Lettre de mission du Président de la République à M. Bernard STASI, président de la commission de réflexion sur l'application du principe de laefcité dans la République

LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Paris, le 3 juillet 2003

Monsieur le Président,

Je vous remercie d’avoir accepté de présider à la Commission indépendante que j’ai décidé de mettre en place pour mener la réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République.

La France est une République laïque. Cette règle solennellement affirmée par notre Constitution est le fruit d’une longue tradition historique. Elle s’est imposée comme une garantie de neutralité des pouvoirs publics et de respect des croyances. Elle s’est profondément enracinée dans nos institutions avec la loi du 9 décembre 1905, qui a séparé les Eglises de l’Etat.

Cette grande loi républicaine a su s’adapter aux évolutions de la société française depuis un siècle en respectant les particularités de chaque religion. Elle recueille l’adhésion de toutes les confessions religieuses et de tous les courants de pensée, qui y voient la meilleure défense de la liberté de croire ou de ne pas croire.

Cependant, l’application du principe de laïcité fait aujourd’hui l’objet d’interrogations. Sa mise en oeuvre dans le monde du travail, dans les services publics, et notamment à l’école, se heurte à des difficultés nouvelles.

La République est composée de citoyens ; elle ne peut être segmentée en communautés. Devant le risque d’une dérive vers le communautarisme, plusieurs initiatives ont été prises, comme la création d’une mission d’information parlementaire sur les signes religieux ou le dépôt de propositions de lois relatives à la laïcité.

Je crois aujourd’hui nécessaire qu’une réflexion approfondie et sereine s’engage sur les exigences concrètes qui doivent découler pour chacun du respect du principe de laïcité.

Cette réflexion doit partir de la réalité de la société française, de sa diversité et de ses attentes. Elle devra donner lieu à la consultation publique de représentants de toutes les sensibilités politiques, philosophiques, religieuses et sociales, en se gardant des préjugés ou des amalgames qui obscurcissent trop souvent le débat dans ce domaine.

Quelles sont aujourd’hui les mesures susceptibles de favoriser une mise en oeuvre apaisée du principe de laïcité ? De quelles évolutions cette clarification devrait-elle s’accompagner pour promouvoir une laïcité garante de la cohésion nationale et du respect des différences de chacun ?

Ces questions générales recoupent plusieurs problèmes particuliers sur lesquels j’aimerais recueillir l’avis de la Commission indépendante que vous présiderez.

Comment donner toute sa force, au sein de l’école républicaine, à l’exigence de laïcité ? Les principes que le Conseil d’Etat a été amené à formuler il y a une dizaine d’années en réponse aux incidents liés au port d’insignes religieux soulèvent des difficultés d’application pour les chefs d’établissements et les enseignants. Comment, aujourd’hui, préciser les règles et les devoirs qui s’imposent à chacun au sein des établissements scolaires et des universités ?

Quelle place faut-il faire à l’expression des convictions religieuses de chaque Français sur son lieu de travail, dans les lieux publics, au sein des services publics, dans l’accès aux sports et aux loisirs ? La Commission pourrait notamment examiner les réponses qu’appellent les demandes de prise en compte des prescriptions cultuelles, de la date des fêtes religieuses ou des interdits alimentaires, dans le respect des valeurs républicaines.

Sur l’ensemble de ces points, la Commission travaillera en s’attachant à donner le sens le plus concret aux exigences qu’implique le principe de laïcité : la neutralité du service public, le respect du pluralisme, la liberté religieuse, la liberté d’expression, mais aussi le renforcement de la cohésion et de la fraternité entre les citoyens, l’égalité des chances, le refus des discriminations, l’égalité entre les sexes et la dignité de la femme.

Les services de l’Etat seront à la disposition de la Commission et de ses membres afin de leur faciliter les tâches nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

J’attacherais du prix à ce que vos propositions, qui seront rendues publiques, me soient remises avant la fin de l’année.

En vous remerciant à nouveau d’avoir accepté cette responsabilité, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma haute considération.

Jacques CHIRAC

Monsieur Bernard STASI Médiateur de la République






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