par le caractère tout à fait excessif de la répression dont il a été l'objet. Et nous souhaitons pouvoir participer maintenant à la reconstruction du Liban. Car au-delà même de la solution politique dont vous parliez à l'instant, il y a la reconstruction du Liban qui exige une communauté internationale unie. Et je proposerai, notamment, une conférence internationale qui puisse permettre de reconstruire le Liban, grâce à l'aide internationale.

JEAN-PIERRE ELKABBACH - C'est-à-dire qu'à New York, où vous parlez demain, ne pense-vous pas que le moment est venu, puisque tant de peuples ont souffert, d'une initiative de paix, d'une conférence internationale sur le Proche-Orient ?

LE PRESIDENT - C'est un problème différent : le problème, je dirais israélo-palestinien. Il est exact que ce problème mine depuis très longtemps la situation mondiale. Et qu'il faut trouver une solution. Cette solution existe, chacun en connaît les termes. Ce sont deux Etats en sécurité l'un vis-à-vis de l'autre et viables. Malheureusement, il n'y a plus de confiance. Il y a eu une période où il y a eu une confiance qui a failli permettre une solution. C'était la période où l'on a connu BEGIN et SADATE, où l'on a connu RABIN et ARAFAT. Il n'y a plus de confiance. Il faut rétablir la confiance. Alors je vais proposer à New York que l'on travaille au rétablissement de cette confiance et d'une solution de paix entre les deux pays. D'une part, avec une réunion du Quartet, qui est officiellement responsable de suivre ces évolutions. Et d'autre part, que cette réunion permette d'élaborer une conférence internationale qui donne à la communauté internationale l'engagement et les moyens de faire ensuite respecter les garanties qui ont été données.

Je crois que c'est indispensable. Cela suppose également, je dois le dire, que l'on évite un drame humanitaire qui est en train de se créer···

JEAN-PIERRE ELKABBACH - ··· A Gaza.

LE PRESIDENT - A Gaza. Et cela suppose la levée du blocus. Cela suppose la reprise des aides. Mais cela suppose aussi de l'autre côté que Mahmoud ABBAS, dont nous appuyons toutes les initiatives, puisse aboutir dans son projet de réaliser un gouvernement d'union nationale.





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