Message du Président de la République lu à l'ouverture de la Conférence "le Maroc et la France, 50 ans après, une amitié dans la durée"

Message du Président de la République lu à l'ouverture de la Conférence organisée par le cercle d'amitié franco-marocain et le groupe d'amitié France-Maroc à l'Assemblée Nationale, "le Maroc et la France, 50 ans après, une amitié dans la durée.

Paris, le 7 novembre 2005

Je suis heureux de m'associer à tous ceux qui célèbrent aujourd'hui à l'Assemblée nationale la pérennité d'une amitié exemplaire, celle qui unit le Maroc et la France. Partage et proximité en sont les fondements. Ce que nous partageons, c'est une histoire commune assumée dans ses multiples dimensions, du protectorat d'hier au partenariat d'aujourd'hui entre deux Etats souverains. La proximité, c'est celle de deux pays qui depuis 50 ans, ont su bâtir un pont entre les deux rives de la Méditerranée.

Voilà désormais un demi siècle, le 15 novembre 1955, le Sultan Mohammed Ben Youssef regagnait son pays pour devenir, quelques mois plus tard, le chef de l'Etat marocain indépendant. J'avais déjà eu l'honneur, il y a trois ans, de rendre un hommage particulier à la figure charismatique du Roi Mohammed V, qui a si bien épousé la marche de son pays vers l'indépendance et l'émergence de la nation marocaine. En présence de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le 20 décembre 2002, devant l'Institut du monde arabe, nous avions inauguré la place qui porte désormais le nom de son illustre grand-père.

J'avais alors rappelé les moments forts de la geste historique d'un homme exceptionnel qui, pour s'être opposé à notre pays avec dignité et dans l'honneur, a également eu le courage de soutenir la France dans les pires moments d'adversité. De Lyautey, premier Résident général qui nourrissait pour le sultan un profond respect, jusqu'au général de Gaulle, qui l'a nommé compagnon de la Libération, en passant par les hommes d'Etat qui ont milité pour son retour d'exil et jusqu'aux plus humbles témoins de sa vie et de ses combats, nombreux furent les Français impressionnés par sa stature.

Figure emblématique de l'histoire du Maroc, Mohammed V a aussi jeté les bases d'une amitié indéfectible avec la France, fidèlement préservée et même renforcée par son fils, le Roi Hasssan II, et aujourd'hui incarnée avec la même constance par le Roi Mohammed VI. Dans son discours à l'occasion de la " révolution du Roi et du peuple ", le 20 août dernier, le Roi du Maroc a de nouveau souligné le partenariat stratégique qui lie aujourd'hui nos deux pays.

Car au-delà des liens personnels entre les dirigeants, l'amitié profonde qui unit nos deux peuples est le plus bel héritage de notre passé. Cette amitié se fonde sur des valeurs communes, dont la tolérance est la plus précieuse : dans les tourmentes de la guerre, le Roi Mohammed V n'avait-il pas refusé la honte des lois antisémites de Vichy en veillant personnellement à la protection de ses sujets juifs ? A cet esprit de tolérance, les Marocains sont toujours fidèles. Ce sont ces valeurs qui nous rapprochent, plus encore que la proximité géographique ou la complicité linguistique et culturelle, celle d'un imaginaire collectif marqué par Delacroix ou Majorelle.

Le travail de mémoire n'est jamais simple, mais c'est l'amitié entre les peuples qui le rend possible. Je salue dans ce colloque la présence des historiens, qui évoqueront cette alchimie de l'affrontement dépassé, transformé, assumé, au point que nous pouvons si naturellement célébrer aujourd'hui la fraternité d'armes avec des combattants qui ont mêlé leur sang à celui des nôtres lors des deux guerres mondiales. Tel était le message du 60ème anniversaire du débarquement de Provence, auquel a participé sa Majesté Mohammed VI en aôut 2004.

Je salue également les survivants de la génération de Français qui a milité pour l'indépendance du Maroc, de même que les citoyens bi-nationaux qui sont autant d'ambassadeurs de leurs deux patries dans le monde, et la communauté marocaine si bien intégrée dans notre pays, preuve vivante que le choc des cultures n'est que mauvaise littérature.

Aujourd'hui le Maroc souffre pourtant de cette proximité singulière avec l'Europe. Il ne peut être laissé seul dans le combat inégal qui est le sien contre l'immigration clandestine et le trafic honteux d'être humains. Les événements récents nous appellent à la solidarité non seulement au sein de l'Europe, mais aussi avec la Rive Sud de la Méditerranée, avec les pays du Maghreb, et au-delà, avec le continent africain dans son ensemble. C'était le sens de mon intervention à la réunion européenne de Hampton Court. C'est aussi ce que je dirai au sommet euro-méditerranéen de Barcelone.

Car ce mois de novembre est riche en anniversaires à forte portée symbolique. Celui de la Déclaration de Barcelone en est un, d'importance capitale. Dans trois semaines, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Europe et de la rive Sud de la Méditerranée se réuniront à 35 pour redire leur foi dans le partenariat qui les rassemble. Un partenariat que nous voulons authentique et équilibré, qui souligne notre responsabilité collective face aux problèmes de notre temps et la nécessité d'une réponse globale pour les résoudre dans l'intérêt de tous.

Les épreuves trempent le métal des hommes et des nations. Le Maroc millénaire traversera celles qu'il connaît aujourd'hui, comme il a triomphé de celles du passé. La seule véritable épreuve est en définitive celle du temps, et c'est tout naturellement que ce message s'inscrit dans la durée d'une amitié inaltérable.


Jacques CHIRAC





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