Message du Président de la République lu lors de la cérémonie d'inhumation des restes de Soeur Léonie enlevée en Argentine en 1977.

Message de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lu lors de la cérémonie d'inhumation des restes de Soeur Léonie en l'église de la province de Buenos Aires où elle avait été enlevée en décembre 1977.

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Paris, le 25 septembre 2005.

Chers amis argentins, mes chers compatriotes,

Aujourd'hui enfin, nous pouvons dire adieu à Sœur Léonie.

Près de trente années se sont écoulées depuis ce jour de décembre 1977, un peu avant Noël, où son bourreau, l'ex capitaine Astiz, par une simple accolade sur le parvis même de cette église, la condamnait irrémédiablement à la mort. Ce jour de décembre, Sœur Léonie, puis sa compagne Sœur Alice, comme beaucoup d'autres, ont disparu.

Derrière ce mot, une réalité terrifiante : l'emprisonnement, les sévices, la torture, le corps jeté à la mer, puis le mensonge sur ce qui est advenu et le pesant silence des corps absents.

Quels crimes avait commis Sœur Léonie pour mériter un tel sort ? De quelle violence était coupable celle que l'on allait torturer et tuer ? Sœur Léonie était habitée par sa foi et avait soif de justice. Sa révolte n'était ni idéologique ni partisane, elle était empreinte d'humanité. Fille de l'Evangile, elle portait secours aux familles dont les enfants avaient disparu. Avec d'autres femmes qui courageusement protestaient sur la place de Mai, elle s'était dressée contre la barbarie.

Aujourd'hui, au nom de la France, je tiens à rendre un hommage solennel à Sœur Léonie et à présenter toutes mes condoléances aux membres de sa famille, ici présents. La France peut s'enorgueillir de compter parmi les siens Sœur Léonie qui, pour une juste cause, a fait le sacrifice de sa vie en Argentine, pays qu'elle chérissait autant que sa terre natale, et pays où elle était également aimée. La vive émotion qui a entouré l'annonce de la découverte de son corps témoigne, ici comme en France, du caractère emblématique de son martyre.

Mais je n'oublie pas tous ceux dont un parent fut enlevé et tué pendant la dictature, et je tiens à les associer à cet hommage solennel. Je pense, en particulier, aux familles françaises de disparus qui recherchent toujours les leurs, afin qu'elles ne perdent pas espoir. Je pense à Sœur Alice, unie à Sœur Léonie dans la douleur et notre mémoire. La France est aux côtés de leurs familles. Fidèle à ses engagements, la France souhaite que toute la lumière soit faite sur ce qui est advenu pendant les années de plomb de la dictature et que les coupables soient enfin condamnés.

Grâce au travail des organisations non gouvernementales - de l'équipe argentine d'anthropologie légiste, qui accomplit une œuvre difficile mais remarquable, aux mères et grand-mères de la place de Mai -, grâce à la détermination et au courage des familles de disparus, grâce aux efforts des pouvoirs publics, la vérité progresse. On ne construit pas l'avenir sur l'oubli. On ne peut l'édifier que sur la mémoire.

Aujourd'hui, à la fois tristes et pleins d'espoir, nous nous souvenons de Sœur Léonie, de son exemple, de sa joie de vivre et de son courage : ils illuminent, par delà les années, notre mémoire. Puissent-ils guider la conduite des générations à venir, et nous exhorter à ne jamais tolérer l'intolérable.

Jacques CHIRAC.





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